mercredi 31 décembre 2014

La courbe de tes yeux

Billets d'humeur

1. J'ai voté BCE comme plus de la moitié des femmes tunisiennes. J'ai un profond respect pour le Monsieur, cela va de soi. Mais j'ai voté par nécessité. C'est un vote pour contrer un projet sociétal moyenâgeux qui m'angoissait et ne me permettait pas d'envisager un avenir heureux pour mes enfants dans leur pays. BCE est un Monsieur au grand âge, il ne peut représenter l'avenir de la Tunisie. Mais il peut incarner son passé des glorieuses 70, il peut asseoir la souveraineté de la Tunisie et il peut relancer la vision bâtisseuse de Bourguiba dans sa meilleure période. Ce qui m'inquiète outre le grand âge, ce sont les courtisans. Quels qu'ils soient qu'ils sachent tous qu'il va falloir composer avec une société civile forte et aguerrie, perspicace et réactive dont l'arme redoutable est la liberté de dire, de hurler et d'agiter. J'ai voté BCE parce qu'il est possible de le contrer.

2. Que l'année à venir vous soit douce et heureuse.
Que l'amitié et l'amour puissent triompher de la bêtise et de la haine.
Que les personnes diminuées puissent se sentir moins seules, qu'elles soient aimées.
Que les Hommes apprennent à tisser des liens forts, à regarder l'autre, à le toucher et à l'épauler.
Que la vie continue belle et généreuse.
Que ceux qui ne sont plus là sachent qu'ils sont toujours parmi nous.
Que cesse le rejet de l'autre.
Que le Beau vous soit accessible.

3. La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur ...

Retrouver ses convictions esthétiques et poétiques.
Sa notion du Beau.
Le Beau, l'histoire d'une vie qui ne regarde que dans cette direction.
La mer ne me parle plus. C'est d'une tristesse. Même pas hier au fort du vent, du froid glacial, des vagues. Elle était marron à force d'être en colère. Houleuse. Rien. Pas un mot. Pas un regard.

Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
PE.


dimanche 28 décembre 2014

Billet de vie 2. Eva. X.

X.
Enest, Claire et l'histoire d'une vie hallucinante ...


Claire se rappelait les années fac comme si c'était hier. Son homme n'était plus là, il était avec l'autre, la femme du réverbère. Elle était dans sa beauté tellement vulgaire, tellement fille de joie que pour peu que l'on doute de soi ou que l'on soit dans le besoin d'un stimulus, c'était ce qu'il fallait. Elle était envoûtante aussi. C'était ses mots à lui. Exactement.

Les années fac, le campus, la pelouse, les bras de son homme jeune et rieur et si près d'elle. Enest était beau, il avait les traits sculptés et les sourcils très épais, les yeux immenses de ceux qui ont la vue double ou triple ou multiple, qui vont au-delà du sens immédiat à la recherche d'autres signifiés. C'était ce qui intriguait le plus chez lui. Mais son regard était empreint d'une telle gentillesse que Claire ne s'attardait pas outre-mesure sur cet "éclatement".
Enest était également d'une intelligence rare et d'une grande curiosité des sciences, du droit, de la chose littéraire et de la création artistique. Il faisait de la biologie et elle était persuadée que ce n'était pas ce qu'il lui fallait. Elle n'en disait rien. Dans sa famille, il y avait un domaine premier et puis après tous les autres : la Science. Il était donc dans la logique des siens.
Ils étaient sur Paris les deux, partageaient un même studio à Saint-Michel à deux pas de Jussieu. C'était il y a plus de vingt cinq ans.

La fac, les amis, les années-galère, les périodes de stress et d'examens, les résultats, l'euphorie et le désenchantement. Il faisait sa biologie à Paris VI, elle faisait sa psychologie à Nanterre. Il était dans l'exubérance en tout, elle était dans l'organisation et la construction. Un équilibre. Aujourd'hui vacillant et on ne peut plus en danger.
Il rata sa biologie pour des raisons encore aujourd'hui tues, pour ne pas avoir à revenir sur des moments difficiles. Et ce fut le droit où il réussit brillamment. Il avait un appétit de la connaissance énorme, un peu rapide, souvent glouton, ce qui confinait à son travail peu de méthodologie. Mais il réussissait. Claire, lui apportait le calme, la sérénité. Elle se rappelle encore les heures passées à lui masser le front et le cou, les jours de boulimie du savoir sous toutes ses formes. C'était son aspie à elle. Elle en était sûre mais là aussi atypique. Masser un front bouillonnant, elle lui demandait de fermer les yeux et massait, massait. Elle l'aimait pour lui principalement et pour son infinie gentillesse. Elle l'aimait pour ses mystères encore aujourd'hui, après une vie passée ensemble, un enfant devenu homme aujourd'hui et parti étudier aux États-Unis.
Enest est happé aujourd'hui par cette femme, celle de la rue Mogador et du réverbère, cette femme étrange et vulgaire qui eut l'idée de se limer les ongles en bas de sa chambre de bonne à vingt-deux heures sur la rue Mogador, pas loin de la salle de théâtre.

Que pouvait-il lui trouver ? Pourquoi n'opposait-il aucune résistance à cet étrange attrait ? Il avait toujours eu en horreur les femmes vulgaires et il lui arrivait d'exprimer des opinions incisives, des jugements que Claire tempérait. Pourquoi d'un coup, ni Claire, ni leur élégant appartement, ni Liszt, ni leurs films-culte, ni leurs échanges sur la littérature, l'art et la philo ne l'intéressaient désormais ? Et puis ces vieilles migraines qui reviennent avec force, ces yeux magnifiques écarquillés sur tout et surtout sur rien. Le pire c'est qu'il revenait chez lui de temps en temps pour tout raconter à Claire. C'était la seule chose qui lui restait à elle et malgré l'humiliation, elle acceptait et prêtait une oreille attentive.
Il lui parlait d'Eva, de son passé, de son enfance de fille de rue, un peu à la Piaf. Il lui parlait de la misère qu'elle vécut, de ses hommes, nombreux et de moments de tendresse qu'elle partagea avec certains d'entre eux. Il ne lui parlait que d'Eva, rien sur eux deux, leur relation, le fait qu'il passait les trois-quarts de son temps chez elle et Claire comprit qu'Enest lui faisait également des confidences, qu'il lui racontait ce qu'ils avaient décidé d'emmurer mutuellement, volontairement et consciemment. C'était de nouveau cette vieille dualité qui pointait du nez subrepticement. Le regard glouton et multiple.

mercredi 24 décembre 2014

Eva. X.

X.

Billets de vie

1. L'exclue

L'ordonnancement des mouettes était surprenant. Toutes regardaient dans la même direction, leurs queues symétriques aux piquets. Pas un seul mouvement. C'était beau et d'une forte perception pour elle et très certainement pour lui mais d'une tout autre façon assurément. Il s'amusait et ses yeux aiguisés à la détection de tout signifiant ne rataient rien. Il avait d'immenses yeux en amandes où tour à tour et au fil des jours, elle voyait un tas de sentiments. Chavirants quelquefois, toujours chargés de sens.

Les mouettes ne bougèrent qu'à l'arrivée de l'intruse. Elle n'avait pas sa place, elle essaya un piquet occupé et en fut aussitôt chassée. Elle partit un peu plus loin, en trouva un, s'y posa mais elle était en dehors de la communauté. Entre temps, les autres, toutes d'un même geste, s'inclinèrent dans sa direction toujours avec la même symétrie. Une sorte de chasse gardée, elle restera en dehors du groupe et n'y sera pas admise, le tout dans un calme serein et une paix mathématique.

La réflexion intérieure de Claire était toute à la différence, aux inclinations, à l'acceptation de l'Altérité. Elle n'avait rien contre l'amour de l'un vers l'autre de la même appartenance et elle était presque sûre que la mouette exclue l'était pour des raisons analogues ou bien qu'elle gambergeait trop comme lui aimait à le dire.

Le fait est là : la mouette était indésirable. Elle était plongée dans ses questionnements et lui avait toutes les réponses. Il en avançait une ou l'autre, disait ceci ou cela toujours avec rigueur et confusion. Et puis, il y avait les textes et ses peurs à elle. Elle avait en elle de fortes intuitions, souvent des certitudes, l'habitude du décryptage, le décodage des signes. Les textes, toute sa vie.

Ils étaient assis sur l'asphalte face à la mer qui ne lui parlait plus, depuis longtemps déjà. À en pleurer. Cela valait tous les dictionnaires du monde et même google. Car tout se faisait dans l'interaction et une sensibilité magnifique. Ce Monsieur était intéressant, tendre, dur, violent quelque part. Il courait depuis enfant et sa démarche était lente et laborieuse. Tout savoir sans organisation particulière de la pensée, dans tous les sens et puis cette fluidité et ces ramifications à n'en plus finir. C'était intéressant jusqu'au moment où il faut lui rappeler le point de départ. Mais pour l'heure ce n'était pas tant cela qui l'occupait. Plutôt un point de fuite très loin derrière. Pourquoi ce portrait ? Une réminiscence ? Un retour vers un goût refoulé ? Un penchant vers l'interdit ?

Elle se souvient parfaitement de ce qu'il lui écrivait. " Ses sensations belles et fortes d'un passé vieux de plus de trente ans qu'il voulait transcrire et qui s'évanouissaient injustement et inéluctablement".

Peut-on passer trente ans sous le diktat du socialement codé à se remémorer des sensations rares aimées et délaissées mais tapies au fond de soi ?

Peut-on vouloir faire plaisir aux siens proches, aller dans le sens commun et offrir une image d'un bonheur qui a leur aval et leur assentiment ?

Peut-on vraiment aimer l'un et l'autre d'un amour vrai mais si différent ?

Peut-on aimer d'une amitié forte celle-là même qui ne sait aimer que d'amour et qui s'appelle Claire ?

Eva, elle, avait toutes les réponses. Peut-être même plus que lui dans ses moments purs et sans le despotisme inconscient ou conscient du délire.

dimanche 9 novembre 2014

Claire. IX.

IX.

Claire était une femme rare. Elle avait tout parfait : belle, élégante, calme et compréhensive. Elle le savait troublé depuis quelques mois et n'en disait rien. Elle était tout sourire, son intérieur impeccable et ses apéritifs des moments de purs délices. Elle faisait tout ce qui lui plaisait, tout ce qui lui avait toujours plu. Elle diversifiait et alternait, elle mettait à chaque fois une touche nouvelle soit dans les ingrédients mêlés et offerts, soit dans la déco, soit dans le choix des vins ou des liqueurs. Et puis, elle se faisait belle et légère. Et elle était très belle et très classe.

Et il était troublé. Une sorte d'aiguillon profond. Elle n'y avait pas accès et savait son impuissance. C'était entre lui et lui. Et quand il se leva d'un bond pour sortir par cette nuit " respirer de l'air frais ", elle comprit que c'était là un moment où quelque chose pouvait arriver. Et ce fut Le moment.

Son Homme était dehors à la dérive, à la cueillette et elle n'y était pour rien. C'était la vie, la fragilité des hommes et l'émotionnel. Il n'avait pas eu son lot d'émotions et il était à la recherche d'une charge, d'une altérité, d'un sens.

Poésie ou l'impérieux besoin de dire


A ceux d'entre vous qui croient aux mots.

Un jeune homme qui éprouve le besoin d'écrire, qui suit les mots et les combine, en fait une signifiance ou arrive à la signifiance au détour des constructions...
un besoin impérieux et surtout un soulagement.


Mon corps a faibli ma rage a maigri cherchant la haine que j'ai perdue et délaissant les pains que j'ai eus.
Fier d'être de retour de ce voyage sans destin juste un chemin Un chemin sans fin.
                                                                                            

                                                                                                                     Omar B.

lundi 3 novembre 2014

Lettre d'Eva. VIII.

VIII.

Depuis la rencontre de la rue Mogador, Eva est autre. Cet homme-là est différent, très différent. Elle avait ri au départ, elle ne rit plus maintenant. Une gravité. Cet homme si désemparé au début a tout pris d'elle, tout bêtement son cœur mais aussi ses années de vie. Et puis, il y a Claire. 

" Mon maître à moi, c'est vous

Un Homme éclaire ma vie, de ses yeux graves et chargés de sens.
Il vaut tous les hommes.
Il s'est superposé bon gré mal gré, au départ, et le voilà chevauchant tout mon être et mon corps aujourd'hui. Je l'aime gravement et j'en ai peur.
Cette chose qui vous emplit la poitrine est quelquefois insoutenable, je l'ai dans mes yeux et dans mes rêves, dans mes mains encore coulant et dans mon cou.
Je l'ai au plus profond de moi-même remuant et tendre. Je l'ai dans mes oreilles et dans ma peau tout contre mon cœur.
Et je palpite de tout mon être au simple clignement des yeux. Une ardeur à calmer pour étirer le temps.

Cet homme-là est venu à un moment crucial, un moment intense où chaque instant de vie est pressenti et senti et vécu comme le dernier.
Je le veux tous les jours et tous les instants et j'ai peur de mes peurs. J'ai peur de ses absences, j'ai peur de trop l'avoir au fond de moi dominateur et tellement essentiel. Il est l'Essentiel, mon tout et désormais le sens à mon corps et à ma vie.

Cet homme est beau, cet homme est Homme, cet homme est compréhension et lumière. Il coule en moi et je m'abreuve à sa vie, à sa voix, à son brio, à ses silences, à ses regards. J'ai honte de trop plonger dans ses yeux par peur de cet amour si fort et si envahissant. Par peur de voir son importance dans ses yeux.
Quelle chance de l'avoir en moi et dans ma vie et quelle peur de ne plus pouvoir se passer de lui !

Oui calmer des sentiments qui débordent sinon plus rien n'a de sens que lui. Et la passion vous brûle et vous tue. Je crois qu'à cet homme, je donnerai tout, tout naturellement. Il les vaut tous et je veux qu'il le sache. Cet homme est mon Homme et je meurs de lui.

À en pleurer d'émotion."


Eva.

Eva avait honte de regarder un homme dans les yeux. Eva pleurait d'émotion et Eva a toute sa vie été regardée bizarrement. Elle savait et elle s'en fichait ou elle faisait semblant. Et puis cet homme, ce regard, cette volte-face dès l'instant où il prit sa décision. Il l'aimait, elle le savait. Malgré tout. Malgré tous les autres.

dimanche 2 novembre 2014

Cet Homme est le mien et je m'appelle Eva. VII.

VII.

Parce que dans l'Existence, il y a des hommes et des femmes, une chaumière et du bric à brac, un ventilateur pour aérer une maïeutique fantasque souvent.
Un Homme est assis à un bureau d'époque, à la surface ébréchée par endroits, un magnifique bureau et un Homme dans toute sa splendeur d'entité réflexive.

Il lisait, réfléchissait et écrivait, s'arrêtait, reprenait et en proie au désir impérieux d'étayer, il lui arrivait d'interrompre son travail. Un Homme de travail, mi-fermier, mi-philosophe en attente de signes et profondément imprégné.

Les journées d'été sont longues et chaudes et toutes en impressions. Cela bruissait et cet Homme attendait dans un corps sain et travaillé. Un corps maîtrisé et commandé.

Je me plais à me frayer un chemin à lui, à lui, dans la douceur du silence. Cet Homme est à moi. Ses yeux sont mes yeux, sa main est ma main et sa peau est mienne.

Je me plais sur la pointe de ma plume à envahir son espace d'homme, ses idées et son entité. Je le veux mien avec ce corps qui respire et cette réflexion qui s'exerce.
Quelle belle chaumière et quelle belle trame, une traversée longue de senteurs et de saisissements, un homme à la peau tendre que mes sens chérissent et dont rêve mon moi.

Et ce ventilateur aux pales poussiéreuses qui me nargue pour l'heure et dont je rêve la posture.

mercredi 29 octobre 2014

Lettre d'O aux Assis



Lettre d'un jeune homme de 16 ans à la poussiéreuse administration qu'il a au quotidien sous les yeux. Cri de colère face à la laideur et à la léthargie de la bêtise aux commandes, vrai coup de gueule, rogne quasi physique, grincement de dents devant l'ampleur du Rien et son sourire narquois.


L’administration, c’est comme un policier
Sale, contaminé
Détestée de façon délibérée, elle est brûlée par ses propres employés.
Indigne, cupide, débile et stupide,
Elle n’arrive pas à penser, il faut tout lui expliquer.
Leur vie monotone me dégoûte, sans aucun but,
Je n’arriverai jamais à comprendre leur être ridicule,
Ils nous préparent à vivre en société : suivre les ordres donnés !
Ils essayent de manipuler la liberté.
Des cerveaux étriqués qui ont peur d’essayer. Peur de la liberté.
« n’essaye pas de voir la vérité, vit dans un monde falsifié »
Ils nous piègent dans des classes pour nous apprendre à calculer des choses qu’on utilisera plus jamais,
Copier-coller, ce qu’ils essayent de préparer ce sont des clous pour tenir la société qu’ils ont imaginée.
Ils n’ont pas trouvé de sens à leur vie, ils essayent d’empoisonner la vérité.
Je dis ce que je pense et malgré toute la témérité
Des écoliers, collégiens et lycéens, je fais un appel à tous pour les aider à penser
Sans rien regretter, ne crois pas aux déchets servis, ne crois pas leur être ridicule.
Ne lisez pas ce qui vous est donné, lisez ce que vous voulez.
Tout ce qu’ils recherchent c’est l’argent : acheter ….. et rien utiliser.
Oubliez vos idées. Souvenez-vous des leurs !
Ce n’est pas simple comme métier, mais putain ! De les payer on est forcés !
Etudier, étudier, suivre et passer un devoir le lendemain, tout oublier et pourquoi ?
Apprendre à tolérer pour créer une union divisée.
Chacun a ses idées, chacun ses pensées, chacun sa personnalité.
Travailler, oublier, suivre, passer des nuits à réviser, j’en ai marre du cercle fermé.
Mais je vous emmerde, vous et vos principes vides de toute idée,
Des principes avec lesquels ils essayent de nous enfermer dans une cage dorée.
Je ne suis pas là pour vous plaire, ni pour vous payer.
Vous ne m’imposez rien dans mon intérêt et vous êtes vides : rien de méritant et rien d’intéressant vous vivez,
Dans le néant de la poussière dorée ;
Pour exprimer une idée, il faut sortir de vos carrés sous-titrés.
Des vies faussées, se reflètent sur leur virilité
Qu’ils essayent de se prouver, mais ne peuvent rien montrer.
Malheureux, désespérés, détruits, bouleversés, ils ne trouvent plus de sens à leur vie.
Ils courent derrière leurs petits désirs. Pensant trouver la paix.
Une paix qu’ils ne trouveront jamais.
Parce que derrière leurs légères idées, se cache la vérité qu’ils essayent d’oublier
Ils sont de passage et personne ne se souviendra (d’eux)
Ils partiront sans laisser une trace.
Ils savent que leur rôle est de vider les générations
Et ceci montre à quel point leur être est ridicule.


Malek Omar El Bahri


Un texte magnifique tout simplement Omar !
Tu décris les Assis admirablement, dans leur petitesse et leur laideur. Leur vacuité et leurs vues étriquées .
C'est exactement cela les Assis, ils croient tout savoir, or la première chose qu'ils ne savent pas, c'est qu'ils sont des vers de terre bêtes et insignifiants.
Nos idées se rejoignent et quand j'étais adolescente, j'étais dans le même esprit de rogne que toi, la même rébellion.
Mais j'ai vite appris avec mes 18/20 ans à continuer à penser ainsi mais à composer l'espace d'un moment et en situation de besoin.
J'ai en horreur les Assis comme toi mais par politesse, je ne le crie plus sur tous les toits. Bien entendu, je n'en pense pas moins.
Merci de ce texte qui ravive mon mépris des c...




Ecrire c'est rager aussi, c'est rager surtout quand on refuse la bêtise. Il y a comme une paix après un tel hurlement.


vendredi 24 octobre 2014

E mon double, Rubens c'est toi...

Un flot d'émotions, silencieux et dru et continu. Parce que l'existence est à un point ténue et que l'incompréhension est fatale. Elle a vu et entendu et aimé des souffles de vie aux rires truculents partis en fumée et que partir demeure cruel et froid. Partir où et quand et pourquoi ? Et puis, que faire de toutes ces sensations, de toutes ces emplitudes, de tous ces bruits de rires encore à l'oreille dépourvus de matières mobiles et enjouées ?
La mort a de haïssable son regard froid et ses talons tournés à chaque fois. Elle est laide de son impiété de l'Homme, même plus, elle n'est rien, elle n'a pas d'existence, elle a juste des pinces noires de hargne viscérale et un sabre fou qui ne rate rien.
Aujourd'hui, à force de voir ses yeux perçants mais aussi creux, ces cavités atroces, elle se met à vouloir ne plus approcher quiconque de beau, de parlant et de donneur. Ne plus éprouver ces atomes étincelants, légers et chauds qui font de la vie la plus belle œuvre.
Rubens, dit le solitaire fin et bon et en vie et au fait de l'art et de sa dimension divine. Rubens et quelques gestes fortement chargés qui sont autant de soufflets à la Laide aux cavités grises et vermoulues.
Un être si délicat dans ses tréfonds qu'il faillit partir en vrille à force de richesse et d'un je-ne-sais-quoi... Elle savait et voulait et pouvait lui multiplier les airs du rire léger parce qu'autant de peur est à gommer d'amour et de gestes riches. De cela, elle était remplie.
Oui, vous qui appréciez Rubens, c'est peut-être la providence ou une justice au final pour faire croire que le Beau existe et que rien n'est trop perdu.
Elle vous enlace, gage d'amour et de Vérité, parce que le plaisir vrai est Rubens, la trace, l'élan et l'intégrité profonde.

jeudi 23 octobre 2014

E, mon faiseur d'airs et de mots ...


Un vent. Du vent et des vents. Parti et qui partent. Les remparts de la ville se dépeuplent dans la douleur, heure cruciale pour voler. Vol consenti, vol franc, vol capricieux. Et cette instance large qui désarçonne plus d'un. Une instance patiente et réfléchie et qui pèse, interloque et appelle d'une voix encore méconnue. Instance de promesses de vie et de notes. La musique vous gonfle la poitrine d'un souffle cette fois-ci et les sirènes sont irrésistibles ...

Et puis cette voix, cette voie étrange et tellement belle. Cette droiture et cette certitude au dire du Non. Une intelligence rare et vitale, toute de promesses tissées. Aux quatre vents certes ...

Solide cette apparition au hasard des portes et des murs, ceux de la ville. Un croisement et une temporalité, géniteurs de mots, de gestes légers et chercheurs.

Une longue journée vers un soir, un moment inconnu et chargé, un faiseur de choses, d'airs et de sensations, coureur de collines et de monts ...

Il insuffle au domaine sourd, serrements et pulsations, sourires et yeux rivés, attentes et sens.

mercredi 22 octobre 2014

A, mon amour, qui es-tu ? VI. ( suite )

VI.

Il y avait les gestes et il y avait lui.
Des gestes lentement successifs et réfléchis. D'abord ça ensuite ci.
La distance entre ses gestes et lui, lui faisait sentir comme une absence de sentiments forts, spontanés.
C'était une personne trop dans la maîtrise de ce qu'elle faisait.

Et surtout au moment de le quitter, après l'avoir enlacé et embrassé avec une tendresse sans égal, elle crut voir une fugitive expression de dégoût, la même que celle du restaurant de la dernière fois à l'égard de la bruyante tablée. Extrêmement fugitive, mais elle ne lui échappa pas.

Un dégoût de l'attente des femmes à l'égard du désir ?
Femmes et désir seraient-ils  méprisés ?
Femmes méprisées dans leur besoin de vie ?
Le désir ne serait pas femme pour lui ?
Ou alors bien plus loin encore, l'état de félicité ? L'Homme pur aspirant au bonheur pur.

Est-ce une confusion entre ce qu'elle lisait et ce qu'elle vivait ?
Cette personne vivait trop en-dedans d'elle-même et en-dedans des choses. Et puis, il lui semblait qu'elle s'amusait du décodage des autres et de la difficulté qu'elle mettait à leur autoriser la compréhension. Un désir de puissance flagrant. Mais c'est sans compter l'infini discernement d'Eva car tout est affaire de grande solitude.

mardi 21 octobre 2014

Billets de vie



I
Il est 6h et l'inscription est prévue pour 15h. Une trace. Encore une mais cette fois-ci sur le palimpseste de vie. Une note ouverte sur l'Etre fondamentalement. Tout y est mais surtout soi car tout est soi. Une note voulue comme marque d'un moi libre et décideur. Une note-trace pour dire j'ai vécu et j'ai voulu et je mourrai. Mais je mourrai transcrite par volonté mienne. Une toute petite trace de poésie, de déroute existentielle et de beauté. Quand même.

II
L'heure est à la cité dans tous ses remous. Elle le savait mais n'y allait pas encore, ira bientôt. Elle était emplie dans son enveloppe de vie violente et presque handicapante. Des serrements et des serrements et la praxis n'y fait rien, que de l'épuisement. Dans sa conscience et dans son inconscient, cela se débattait dans tous les sens. Des oui, des non, un besoin de confiance, de paix, deviner, déguerpir,  y croire, méfiance animale, joueur et rusé, marcheur dans tous les sens et les petits qui s'y mêlent, sa détestation des petits et puis cette horreur utile héritée de la génitrice : composer ou faire mine et sourire. Cordiaux les rapports. Insupportables plutôt. L'esprit galope et la porte du battement est aux quatre vents. Reste intact le pouvoir de tracer. Tracer loin.

III
Ontos et poésie. Ontos et anthropos. Et parce que dans la vie, il est rare d'ouvrir de grands livres. Un grand ouvrage, à l'opposé. A la déroute ? À l'écoute du monde. Une sensibilité mais réfléchie surtout. Une préscience au point où sa belle plante lui dit que cet ouvrage était tri-encéphalique. Rires et irrépressible désir de serrer et de lever les yeux pour y voir ce quelque chose. Merci les murs et les collines. Trop rapide l'éveil à la vie. Un flux puissant et épuisant. La cité appelle, elle est du coup inintéressante peut-être anxiogène quand même mais il faut surtout condenser et ranger de nouveau.

IV
La musique est le lieu de tous les beaux. Elle est dilatation intellectuelle et sensitive.
Au milieu des airs, s'apaise un tumulte agressivement libre et sauvagement exponentiel. Un léger mieux.
Pourquoi diable ne pas être un être de base à cette heure si banale ? Un lieu pour y arriver : les couloirs poussiéreux de la bureautique.

V
Je retourne à la cité de ce pas bien qu'elle soit laide d'opportunisme et de n'importe quoi. Bien que le démuni le restera car oublié de tous ou parce que rien n'y fera. Je retourne à la cité dire ma colère et veiller à la part des miens d'un côté ou d'un autre. Je suis au milieu d'un dénûment qui implore Dieu alors que ma voix interpelle les femmes et les hommes.

lundi 20 octobre 2014

Eva, l'authentique VI

VI.



Et c'était précisément dans la misère de cette chambre de bonne des toits de Paris que tout fut clair. Sinon comment comprendre que le simple fait d'avoir voulu respirer l'air du dehors, adossée à une lanterne Mogador, à une heure indue, vous fasse monter un homme de l'autre monde dans votre chambre de rien et bien qu'il y ait dedans une lampe rare à l'abat en point de croix ?


Eva, la vraie. Car il faut bien tout dire et ne pas trop se jouer de lui. Eva la vraie est de retour. Et ce n'était pas la vodka mais la solitude des hommes, la peur de mourir, le désir de bonheur et puis l'autre. L'autre que vous savez être précisément la personne qui peut vous donner l'espoir du mieux-être et toujours en dehors des tracés sociaux. Sinon comment échouer, presque délirant à la fin, dans cette chambre sordide, poussiéreuse, sentant les sueurs successives fût-elle occupée par Eva, l'ensorcelante ?


Alors que dans le même temps, Claire devait s'inquiéter pondérément dans son salon impeccable de goût et d'ordre, dans sa robe de soie à l'élégance épurée. Claire, l'extraordinaire beauté du versant droit, femme divine sans une seule once de mauvais goût ou de vulgarité. C'était sans tenir compte de la fragilité des êtres.



dimanche 19 octobre 2014

Eva. V.

V.
Eva a toujours été au centre de tout, de par ses particularités. Elle écoutait cet homme parler et dire. Les mots à ce moment-là n'importaient pas mais leur flux garantissait une permanence. Ce n'est plus l'Eva tracée, elle est passée maître dans l'art de la transfiguration et le mot n'est pas d'elle. Eva la chercheuse de Sens. Et de sens, cet étrange Monsieur était empli.
Conversation légère, allées et venues, personnel affairé, une solitaire en délire sous Bacchus et toujours cet éternel désir d'apporter des réponses à la vie.
La nouvelle Eva s'emplissait, à sa gauche, de ce Monsieur atypique. Il haïssait les restaurants, la frivolité des lieux mondains et, à un moment, elle le vit courroucé des éclats d'une tablée non loin d'eux. Eva suivait sans laisser en paraître une, elle souriait, riait et échangeait de petites phrases légères, absolument rien de consistant. Ce n'était pas cela qui l'intéressait mais elle était rompue à l'art d'accorder les sons différents et c'est surtout une mondaine par nécessité.
Elle savait cet étrange personnage plus riche et autre et cette altérité était précisément ce qui l'occupait.
Eva se tournait quelquefois vers lui quand elle arrivait à se défaire de la dame à Bacchus. Cet homme était là dans un univers méprisé par lui mais il y restait et elle le voyait dans ses relations consenties aux autres toujours dans une courtoisie égale. Quelquefois son bras le frôlait et elle avait alors l'étrange impression d'avoir à ses côtés un être important. Important de vie, important dans sa vie. Et Eva avait déjà connu cette peur naissante et insidieuse.

Des gens et des gens, des odeurs et de la fumée, des dames toilettées pour reprendre une expression de la grand-mère d'Eva, des salutations et des effusions. Elle évoluait dans un monde sien, les soirs de sortie, connaissait le tout-pays de part la famille, les proches et les amis. Eva était une mondaine de circonstance, de toutes les circonstances en réalité mais une mondaine rieuse et surtout réflexive en filigrane ou plutôt essentiellement. Toute la soirée, elle sentait son voisin de table et c'était déjà bien plus que cela. Une force forte de mots et de cohérence, d'incohérences aussi quelquefois ou alors de ce qui le faisait lui. Elle le sentait bien plus qu'elle ne le connaissait et savait déjà que la fortuité de cette rencontre aurait du pesant.
Le dîner s'acheva, ils prirent congé, l'air était bon, loin de la fumée piquante et du bruissement utile à la continuité de l'existence. Un bras au-dessous du sien, Eva se laissa emportée vers une promenade nocturne. Des mots et des silences, des peurs et de l'assurance, des échanges tacites d'impressions. Cet homme qu'elle connaissait peu au final était de la trempe des siens lointains, force tranquille et naturelle continuité. Elle contenait son affection qui montait par flux par pudeur mais aussi par inquiétude. Eva se savait trop aimante et surtout aimante monothéiste et ce passage-là était grave. Elle fonctionnait au quotidien à la proximité humaine avec tous ou presque et si ce soir-là, il advint que, ce serait d'elle-même qu'il s'agirait, elle se savait déjà emplie d'une richesse sans borne, tendrement tendre ou même au-delà de celà. Sauf et, sans pouvoir aucun, la borne de la fin. Mais elle n'y pensait pas à ce moment-là, c'était surtout un instant de naissance.
Ce Monsieur savait, comprenait, peut-être mesurait le temps et le suivait. Il avait la force de laisser transparaître et en même temps de garder l'essentiel. Un moment magique et de pulsations sonores ou presque. Son cœur battait, cet homme était précieux et elle le voulait déjà mais c'était omettre sa pesanteur à elle à son tour. Quelques mots car à trente ans ou à quarante ans, on n'est plus crédules et que cela semble d'une intensité différente.
Elle descendit de voiture, l'enlaça rapidement pour endiguer un quelque chose de puissant et s'en alla vite vers son silencieux chez elle, la main levée en signe décidé de fermer la porte aux idées retournantes.
Elle irait vers lui, dans le même silence, la même énergie pesée pour d'autres balades nocturnes toutes empreintes d'émotions. Elle l'attendait sans peur mais avait peur de l'aimer. C'était Eva en même temps.

samedi 18 octobre 2014

Notes d'honneur

Et voilà qu'une musique d'éclat fait son entrée par le portail de l'émerveillement et par la porte du battement. Fluide, belle et forte de savoir.
Une musique montée de notes vraies, notes d'hommes de force et d'honneur.
L'oreille sensible se prête et se fraie un chemin sur les traces du petit Poucet...


lundi 13 octobre 2014

Murs

Libre et ondulante, libre de liberté totale, de beauté et de notes éclatantes, libre mais libre à l'intérieur de murs de fumée, murs invisibles et d'autant plus encerclants. Murs debout, murs injustes, même de tendresse montés. Embuscade élaborée de subtils et de portée.
Ceux d'Antigone sont moins épais. Peut-être de liberté, les casser, à coup de mots les devancer, les enterrer.

Sombre, par trop aimer


Par trop de liberté, liberté sans faille, liberté libre ne souffrant pas même l'air inverse ... Femme debout, dans l'éclat et le nu, galbe et seins, dans le rire et la vie. Peut-être trop de vie visible pour toi, le Sombre.
Par trop aimer et par trop de respect de sa liberté cruelle et parce que l'homme en toi, le vrai et l'authentique, le silencieux et le plein de tellement d'intelligence, oui par trop aimer te voilà parti dans le silence et la peur ... Elle et toujours elle, jusqu'à l'ultime seconde, par trop aimer.

Comment se détourner de tes prières toujours silencieuses, les jours de rogne, des jours gratuits et bêtes et inutiles. Des jours perdus ... À toi le Sombre et le Rebelle, au matin et au soir, des pensées en boucle, une gratitude intacte d'avoir tout balayé, d'avoir tant donné, tant porté ... Des êtres et des instants.
À toi le Sombre, dieu de beauté, au rire des yeux et à la commissure de la bouche, enfant heureux de détenir la peau de ses rêves, heureux de pouvoir lancer au loin les jours de froid et de dénûment, à toi des ondes chargées d'étoiles et de cœur.
À toi aussi, la colère de ce qui te fit partir, la colère du désert.

Comment remarcher dans le froid ?
Comment remarcher si emplie de toi ?
Comment remarcher sous tes yeux de pion, tes yeux sévères chargés de désapprobation ?

Notes frappantes


La vie fait pleurer de sensibilité et la mort fait pleurer d'absence. La vie fait pleurer de finitude et la mort fait pleurer d'incompréhension. La vie vous suspend de vie et la mort vous nargue de faiblesse. Et entre les deux, je m'en mêle les pieds et je vois filer les soleils.
Un morceau de musique, je colle aux notes qui m'arrachent des pans.
Je sens le souffle et ne vois plus mes mouvances.

Écartelé l'Etre entre ce qui est et ce qui n'est plus. Et dans le désarroi, le voilà déjà plus las, plus là.

dimanche 12 octobre 2014

À toi le rebelle ...

Mes excuses à toi, mon double évaporé.  De nulle part, ton regard froid, impassible et transperçant ... D'avoir dit mais est-ce si grave ? Toi le rebelle et le colérique, le sombre et le passionné. Le temps fait que les choses se confondent. Tant est dur de saisir ce qui est.
Il y a aussi se retrouver ! Trop loin pour s'en rappeler et trop tôt fondue dans des bras dompteurs. Dompteurs de calme et de fermeté, de calme rentré et de continuité, de possession et de chasse gardée.

Il y a les jours et on ne sait plus. Être soi, être façonnée. Toute une part volée, celle de la construction de sa liberté.

Est-ce si grave d'avoir dit ?
Des mots sortis par amitié

Ainsi je vous sens ...


Double et puis quelque chose d'inquiétant.

De la droiture et une justesse...

De la folie vraie, indomptée et quelque chose de déraisonné en votre être même qui se joue de votre commandement, le nargue ... Une Peur et vite tourner les talons.

Pourquoi, à la base, cette simplicité trop simple, cette austérité dans la construction d'une vie ?

Les hommes d'ici ont de l'humilité à l'approche d'Eve. Machisme latent et refus de sa liberté. Celle de la femme.

L'art est frugal, peut-être peu estimé, en tout cas en bas du piédestal réservé à la Vérité. Et pourtant l'art est fondateur.

Quelle Vérité ? L'avez-vous rencontrée ? Vous a-t-elle frôlé ?

Recueillement assis au fond de votre être par besoin de sérénité. Pourquoi pas ? Sauf les autres ...

N'empêche, Dionysos arrive fracassant, un temps. Et puis, se heurte aux silences des murs. Oublié de vous Dio. Vous l'avez dit : " assoupis ".

Il y a de la tendresse pour cette truculence. De la tendresse spontanée et fuie. Et comme une science ancienne. Pourquoi ?
Encore mal à y voir.

Vos proches géniteurs lancinent de votre solitude légèrement menacée, ils vous savent plus sage, moins violent dans votre taupinière. L'émotionnel est un tourbillon pour les êtres doubles. Et certains n'ont pas appris à composer. Solitude plate et terrifiante. Tuante aussi à petit feu. Calme et monotone. L'oubli peut être paix pour les dédaigneux de l'Art.

L'Art, Ma Vérité.

samedi 11 octobre 2014

Froides colonnes et austérité

Je vieillis de mes certitudes, de mes colonnes froides et enracinées. Je vieillis de ma liberté en fumée, de mes maux qui prennent des visages d'étrangers. Je vieillis de ne plus pouvoir me pincer, de ne pas savoir ce que c'est que se pincer. Je vieillis de mes peurs et de mon austérité, de mes NON spontanés comme des pierres creusées au fond de mon corps-réceptacle de tous les mauvais vents de la terre.

Des résidus et des résidus, comme un pantin non-voyant, j'avance nulle part. Et puis des phrases répétées ...

Non, j'irai de ce pas tout arracher, j'irai vers les plaines et dans le monde léger. Liberté, pour rien au monde, je ne vous braderai !

vendredi 10 octobre 2014

À l'occupant de la chaumière, une lettre d'ici-bas

Billets

I
L'esprit a-t-il besoin de s'affranchir du monde et du corps pour atteindre la félicité ?
Qu'est-ce que la félicité ? Et pourquoi diable devrai-je y croire et y tendre ?
Frugalité, austérité, mépris de l'exubérance de la vie toute bête. La vie des panneaux et du tapage est laide maintes fois et fracassante mais elle pince et rappelle que voltiger dans les hautes sphères au quotidien n'est pas sans risque de se perdre.


II
Epicure est mon dieu du moins intellectuellement, le Beau mon drap et mon ornière, et, la trace signifiante, mes tripes et la surcharge de laquelle j'accouche.
De toute façon, mon pompiste est ponctuel et toujours en nage d'essence. Car d'essence, mon être profond ne peut se passer et pourtant je suis dans le monde. Ou du moins je l'étais complètement.


III
Le rire truculent est une thérapie belle et sonore. Il quitte les entrailles et s'en va se répercuter dehors. Pleinement. Je voltige et déjà je suis à la recherche d'une nouvelle ondée hédonique. Retrouver cette légèreté et le monde paraît infini, où les graines quel que soit leur nombre se mesurent à l'intensité du Beau.


IV
Non, vos pérégrinations spirituelles ne me concernent pas. Elles m'interloquent mais pas pour longtemps. Je vous ai déjà dit que l'heure est au rangement et à l'accord avec sa raison, la seule qui compte et ce n'est pas comme ils le pensent où comme vous le pensez, une marque de subjectivité.
Qu'est-elle ? Peu m'importe. Ma raison est mes yeux et le champ qu'ils embrassent, qu'ils balayent.
Ranger, trier, garder, focaliser sur ce qui convient au regard, se distancier ...
Vous, parce que vous vous êtes arrogé le droit de percer mais il y a les autres aussi et bien que la chair soit le train d'union, le rangement s'impose car il y va de sa part à l'existence.
Seul désir inébranlable : les souches juvéniles, vierges, en mal de construction et de Beau, de plénitude et de compréhension car de ceux-là, je suis férue et qu'après l'extinction, ils porteront quelques particules de liberté, de beau et de bonheur. C'est ma vue de la Construction et je n'ai pas besoin de chef d'orchestre.


V
Perdue la répartie qui avait la philosophie de mes neurones. Libre, rebelle, sans maître aucun que son vouloir propre. Un cheminement laborieux, houleux, jaloux, cyclothymique mais accoucheur. Et puis, la connivence des yeux et du reste. Je hais les murs qui bloquent l'entendement, qui brisent la vue, qui suspendent les souffles.
Je veux mon étendue libre et sans épouvantail et sans barbelé et sans texte de commandement et sans scribe infaillible et dictateur.


VI
Afin que mes lettres chargées arrivent à la chaumière, que mes sens éclaboussent vos certitudes à la dent dure, que ma liberté libre vous frappe de liberté sans retour, je vous les adresse de la façon la plus éhontée possible.
C'est la plénitude et la seule que celle-ci.
Matière du monde, fondamentalisme et précarité ... plus qu'à ranger ses affaires, tout est là et comme une finitude insupportable, je vous l'ai dit l'anti-chambre ...
Merci. Le bel enfant vous dit du haut de son incrédulité que Zarathoustra, c'est lui et à jamais,qu'il a à peindre et à repeindre, que les airs du Beau sont multiples, que les arbres sont beaux, rebelles, craqueleurs à chaque fois mais que leur ombre est propice aux vues éclatées le dimanche et le mardi, au petit-matin ou vers le soir mais que jamais ils ne seront le soleil et la nuit.


VII
Deux réflexions parallèles. A chacun le reflet est une aubaine, des portes et des portiques, l'attentisme de l'éthéré, et chez l'autre l'espoir du regain. Décidément, le lieu des espoirs reste encore celui haï du silence de la vie.
Ce fut une rencontre. Et de l'affection. Mais aussi de votre part de la pesée sur la pointe du pied. C'est compter sans le flair des humeurs.


mercredi 8 octobre 2014

Oui peur de tenir ...

Il y a de ces situations dans l'existence qui s'imposent à vous, malgré vous et bien que votre objectif premier soit de tracer. Loin.

Sa plume boude, tout, en ce moment et, tout particulièrement, tout ce qui concerne la cité. Un dégoût de ce grand n'importe quoi. Un vrai chambardement mental. Un pays qui n'a d'autre choix que l'avenir et qui décide de l'écrire avec de l'encre pâle et désuète.

Sa mère, une Digne, jalouse de son être et de son corps l'a toujours propulsée. Apprendre, avancer, en mettre plein les yeux, soigner sa superbe et occuper au milieu des hommes une place de Son choix, une place de choix.

C'est une autre approche du corps, ce n'est pas un corps-réceptacle dans le noir du silence. Un corps libre d'Etre d'abord et de ne s'exprimer que quand elle le veut dans la sphère modelée de ses mains. Un corps qui succède à la tête et non l'inverse. D'où l'importance de la tête et des osmoses nécessaires. Car oui, c'est essentiel.
Une haine de ces textes qui figent, un mépris. Tout y est centré autour de vues bestiales sans beauté aucune où l'on se plaît à rabaisser l'autre et à l'assigner à l'humiliation. Plutôt mourir ou, grave, combattre. Plutôt combattre dans une lutte sanglante s'il le faut. La Dignité est indétrônable.

Comment peut-on s'attendrir de ce que l'on ne connaît pas, se fier à ce que l'on sent ? Ou encore s'enfoncer dans le transfert et l'identification ?
Ou est-ce simplement une alchimie réfractaire à tout commandement alors même qu'un pied est posé encore de l'autre côté ? Des épines mais aussi, grâce à sa volonté, du beau, des senteurs, de la poésie et de la différence à la mesure du Sombre.

Il y a dans cet air nouveau, du brio, de la ténacité et un accommodement avec la durée. Accommodement et ténacité. Pour des raisons d'alchimie ou par des références siennes à ces écrits rapetissants et discriminatoires ?
Un flair infaillible et ce sera vu. Mais en même temps, elle le voit presque : un quelque chose de vrai et de pudique. Et tout ce temps offert au temps dans l'inconscience de ce qui s'égrène sans retour. Et pire avec des ignares poussiéreux.

Belle personne et cette perspicacité et en même temps, de la rage sous-jacente, un vieux fond indécrottable et une poigne sévère, sans liberté qu'abstraite mais un je-ne-sais-quoi ...
Une céphalée à vous faire exploser le chef !

Des notes et des notes en ce moment, pour se nourrir d'emportements et d'accords tant est chavirante la traversée. Toujours mal dans ce qui n'est plus, dans ce que l'on cherche pour la paix, ce bouclier de tout ce temps qui vous pompait votre route en y parsemant des roses. Pomper et couvrir de roses. Un chagrin toujours présent, une voix extincte et des gestes vrais d'alchimie, sur fond, souvent, de férocité.
Sauf dans l'enceinte de la forge.

Un pied de l'autre côté et puis cette attente tantôt explosive tantôt suivant la marche, épousant le rythme ... Difficile probablement.
Et d'ailleurs depuis quand, comment ... ? Jusqu'où surtout et à quels desseins ?

Oui peur de tenir par manque de clairvoyance, parce qu'il y a de la rudesse, des saisons et des saisons de vide et de silence et, bien qu'il y ait ces ondes authentiques avant ... le revirement.



vendredi 3 octobre 2014

Lumineuse

Billets d'humeur


I
L'intelligence est rare et le décryptage immédiat de l'autre plus encore. Il y a des lectures, certes, nourries de nos désirs mais il y a d'emblée, également, la certitude de ce qui ne saurait trop tromper.
Elle avait le pouvoir de lire à travers le regard ou quelques regards, un peu à la dérobée quand même... et puis sûrement un respect acquis des siens et de leurs semblables. Oui, la même carrure et surtout la même droiture. C'est ce qu'elle croit pour l'heure du moins. Elle le croit. Le "du moins" est à imputer à l'épisode déplaisant de l'éventuel papillonnage. Cela reste à savoir.
Trop droite la "Sainte" pire que la justice qui a la décence de ne pas l'être ou l'indécence. Allez savoir dans ce monde alimentaire où pour vivre, il faut tout bêtement, au premier sens, se nourrir.

II
J'ai une nouvelle amie, lumineuse bien qu'austère selon les anciens siens, fêlée. Dans cette fêlure, je m'y retrouve et je souris. J'entame une relation presque naturelle avec ma continuité. Qui l'eût cru ? Moi, la glacée.
Je ne sais plus en fait. Mais je saurai. Je garde quand même la tête bien plantée et ce n'est pas le torticolis.

III
Retour sur l'hérésie. Elle l'aurait été tous les jours si ce n'était trop poignant sur la durée. L'hérésie est liberté, elle le répète. Larguer les amarres avec le construit qui fige et vous place d'emblée dans l'anti-chambre de la mort. Non, merci.
L'hérésie pour voltiger, exister, faire que la rupture soit sa marque et son sceau. Vous n'êtes pas de ceux-là ? Vous y allez en douceur ? Vous vous rebifferez. Et c'est en boucle après cela. Et pourtant, elle aime cet aspect spirituel car il y a toujours des résidus, attendrissants.

IV
Oui, ainsi parla Zarathoustra, le ciel est vide, l'Homme en est tombé. C'est Lui. Point.
C'est une terrible nouvelle pour les esprits ficelés, pour les tendres aussi, pour les femmes et hommes de cœur, pour les Rangés et les Assis ...
Que faire face au naufrage ? Aux vues éclatées ? À l'effritement de tout ? Car, oui, le risque est réel et les illuminés sont une poignée.
Le sceau du calme, de la pondération, de la sagesse, du rationnel, du " c'est comme ça " à toi ( ! ) le mathématicien, la rupture est déchirure et le remède est besogne, besogne et stature. Jusqu'au seuil ...

mercredi 1 octobre 2014

Bêtise et pourtant tant de perspicacité !

Parce qu'aimer peut être exclusif, parce que certains haïssent les regards des autres, il arrive qu'une vie entière soit broyée par la colère rentrée. Il semble que cela agisse et hâte la course.
À ne pas supporter, à faire semblant de ne pas voir, à râler de l'intérieur, à faire taire sa fureur ... Tout bête au regard de l'autre vivant mais calme, artiste mais construit, aimant et tellement exclusif à son tour.
Le passé est lourd à porter pour ceux qui plus d'une fois ont avalé des couleuvres, ont grimpé haut à la force du poing, ont eu en cadeau le port, la grâce et la sculpture. Se peut-il qu'à ce point l'on ne se voie pas soi-même ? Ce peut-il que rien au regard du passé douloureux ne vous remplisse d'aplomb ? Ou est-ce cette masculinité somme toute bête de ne souffrir aucun regard d'homme sur ce que l'on croit posséder ? Et alors l'intelligence et le recul et la promptitude et l'éclat ?

Chez l'homme colérique, l'instinct remonte dès l'instant où se pose l'œil glouton sur celle qui devient objet de désir et que cela.
Des années de râle et de tripes nouées. Bêtise et pourtant tant de perspicacité.

Parce que l'hérésie est liberté.



C'est une particule façonnée et même si sa liberté est totale, arrogante et irréversible dès lors qu'il s'agit de matière, elle replace tous les gardes-fous gravés, comme à chaque fois, hier et aujourd'hui.

N'êtes-vous pas humaine ? lui dit son praticien. Surhumaine à force de pudeur inculquée.

La nymphe est aux quatre vents sous l'effet des circonstances. Elle se complaît dans le fondu-enchaîné saccadé de plus de vingt ans d'exil doré, d'exil délicat, d'exil hermétique, d'exil malade d'une passion déchirante.
Elle fuit et fuira sûrement sous peu, par peur de sortir d'un silence plaisant nourri d'images sans voix. Et parce que la rupture secoue.

Et puis cette entité solide, imposante, riche de méandres et si ressemblante par maints menus gestes, par son humour et son espièglerie, son austérité et sa noblesse aux indétrônables piliers d'antan, sans doute les plus dans la peau bien que la matière en mourant d'expressions ait gravé des signes ineffaçables sur le parchemin de son existence.

Et d'emblée, une infinie tendresse comme un retour à la source première, une eau de vie naturelle et irrésistible et bien des remous mais partir reste une sorte de bouée parce que la paix est apaisante et que le corps se vide.

Belle entité qui s'impose, qui expose et repose. Un goût de tendresse infinie bien que la construction soit de toutes parts gardée. Une belle brillance et un brio qui vous en met plein le regard, qui vous bâillonne à force d'occuper impérieusement.
Une folie ? Mais alors aimable, dangereusement.

À l'aube, les différences s'attirent et s'aiment à la folie avant de se méprendre. Et puis, le temps avance à pas de traître pour vous réorienter et vous désorienter. C'est le commencement des douleurs ou la cassure. La cassure est laide, c'est donc clair.

Aujourd'hui, maintenant, là, de suite, tracer si ce qui étonne dans tous les sens et dans toutes les directions est joueur. L'hérésie est sa patrie de prédilection mais aucune tolérance aux jeux de souris.

En prime, elle garde et, pied de nez, la magnifique juvénilité descendante qu'elle peindra de toutes les nuances du beau et du sentiment vrai. Car, oui, c'est elle qui tranche, malgré le rire d'un regard coriace et d'une force élégante.






dimanche 21 septembre 2014

Les samedis d'O

Un môme vite grandi très certainement dans les remous de l'incompréhension. L'incompréhension, son terme propre. Et parce qu'elle savait - allez savoir comment !- les profondeurs labyrinthiques du questionnement, tout ce temps douloureux et perdu à vouloir pêcher dans les eaux sombres, vieilles et inexpliquées et je ne sais quoi encore, les samedis d'O vêtent désormais l'amour de l'autre, la main tendue, le mot-câlin doux et réparateur, le bâtissement des strates.
Laborieux, par à-coups quelquefois mais toujours devant afin que l'être prenne le temps pour ce qu'il est, une fuite. Afin que tôt l'on apprenne à l'innocence à se désencombrer. Afin que l'abord de chaque instant soit chargé de légèreté. Car seulement ainsi l'envol est libre, le rire clair et l'avancée forte des trébuchements qui se glissent malgré le filet.
Qu'importe les guerres, qu'importe les couacs, qu'importe l'obscur, qu'importe d'avoir mal quand on a son quart d'heure à remplir et à faire voltiger.
Les samedis d'O sont des moments de tendresse là où elle peut en donner parce qu'elle en a plein la tête, plein le cœur et pour faire voltiger son quart d'heure propre.
Strates par strates, sourire par sourire, ligne par ligne, mot par mot, gommer et gommer, décrypter et décrypter, du sens et du sens, du beau plein la tête sur une toile juvénile et belle.
O, de belles virées en perspective et la promesse de l'aube comme dit Romain !

vendredi 19 septembre 2014

Eva. IV.

IV.

Le sofa était élimé par endroits, la pièce sentait un parfum capiteux. Jusqu'aux murs, lui semblait-il. Une odeur atroce, suffocante. Dans un coin de l'exigu salon, un magnifique lampadaire, d'époque peut-être, avec un abat-jour en points de croix. Il donnait une allure de vieux film des années trente à tout l'espace. C'était à peu près la seule chose étonnante dans cette chambre de bonne perchée sur les toits, à part Elle.

Eva lui servit un verre de vodka, en prit un et le vida d'un coup. Elle était debout, devant la seule porte-fenêtre de la pièce et regardait la ville endormie mais en fait éveillée, silencieuse mais sûrement crépitante, douce et surtout explosive. Explosive comme la vie et explosive comme Eva. Pourquoi avait-elle amené cet homme chez elle ? Pourquoi n'avait-elle pas hésité à lui montrer la misère de sa chambre ? Il n'était pas de son monde, elle l'avait tout de suite vu. Ni de ses jours ni de ses nuits mais elle l'avait senti plus misérable qu'elle, bien plus, malgré sa distinction et son allure d'homme accompli financièrement. Plus même, d'homme de l'autre monde.

dimanche 14 septembre 2014

Putain de vie !

Putain de vie à vous faucher proches et amis. Encore une, jeune et belle et qui passa sa vie à étudier. Décrocher un doctorat au prix d'années d'abnégation et de travail. Hjr, la soeur de cœur, l'amie. Elles s'étaient connues à quatorze, quinze ans ? Rires et complicité et jamais rien que de l'amitié. Pas un seul mot en trop en trente ans d'amitié. Et l'autre qui martèle au quotidien la beauté de la vie, boire la coupe tant qu'elle est pleine, les étoiles pleins les yeux...
Une S... et rien d'autre. Comme si cela ne suffisait pas de voir partir ... voir rapetisser, sécher et rabougrir en prime. Une belle personne et une peau dorée et des yeux pétillants et une intelligence hors pair. Et bosser, bosser, bosser jusqu'à ne plus pouvoir garder l'œil ouvert... Du mérite cette belle personne, cette dame, ce sourire... Et ses mots résonnent à travers sa fille, j'ai besoin de toi mais je me reprends un peu et on se retrouve parce que, jusqu'au bout, on ne se voit pas mort, on croit à la vie, à sa vie et on veut être belle pour revoir ses amis...

 Et même pas pu l'accompagner par douleur et par jambes molles tout bêtement. Alors oui putain de vie et d'idéologies à la noix et de thèses bien carrées et de finitude et de grand patriarche. Du vide.

vendredi 29 août 2014

Eva. III.

III.

Y aurait-il en chaque homme une Eva ?

L'après-mère immédiate ou peut-être même cette part de la mère que l'on ne saura jamais et dont on rêve quelquefois ... Mais non certaines idées ne sont pas autorisées mais vraiment pas ! Eva au déhanchement effronté, femme sans conscience ou presque. Elle vécut en hurlant sur toute velléité de remontrance, arrachant les moments de vie à la force du bras. Eva la délicieuse, aimée presque autant que la mère au regard de la dextérité de ses mains et à tous ses enseignements silencieux, quelquefois brutaux.

 - Du feu ? demanda-t-il.

Elle éclata de rire.

- Je ne fume pas, dit-elle en détachant les syllabes.

Chez Eva, tout était provocation jusqu'au timbre de sa voix. Sous ses regards langoureux, il était déjà l'objet d'un émoi indescriptible, de sentiments confus, d'une fièvre montante. Il remercia la nuit noire de ne pas tout dévoiler mais il savait qu'elle le lisait de l'intérieur. Maintenant, elle dodelinait de tout son corps, d'un pied à l'autre, secouant ses boucles avec volupté. Elle se savait inquiétante et connaissait son ascendant sur les hommes et de surcroît mariés et lui, il l'était bel et bien. Il demeurait debout, silencieux, à regarder le ciel et à la regarder elle, tantôt à la dérobée tantôt ouvertement. Qu'attendait-il à cette heure tardive ? Que cette femme de la nuit lui raconte son histoire ? Qu'elle le prenne par la main et l'emmène très loin de sa vie trop ordonnée ? Qu'elle lui rappelle l'odeur du flanc de sa mère qui l'envahit à chaque fois que sa gorge se serre, que sa poitrine l'oppresse, que ses mains se crispent ? Que Claire l'appelle ? Il eut envie de vite retrouver le petit salon, son fauteuil et la sérénité de sa femme. Cette Eva lui faisait peur, elle était irrésistible et il ne pensait qu'à tourner les talons. Ce qu'il ne fit pas, bien au contraire.

vendredi 22 août 2014

Eva. II.

II.
La première fois qu'il la vit, elle se tenait à l'angle de la rue Mogador. Il était plus de 22 heures et les passants étaient rares. Elle n'avait même pas l'air d'attendre quelqu'un. Elle était adossée contre un réverbère et, sous la faible lumière, regardait ses ongles sous toutes les coutures. C'était vraiment l'heure et l'endroit se dit-il, mais c'était Eva et Eva était une fantasque.

Lui avait quitté précipitamment le domicile conjugal, il avait besoin de respirer et de respirer loin de Claire. Encore une fois, elle avait pensé à tout : le whisky, les noix de cajou, les carrés fromage, le pain aillé, les roses, sa lumière préférée, Liszt, une ambiance feutrée, les rideaux mi-tirés exactement comme il les aimait ... tout.

Claire pensait à tout, tout le temps. Elle était d'une beauté et d'une classe sublime avec sa robe noire à roses fushia. Souriante et douce. Elle savait. Il savait.
Que de fois, ils avaient visionné des films troublants, L'Arrangement, Proposition indécente, Modigliani ... De ces films forts, déstabilisants, sitôt, consciemment rangés dans un coin de la mémoire conjugale.

Marcher dans les rues désertes et donner libre cours à son imagination, ses schémas enfouis, les images de ses seize ans, des mots et des mots, entendus d'autres bouches, des mots sales et désirés. Et puis, cette oppression, cette certitude de l'imminence de quelque chose. Il sentait cela jusque dans ses articulations, cela l'engourdissait mais il contrait en accélérant.
Il alla droit vers elle. Et quand elle releva la tête, le fixa dans les yeux, le soupesa vulgairement, sourit légèrement de ses lèvres rouges charnues du côté de la joue droite, il comprit qu'il avait, là, quelque chose qui remontait à très loin.

dimanche 17 août 2014

Enfin quelque chose m'arrive !

 Un soir, traversant la place d'Italie je crois, Giacometti fut renversé par une voiture. " Enfin, dit-il, heureux, quelque chose m'arrive ! " Et il avait pourtant très mal.
Un événement inattendu dût-il être fortement déplaisant a l'heureuse conséquence de changer le cours des choses. En tout cas, c'est la solution au vide. Dixit CQATR.

vendredi 15 août 2014

Eva. I.

I.

Connaissez-vous Eva ?

Personnage de mes 20 ans peut-être, au passé sulfureux. Je commençais à peine à moins la juger que le livre me fut pris des mains. Aujourd'hui, je connais toute son histoire. C'est moi qui l'ai finie. Si ce n'est pas cela vivre.

mardi 12 août 2014

La Lectrice à Mandin

Quand la sensibilité surgit d'homme vêtue,
Il y a comme de la pudeur,
De l'émotion.

Quand lire, scruter, dénicher, s'emparer et entendre
Font des lignes, le lieu de La Connaissance,
Vivre devient heureux et mourir reconduire

Quand la femme sous la plume du Scribe orfèvre
Devient le bleu tant désiré :
Encre ou mer qu'importe !
Élue restituante de signes
Et de sens

Elle Vous doit bien cela, Poète.
Vous l'intronisez herméneute

Au corps-plume,
De ses plis,
De ses touches,
À forger
Des mots ...

Ève chez Mandin
Est palimpseste ou rien.

lundi 11 août 2014

Djerba II

Deux communautés coexistent à Djerba juive et musulmane. Depuis des lustres. En parfaite intelligence. Non qu’elles partagent tout, chacun occupant un domaine propre, mais ayant en commun pareillement le souci du « vivre », de la subsistance, du labeur. En tout point ressemblants sauf à de discrets signes religieux sur leurs échoppes, à un accent à peine perceptible, une sorte de « tche » ou de « khe » que les Djerbiens de confession juive roulent plus que les musulmans. L’arabe de Djerba est la langue de tous.
Les problèmes relationnels et politiques moyens-orientaux entre Palestiniens et Israéliens ne les concernent pas trop visiblement. C’est d’ailleurs un sujet ignoré, tu, banni peut-être. Il eût paru incongru de l’évoquer, suspect.
Les deux communautés sont ancrées dans leur vécu, dans les impératifs de leur vie, dans leur train-train quotidien. Aucune trace d’hostilité. Une convivialité spontanée et des journées marquées par des salamalecs synchronisés sur l’ouverture, la pause, la fermeture des échoppes.

Djerba Houmt souk est un raz de marée de touristes durant la saison estivale. Le reste de l’année également avec, à chaque saison, un type particulier de visiteurs avec ce que cela suppose comme attirail: appareils photos, caméras, djellabas colorées, turbans ( plutôt hindous que djerbiens bizarrement )…
Les Djerbiens se sont habitués aux excès des touristes, ils n’y prêtent pas ou plus attention. Le touriste est un client et le client est le maître absolu. Djerba, l’été, c’est le tourisme de masse et la saison estivale est la période la plus fructueuse de l’année.
En d’autres temps, d’autres visiteurs, des habitués, des résidents la moitié de l’année des fois. Des riches occidentaux, des célébrités, des politiques, de grands couturiers internationaux en mal de quiétude et de silence. Souvent, propriétaires d’immenses villas à l’architecture typiquement djerbienne, aux murs peints à la chaux mais, avec à l’intérieur, piscine, jacuzzi, terrain de tennis, chambre froide, chambre forte, bref tout le nécessaire vital des richissimes attirés par le désert, pas très loin à quelque heures de route, en 4/4 silencieux ( et polluants ) entièrement électroniques, équipés afin de venir à bout de tout, de la chaleur étouffante, des dunes de sable, de l’orientation.

Ces célébrités connaissent l’île depuis des décennies, elles vous diront - en tout cas celles qui sont restées abordables - que ce n’est plus la même chose, que l’île est dénaturée, envahie, désenchantée. Elles vous parleront du passé, du vieux Djerba et des vieux Djerbiens.

Les Djerbiens authentiques sont des artisans, des travailleurs manuels comme il y en a plus, des épiciers, des tisserands, des cordonniers - qui vous ressemelle pour la énième fois une chaussure qui a plus de dix ans de vie - allez savoir - et plus d’un porteur à son actif.
Ils sont là, presque à l’aube, devant leurs échoppes, de part et d’autres des étroites ruelles, à l’œuvre, tout à l’œuvre. De temps à autre, des propos rapides, une courte réflexion, rien qui les distrait trop longtemps de leur ouvrage.
Des touristes passent et repassent fréquemment aux trois quarts nus, comme jamais ils ne feraient chez eux. Les Djerbiens - amateurs - de femmes voient tout, toujours tête baissée, jaugent sûrement plus les mollets que l’ensemble puisqu’on ne les voit presque jamais lever la tête, à moins qu’ils ne soient à l’aise avec des pratiques d’un temps révolu inconnues des gens de maintenant.
Le corps féminin est apprécié, pesé, soupesé, noté à chaque fois dans une discrétion impossible à décrire. C’est à se demander s’ils n’ont pas des yeux ailleurs qu’à l’endroit habituel.
Preuve de l’exercice de la vision, le sifflotement, toujours tête baissée auquel répondent d’autres sifflotements. Le message est passé. Un tour de passe-passe. Les vieux artisans djerbiens sont pudiques entre eux. Je ne sais pas d’ailleurs si c’est de la pudeur. De leurs épouses, ils ne parlent jamais entre eux mais de la femme, les plus hardis osent des plaisanteries voilées, des allusions, des rapprochements avec le soleil, la beauté éclatante, la lune, la blancheur de la peau très appréciée des Djerbiens, l’abondance, l’embonpoint…Des goûts masculins d’une autre époque, machistes, profondément gravés dans certains imaginaires fantasmatiques d’hommes du Sud, du Nord peut-être même, qui sait. (Du nord du Sud, du nord du Nord ou plutôt du sud du Sud? A s’en mêler les pinceaux ce cloisonnement de la planète. )

Le corps de la femme, l’admiration et le désir qu’il suscite passent chez les anciens plutôt par le silence.
Djerba est une société patriarcale où la pudeur est de rigueur, où la femme est paradoxalement aux commandes, où le désir du corps est partout, où tout se fait dans le silence, où chacun ferme les yeux tant que les apparences sont sauves, où le scandale n’arrive jamais car aussitôt étouffé sous les yoyos des femmes. Jamais le bienvenu.
Les Djerbiens qui vivent dans la capitale ont souvent poursuivi des études très poussées dans diverses branches. Ils ressemblent très peu à leurs parents et grands-parents. Beaucoup ont fait fortune dans le commerce artisanal en vendant des terres à Djerba que leurs ancêtres avaient payés trois fois rien ou qu’ils n’avaient pas du tout payé. Ce n’était pas dans les pratiques de l’époque, il y en avait pour tout le monde et c’était à qui est arrivé le premier.
Ces Djerbiens-là passent le mois d’août sur leur île natale. Ils sont accueillis avec tous les honneurs dus à leur carrière professionnelle avec un petit plus, quasi religieux, accordé à ceux que l’on sait être médecins, chirurgiens et autres fouilleurs du corps humain.
A Djerba, ils reprennent la djellaba, un accent du Sud souvent oublié en route pour se fondre dans le socialement correct des grandes villes, des habitudes et une simplicité de vie que la capitale leur a fait oublier et que le découpage horaire n’autorise pas. Et ce sont les petits cafés arabes des vieux quartiers où la silhouette du père est encore visible, les gargotes populaires, la voisine centenaire à laquelle on rend visite les bras chargés de cadeaux, après avoir glissé des couffins débordants de provisions.

Sarah a séjourné durant une assez longue période dans un Dar, une sorte d’hôtel de charme fait de petites maisons individuelles avec service personnalisé, petite piscine privée, cour intérieur, à l’architecture typiquement arabe, toits de voûte, murs hauts peints aux couleurs chaudes, arabesques aux fenêtres, jasmins, bougainvilliers fuchsia et blancs, muguets dans des pots de terre cuite couleur brique. Le tout dans un silence amical. Ces Dar sont appréciés de nombreux artistes et écrivains, dont beaucoup d’occidentaux, qui séjournent assez régulièrement à Djerba. Ils y trouvent la sérénité nécessaire au travail intellectuel et artistique.

Sarah a beaucoup sympathisé avec la femme de chambre, obtenu d’elle qu’elle lui change les draps tous les jours et non un jour sur deux comme c’était dans les habitudes des Dar. Pour Sarah, du neuf tous les jours est une garantie de durée. Elle connaissait ses petits problèmes, sa maniaquerie, les gérait assez souvent ou n’avait pas toujours envie de les gérer, se laissait aller à ses hantises…Mais l’heure n’est pas à Sarah. Laissons-là pour l’instant.

F. se confiait à elle. Elle était divorcée, avait des problèmes relationnels avec ses enfants aux prises avec l’adolescence, avec sa fille notamment. Elle réclamait en silence un père absent. Un irresponsable selon F. parti courir les occidentales qui n’a jamais su gagner un sou à la sueur de sa chemise mais bien à celle de ses caleçons.

F. était dépendante d’un amant oriental qui venait quand bon lui semblait et dont elle était profondément éprise. Elle faisait part à Sarah de ses nuits d’amour torrides et de ses attentes douloureuses.

Leurs rencontres avaient lieu dans un petit hôtel de ville en plein milieu de Houmt Souk. Là où il n’est pas permis de se trouver si l’on craint que l’on jase, là où elle se rendait à n’importe quel moment dès que l’amant donne signe de vie, dès qu’il veut consommer, dès qu’il lui est possible, à elle, d’aimer.

Au milieu du souk, les yeux voient tout, les langues ne se délient pas. Les visages dodelinent, acquiescent. Le corps a ses raisons.

F. demandait gentiment à Sarah si elle pouvait fumer une cloppe dans la courette tout en s’affairant promettant de n’y rien laisser paraître, de vaporiser afin qu’il n’en reste rien, de mettre du muguet partout afin que le soir tout embaume avec la légère fraîcheur qui annonce la nuit.
Fumer pour une femme est d’un vulgaire et d’une honte, disait-elle! Les hommes avaient horreur de cela ! Et ils avaient raison sur ce point-là.

Sarah, dont l’apparence physique était plutôt occidentale, encourageait sans le savoir, F. à se confier et à révéler des pans de sa personnalité qu’elle n’irait peut-être jamais confier à des amies de la région. D’ailleurs, malgré les tentatives de Sarah, de lui expliquer qu’elle comprenait ses problèmes et ses craintes, ses angoisses, sa peur pour sa réputation. Qu’elle comprenait l’île, le pays, la mentalité, F. était totalement sourde. Pour elle, Sarah était d’ailleurs, une occidentale, qui écrivait du matin au soir, qu’elle trouvait bizarre.

Chacune son vécu, son passé, son histoire, ses douleurs. L’air extérieur, chez les gens simples, autorise ou n’autorise pas la vraie communication. Pour F., Sarah est une extra-terrestre qui ferait mieux d’aller vivre vraiment sans livres, pinceaux et carnets qu’elle noircissait. Un si beau corps, un si beau visage, il faut que ça se montre, que ça vive vraiment! On est femmes après tout.

Sarah s’amusait, elle était interloquée. De retour chez elle, elle narrait les contradictions, les bizarreries, la drôle de morale des habitants de l’île, le qu’en-dira-t-on silencieux, le statut de la femme, le faux patriarcat, les pratiques religieuses appliquées et tournées en dérision…

Une amie à elle, originaire de l’île, femme intelligente et affranchie, heureuse à chaque fois que l’occasion lui a été donnée de parler du bled ( dans le sens tunisien : la terre natale ), de ses ancêtres, lui conta une boutade, qui à elle seule, résumait toutes les contradictions de Djerba.

«  Certains travailleurs immigrés qui avaient du mal à joindre les deux bouts, restaient quelquefois un an à deux sans rentrer chez eux, laissant femmes et enfants livrés à la grande famille. Lorsqu’ils ramassaient suffisamment d’argent pour pouvoir inonder de cadeaux l’ensemble des proches, ils prenaient le chemin du retour et il leur arrivait quelquefois de trouver leur foyer égayé par la venue au monde d’un magnifique bébé.

Bienvenue aux présents de la couche! disaient-ils, à leurs épouses radieuses et plus que jamais éprises de leurs hommes! »

Et ce sont les babioles d’Occident, pour bébés, importées de Chine, qui pleuvent, payées au prix de durs labeurs, de sacrifices, d’humiliations et de mauvais traitements quelquefois.

Sarah était prise d’émotion!


23/6/2007

Djerba I

Avez-vous déjà entendu parler de Djerba?

Djerba I



Vie d’ailleurs

Une île du Sud Tunisien avec hôtels, palaces, clubs fermés, restaurants de gastronomies diverses, night-clubs, folklore local…tout le business touristique et économique des îles en général et de la région en particulier que je vais vous épargner pour vous conter une Djerba profonde et déroutante aux nuits cotonneuses, une île suave qui invite à l’amour et ravive le désir.
Éloignons-nous donc le plus possible de la détestable carte postale trop formatée de l’île et trop attrape-nigaud touristique.

Djerba, une mer débordante d’un bleu-vert spécifique aux îles, au sable fin et blanc. Les journées trop chaudes l’été, font d’elle une destination agréable au printemps et en automne quand le soleil est plus clément.

Le vieux Djerba se trouve autour de Houmt Souk (littéralement le quartier du marché).
Quartier arabe, labyrinthique, tout en ruelles, rempli d’échoppes de tout genre, d’épiciers artisanaux, de parfumeurs, de maroquiniers, de tisserands…
Un lieu pittoresque et haut en couleur au milieu duquel trône le marché du poisson: haut lieu de la place. Un marché bruyant comme tous les marchés de la planète où le poisson se vend à la criée et où le hochement de tête joint à une gymnastique éclair du pouce et de l’index fait office de langage commercial, de « com » d’achat et de vente.

Tout autour, des gargotes vous proposant de vous griller vos poissons à même la braise à l’instant même, vous offrant de l’harissa en accompagnement, du piment moulu très fort arrosé d’huile d’olive, de la tabouna, un pain de campagne artisanal cuit sur les parois d’une sorte de four en argile à même le sol.
Diverses gargotes, des tablées ici et là, des nappes de vichy bleu et blanc, des chaises rudimentaires. Les propriétaires, cuisiniers, serveurs, plongeurs à la fois s’affairent à l’affût des clients.
Une seule ne désemplit jamais. Celle du Kerkénien, Kerkenna une autre île de Tunisie. Son assaisonnement du poisson grillé, quelle que soit, sa variété est unique. Une légende, un mythe indestructible, que personne n‘a d‘ailleurs essayé de ternir malgré l‘envie car chez les Djerbiens, le travail est la valeur suprême, le rezk. Son secret de préparation? D’aucuns le payeraient très cher pour pouvoir rivaliser avec lui et non point se contenter de ceux que la file d’attente rebutent. Le graal.

A Djerba, comme ailleurs, là où le tourisme joue un rôle crucial sur le plan économique, les pièges tendus aux touristes sont à chaque coin de rue. Besoin d’un guide, d’un traducteur, d’un expert en marchandage ( qui est de mèche en général avec le commerçant et qui a sa commission ), une dizaine se proposent. Tout le monde parle quatre à cinq langues, surtout les jeunes tout droit sortis de l’adolescence foudroyés fréquemment du regard par les plus âgés. Ils n’y prennent plus garde. Ils sont tout à eux, cheveux coiffés au gel, plaqués à l’arrière, mèches dressées à l’ « out off bed », jeans dernier cri, griffes de grandes marques italiennes affichées ( l’imitation a son haut lieu au Maroc, pays voisin ), tongs aux couleurs vives, bijoux tressés aux poignets et colliers ethniques autour du cou. Bref, tout le tintouin des gamins qui aspirent à saisir leur chance au vol grâce à une rencontre, à une créature de rêve ou pas d’ailleurs, dont le regard s’attarderait sur l’un deux. Le piège, en réalité est de part et d’autres. Sauf que le plus monnayé est, maîtresse thune oblige, le plus accrédité.

La mer ( mère ) de l’île est d’un bleu unique. Elle est généreuse, débordante, limpide, d’une pureté sauvage et dans certains endroits, il y a intérêt à être un très bon nageur.
Y être, un moment de fraîcheur sauvage, d’ontos première, la flotte  vous ballotte par ci par là, la nature naturelle, et, le nageur, quasiment, l’être aux prises de l’Existence.
La mer de Djerba n’est pas du tout la même à tous les points de l’île. Dans certains endroits, tout à l’opposé de celui décrit plus haut, elle est morte, sans vie. Elle est alors l’immense bassine des ménagères djerbiennes qui viennent y laver leur linge, leur laine, leurs animaux quelquefois. La tâche se programme à l’avance, on peut y consacrer une bonne partie de la journée. On peut les voir sur le littoral, en petits groupes, en longs tissus vaporeux, l’éternelle M’dhalla sur la tête, un large couvre-chef en paille serrée sans lequel il n’est pas possible de sortir le jour à Djerba.

La vie pour les Djerbiens, indifféremment hommes ou femmes est d’abord la besogne, une série interminable de tâches à accomplir. Les femmes en sont encore à préparer leur khôl elles-mêmes à base de produit locaux et d’épices, à se teindre les cheveux à la mardouma, une sorte de coloration naturelle d’un noir intense dont elles connaissent le secret de préparation et les vertus, à s’épiler avec une cire maison préparée à base de sucre, d’eau de rose et de citron. ( Le sucre est remplacé par le miel quand il s’agit d’une jeune fille qui s’apprête à se marier et on n’est plus, pour un moment, très regardants à la dépense), à se parfumer à la riha, senteur chaude fortement épicée aux vertus aphrodisiaques, composée par leurs soins, prisée par les hommes, agissant sur eux subrepticement, par le nez, jusqu’au cerveau et de là, là où il faut, stimulant immanquablement le désir. Affaire de femmes aguerries, toujours en l’attente de l’homme, l’homme aimé, nourri, massé, lavé, déifié, maître absolu tant que femme veut et tant que le corps vit.

Les nuits de Djerba sont magiques. Les sirènes ne devraient pas être bien loin. Face à la mer, loin du brouhaha touristique, un ciel silencieux, honnête, constellé d’étoiles à l’infini. Une atmosphère en coton, une brise bienfaisante sauf au mois d’août où elle vient durement à manquer.
L’envie d’aimer et d’être aimé. Les nuits douces de Djerba vous font sentir très intimement la présence du monde, des astres, du cosmos et vous incitent voluptueusement à l’amour physique vous épargnant ainsi, sur la pointe des pieds, des interrogations métaphysiques et des agitations spirituelles par trop dérangeantes.


23/6/2007

samedi 9 août 2014

Kh-mer ou les amours inoubliables

J'ai passé mon enfance et mon adolescence entourée de personnes chères à mon cœur que je ne connaissais pas toujours de très près. Toutes confessions et aucune en même temps. En tout cas, visiblement. Ou alors mes yeux d'enfant et d'adolescente ne distinguaient pas les particularités. Je vous parle des étés de mon d'enfance. Les années 80, 90 ... Pas de précision, je reste comme toute personne aimant le beau et la vie, un peu malhonnête sur le compte des années ...
Les années 80, la mer, l'air salée, les bambolonis, le Café Vert, le festival de Carthage, les bains de minuit ...

Les patronymes nous permettaient de savoir qui était qui mais jamais au-delà de cela. On se regardait, on s'aimait au coup d'œil et puis, à cette chose innommable, qui fait que l'on se plait et que l'on s'approche.
Des années de découvertes, de rires, d'intensité des regards ... Sourire à l'autre, un pincement au cœur et un teint hâlé et doré. Mes potes de l'époque sont aujourd'hui partout, je ne suis pas toujours au courant de leur évolution.

Je me souviens être tombée au début de fb sur un Alain Krief, le nom d'un voisin immédiat que je voyais au quotidien et dont le père était un éminent architecte. Alain, un super timide, un gars quelque peu introverti. La maison des Krief était magnifique, moderne et les tfélim étaient d'une élégance rare. Je ne sais toujours pas si le mot se prononce ainsi. J'ai une tante encore en vie qui se fera un plaisir de tout m'expliquer. Je l'aime beaucoup mais il faudra à ce moment-là trouver l'astuce fine et tendre pour endiguer la logorrhée.

On était allé aux tfélim d'un des Krief ou d'autres voisins, je ne me souviens plus très bien et c'étaient des après-midis et des soirées sublimes, un mélange de goût et de modernisme. Beaucoup d'argent en tout cas, sûrement. Mais cela, c'est aujourd'hui que je le comprends et que je le dis.

Tfélim est une fête de circoncision, tout comme chez les musulmans. Alors des invités, la famille, les amis, les belles toilettes comme disaient nos mères à l'époque ...

L'Alain Krief d'fb n'était pas le bon, j'avais insisté pourtant. Sa photo de profil, un peu floue, un peu vague, m'a laissé deviner de loin les traits de l'Alain Krief de mon enfance. Je le lui dis et il eut l'immense gentillesse de m'envoyer un gros plan qui me dissuada définitivement de l'Alain de devant chez moi et de ses tours de moto dans l'enceinte du grand jardin. Je vous avais dit que c'était un timide et un solitaire.

On se cherche quand on avance dans la vie, on cherche des visages, des voix et même des odeurs. Les odeurs restent toujours les plus fortes, elles pénètrent par nos narines et s'inscrivent définitivement dans notre mémoire. Bien sûr, après, elles fluctuent par ondées, tantôt précises, d'autres fois ténues et peu consistantes.

Alain est un voisin parmi d'autres, bon il habitait juste en face de chez moi mais nous n'étions pas de grands amis, il était trop timide, trop chez lui et entouré de trop de femmes. Mais je crois que la carrure du père et sa profession ou plutôt sa grande réputation lui rendirent difficile toute tentative de se faire de larges épaules et surtout d'en jouer. Il y avait les autres, tous les autres ceux de la buvette de la plage, des adultes, des enfants et les grands : les 20 ans. Ce n'était pas encore ma cour. Nous étions tous, chaque année, à la même plage, agglutinés les uns sur les autres au sauna, une pente cimentée, sur le côté de l'immense propriété des Abdelkéfi, l'endroit assurément le plus chaud et où on pouvait le plus cramer.
La coloration dorée, surtout chez les blondes, et, j'en connais une qui l'était et elle les avait tous à ses pieds.
Dany, Karim, Ahmed, Saber, François ... Dany était beau " mais beauuu " comme disait ma meilleure amie. Elle avait une bonne vue et j'étais myope et que de fois quand je vis de près ces garçons qui avaient selon elle " quelque chose ", que de fois je fus déçue et nous allâmes jusqu'à nous quereller. Je lui en voulais d'avoir soufflé en moi des petits bonheurs dont le point de départ s'avérait, à posteriori, faux.

Où peuvent-ils bien être ? Que sont-ils devenus ? Y en a t-il parmi eux qui ressemblent à ceux que l'on entend quelquefois à la télé ? Ceux qui parlent du conflit du Proche-Orient sans une once de sympathie vers l'autre ? Difficile d'imaginer. Nous avons vécu ensemble nos plus belles années, nous avons partagé notre d'enfance et puis notre adolescence. Nous avons appris en même temps un florilège de sensations, de palpitations et de sentiments. Je ne peux le croire. Nos parents se connaissaient et s'appréciaient, voyaient-ils des choses, qu'à cet âge-là, nous ne comprenions pas ? Je ne saurai le dire.
Je me souviens de M.Raymond qui était prothésiste mais mon père ne jurait que par lui malgré les critiques de ma mère qui ne ratait aucune occasion pour lui préciser qu'il n'était pas un dentiste mais un mécanicien de la bouche. Sympa maman.
M. Maarek qui tenait une bijouterie au Colisée et qui m'offrit une très petite bague, un anneau en torsade très fine surmontée d'une fleur en perles nacrées, un peu comme un mechmoum. Un magnifique cadeau alors qu'on était juste passé lui dire un petit bonjour. Mon père leur offrit un weekend pieds dans l'eau à la villa de K.
Mme Marie L., une très proche de ma mère et de ma tante, elle cuisinait tunisien mieux que personne, le poisson méchoui et l'incontournable tastira. Elle avait toujours du chocolat blanc pour moi, elle savait que j'en raffolais.

D'autres et d'autres et la plage et la mer pour les ébauches de relation loin des yeux vigilants, et les diners et le Café Vert tous les après-midis vers 18 heures et Memmi et les madeleines et Alfred, Cacciola et les délicieuses ...

Parlaient-ils politique ? Évoquaient-ils le conflit du Proche-Orient ? Je ne sais pas. C'était avant Sabra et Chatila et le choc historique, Sabra et Chatila drame perpétré à des milliers de kilomètres et qui fut, me semble-t-il, à l'origine du départ et de la séparation. En tout cas, c'est l'argument-clé du Dr Berrebi, médecin de la famille, ami et quasiment un tonton pour moi. Un Monsieur d'exception et un médecin humaniste qui ne se faisait pas payer souvent et répétait la même phrase : la prochaine fois, en levant la main gauche. Depuis le temps qu'il me demande de sortir mon livre. Encore maintenant et malgré l'âge, toujours alerte, la même question aux miens : alors ce livre ?
Dédé le médecin des pauvres, le conseiller de tous. Je crois que jamais je n'ai vu un praticien comme lui, toujours à se recycler et surtout à communiquer avec ses patients. Un passage à son cabinet et c'était une heure voire plus d'échanges tous azimuts.

Que vous dire ? Je suis une enfant des années 70/80, je n'ai pas vécu les grandes guerres, je n'ai pas personnellement connu le début XX ème, tout cela je l'ai étudié sur les bancs de l'école mais j'ai des sentiments intimes, des certitudes. Dans nos pays, nous fumes heureux, juifs, chrétiens, musulmans et allez savoir quoi encore ! Pourquoi fallait-il un pays pour une religion ? Pourquoi l'Europe s'était-elle mêlée de notre vie ? Était-ce uniquement de la culpabilité ou voulait-elle se débarrasser de ceux qu'ELLE avait exterminés ?

Freud a été approché en son temps par des sionistes pour une collecte d'argent, quand ils lui firent part de l'idée européenne de la création d'un foyer juif en Palestine. Il s'écria furieux : pas en Palestine, ce sera des conflits interminables. Il eut raison.

Israël est là, l'Histoire a pris de l'avance. La Palestine n'est toujours pas un état, elle est grignotée tous les jours un peu plus. Les exactions sont atroces. Roquettes et armes de destruction effroyables. Des images à en perdre le sommeil. Pourquoi ne pas faire parler tous ceux qui sont originaires de Tunisie, d'Algérie, du Maroc et d'ailleurs ? Pourquoi ne pas raviver une histoire belle et tendre ou peut-être suis-je dépassée par l'Histoire ?
Résister est le seul choix pour continuer à croire qu'aimer est facile.