X.
Billets de vie
1. L'exclue
L'ordonnancement des mouettes était surprenant. Toutes regardaient dans la même direction, leurs queues symétriques aux piquets. Pas un seul mouvement. C'était beau et d'une forte perception pour elle et très certainement pour lui mais d'une tout autre façon assurément. Il s'amusait et ses yeux aiguisés à la détection de tout signifiant ne rataient rien. Il avait d'immenses yeux en amandes où tour à tour et au fil des jours, elle voyait un tas de sentiments. Chavirants quelquefois, toujours chargés de sens.
Les mouettes ne bougèrent qu'à l'arrivée de l'intruse. Elle n'avait pas sa place, elle essaya un piquet occupé et en fut aussitôt chassée. Elle partit un peu plus loin, en trouva un, s'y posa mais elle était en dehors de la communauté. Entre temps, les autres, toutes d'un même geste, s'inclinèrent dans sa direction toujours avec la même symétrie. Une sorte de chasse gardée, elle restera en dehors du groupe et n'y sera pas admise, le tout dans un calme serein et une paix mathématique.
La réflexion intérieure de Claire était toute à la différence, aux inclinations, à l'acceptation de l'Altérité. Elle n'avait rien contre l'amour de l'un vers l'autre de la même appartenance et elle était presque sûre que la mouette exclue l'était pour des raisons analogues ou bien qu'elle gambergeait trop comme lui aimait à le dire.
Le fait est là : la mouette était indésirable. Elle était plongée dans ses questionnements et lui avait toutes les réponses. Il en avançait une ou l'autre, disait ceci ou cela toujours avec rigueur et confusion. Et puis, il y avait les textes et ses peurs à elle. Elle avait en elle de fortes intuitions, souvent des certitudes, l'habitude du décryptage, le décodage des signes. Les textes, toute sa vie.
Ils étaient assis sur l'asphalte face à la mer qui ne lui parlait plus, depuis longtemps déjà. À en pleurer. Cela valait tous les dictionnaires du monde et même google. Car tout se faisait dans l'interaction et une sensibilité magnifique. Ce Monsieur était intéressant, tendre, dur, violent quelque part. Il courait depuis enfant et sa démarche était lente et laborieuse. Tout savoir sans organisation particulière de la pensée, dans tous les sens et puis cette fluidité et ces ramifications à n'en plus finir. C'était intéressant jusqu'au moment où il faut lui rappeler le point de départ. Mais pour l'heure ce n'était pas tant cela qui l'occupait. Plutôt un point de fuite très loin derrière. Pourquoi ce portrait ? Une réminiscence ? Un retour vers un goût refoulé ? Un penchant vers l'interdit ?
Elle se souvient parfaitement de ce qu'il lui écrivait. " Ses sensations belles et fortes d'un passé vieux de plus de trente ans qu'il voulait transcrire et qui s'évanouissaient injustement et inéluctablement".
Peut-on passer trente ans sous le diktat du socialement codé à se remémorer des sensations rares aimées et délaissées mais tapies au fond de soi ?
Peut-on vouloir faire plaisir aux siens proches, aller dans le sens commun et offrir une image d'un bonheur qui a leur aval et leur assentiment ?
Peut-on vraiment aimer l'un et l'autre d'un amour vrai mais si différent ?
Peut-on aimer d'une amitié forte celle-là même qui ne sait aimer que d'amour et qui s'appelle Claire ?
Eva, elle, avait toutes les réponses. Peut-être même plus que lui dans ses moments purs et sans le despotisme inconscient ou conscient du délire.
Billets de vie
1. L'exclue
L'ordonnancement des mouettes était surprenant. Toutes regardaient dans la même direction, leurs queues symétriques aux piquets. Pas un seul mouvement. C'était beau et d'une forte perception pour elle et très certainement pour lui mais d'une tout autre façon assurément. Il s'amusait et ses yeux aiguisés à la détection de tout signifiant ne rataient rien. Il avait d'immenses yeux en amandes où tour à tour et au fil des jours, elle voyait un tas de sentiments. Chavirants quelquefois, toujours chargés de sens.
Les mouettes ne bougèrent qu'à l'arrivée de l'intruse. Elle n'avait pas sa place, elle essaya un piquet occupé et en fut aussitôt chassée. Elle partit un peu plus loin, en trouva un, s'y posa mais elle était en dehors de la communauté. Entre temps, les autres, toutes d'un même geste, s'inclinèrent dans sa direction toujours avec la même symétrie. Une sorte de chasse gardée, elle restera en dehors du groupe et n'y sera pas admise, le tout dans un calme serein et une paix mathématique.
La réflexion intérieure de Claire était toute à la différence, aux inclinations, à l'acceptation de l'Altérité. Elle n'avait rien contre l'amour de l'un vers l'autre de la même appartenance et elle était presque sûre que la mouette exclue l'était pour des raisons analogues ou bien qu'elle gambergeait trop comme lui aimait à le dire.
Le fait est là : la mouette était indésirable. Elle était plongée dans ses questionnements et lui avait toutes les réponses. Il en avançait une ou l'autre, disait ceci ou cela toujours avec rigueur et confusion. Et puis, il y avait les textes et ses peurs à elle. Elle avait en elle de fortes intuitions, souvent des certitudes, l'habitude du décryptage, le décodage des signes. Les textes, toute sa vie.
Ils étaient assis sur l'asphalte face à la mer qui ne lui parlait plus, depuis longtemps déjà. À en pleurer. Cela valait tous les dictionnaires du monde et même google. Car tout se faisait dans l'interaction et une sensibilité magnifique. Ce Monsieur était intéressant, tendre, dur, violent quelque part. Il courait depuis enfant et sa démarche était lente et laborieuse. Tout savoir sans organisation particulière de la pensée, dans tous les sens et puis cette fluidité et ces ramifications à n'en plus finir. C'était intéressant jusqu'au moment où il faut lui rappeler le point de départ. Mais pour l'heure ce n'était pas tant cela qui l'occupait. Plutôt un point de fuite très loin derrière. Pourquoi ce portrait ? Une réminiscence ? Un retour vers un goût refoulé ? Un penchant vers l'interdit ?
Elle se souvient parfaitement de ce qu'il lui écrivait. " Ses sensations belles et fortes d'un passé vieux de plus de trente ans qu'il voulait transcrire et qui s'évanouissaient injustement et inéluctablement".
Peut-on passer trente ans sous le diktat du socialement codé à se remémorer des sensations rares aimées et délaissées mais tapies au fond de soi ?
Peut-on vouloir faire plaisir aux siens proches, aller dans le sens commun et offrir une image d'un bonheur qui a leur aval et leur assentiment ?
Peut-on vraiment aimer l'un et l'autre d'un amour vrai mais si différent ?
Peut-on aimer d'une amitié forte celle-là même qui ne sait aimer que d'amour et qui s'appelle Claire ?
Eva, elle, avait toutes les réponses. Peut-être même plus que lui dans ses moments purs et sans le despotisme inconscient ou conscient du délire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire