lundi 11 août 2014

Djerba I

Avez-vous déjà entendu parler de Djerba?

Djerba I



Vie d’ailleurs

Une île du Sud Tunisien avec hôtels, palaces, clubs fermés, restaurants de gastronomies diverses, night-clubs, folklore local…tout le business touristique et économique des îles en général et de la région en particulier que je vais vous épargner pour vous conter une Djerba profonde et déroutante aux nuits cotonneuses, une île suave qui invite à l’amour et ravive le désir.
Éloignons-nous donc le plus possible de la détestable carte postale trop formatée de l’île et trop attrape-nigaud touristique.

Djerba, une mer débordante d’un bleu-vert spécifique aux îles, au sable fin et blanc. Les journées trop chaudes l’été, font d’elle une destination agréable au printemps et en automne quand le soleil est plus clément.

Le vieux Djerba se trouve autour de Houmt Souk (littéralement le quartier du marché).
Quartier arabe, labyrinthique, tout en ruelles, rempli d’échoppes de tout genre, d’épiciers artisanaux, de parfumeurs, de maroquiniers, de tisserands…
Un lieu pittoresque et haut en couleur au milieu duquel trône le marché du poisson: haut lieu de la place. Un marché bruyant comme tous les marchés de la planète où le poisson se vend à la criée et où le hochement de tête joint à une gymnastique éclair du pouce et de l’index fait office de langage commercial, de « com » d’achat et de vente.

Tout autour, des gargotes vous proposant de vous griller vos poissons à même la braise à l’instant même, vous offrant de l’harissa en accompagnement, du piment moulu très fort arrosé d’huile d’olive, de la tabouna, un pain de campagne artisanal cuit sur les parois d’une sorte de four en argile à même le sol.
Diverses gargotes, des tablées ici et là, des nappes de vichy bleu et blanc, des chaises rudimentaires. Les propriétaires, cuisiniers, serveurs, plongeurs à la fois s’affairent à l’affût des clients.
Une seule ne désemplit jamais. Celle du Kerkénien, Kerkenna une autre île de Tunisie. Son assaisonnement du poisson grillé, quelle que soit, sa variété est unique. Une légende, un mythe indestructible, que personne n‘a d‘ailleurs essayé de ternir malgré l‘envie car chez les Djerbiens, le travail est la valeur suprême, le rezk. Son secret de préparation? D’aucuns le payeraient très cher pour pouvoir rivaliser avec lui et non point se contenter de ceux que la file d’attente rebutent. Le graal.

A Djerba, comme ailleurs, là où le tourisme joue un rôle crucial sur le plan économique, les pièges tendus aux touristes sont à chaque coin de rue. Besoin d’un guide, d’un traducteur, d’un expert en marchandage ( qui est de mèche en général avec le commerçant et qui a sa commission ), une dizaine se proposent. Tout le monde parle quatre à cinq langues, surtout les jeunes tout droit sortis de l’adolescence foudroyés fréquemment du regard par les plus âgés. Ils n’y prennent plus garde. Ils sont tout à eux, cheveux coiffés au gel, plaqués à l’arrière, mèches dressées à l’ « out off bed », jeans dernier cri, griffes de grandes marques italiennes affichées ( l’imitation a son haut lieu au Maroc, pays voisin ), tongs aux couleurs vives, bijoux tressés aux poignets et colliers ethniques autour du cou. Bref, tout le tintouin des gamins qui aspirent à saisir leur chance au vol grâce à une rencontre, à une créature de rêve ou pas d’ailleurs, dont le regard s’attarderait sur l’un deux. Le piège, en réalité est de part et d’autres. Sauf que le plus monnayé est, maîtresse thune oblige, le plus accrédité.

La mer ( mère ) de l’île est d’un bleu unique. Elle est généreuse, débordante, limpide, d’une pureté sauvage et dans certains endroits, il y a intérêt à être un très bon nageur.
Y être, un moment de fraîcheur sauvage, d’ontos première, la flotte  vous ballotte par ci par là, la nature naturelle, et, le nageur, quasiment, l’être aux prises de l’Existence.
La mer de Djerba n’est pas du tout la même à tous les points de l’île. Dans certains endroits, tout à l’opposé de celui décrit plus haut, elle est morte, sans vie. Elle est alors l’immense bassine des ménagères djerbiennes qui viennent y laver leur linge, leur laine, leurs animaux quelquefois. La tâche se programme à l’avance, on peut y consacrer une bonne partie de la journée. On peut les voir sur le littoral, en petits groupes, en longs tissus vaporeux, l’éternelle M’dhalla sur la tête, un large couvre-chef en paille serrée sans lequel il n’est pas possible de sortir le jour à Djerba.

La vie pour les Djerbiens, indifféremment hommes ou femmes est d’abord la besogne, une série interminable de tâches à accomplir. Les femmes en sont encore à préparer leur khôl elles-mêmes à base de produit locaux et d’épices, à se teindre les cheveux à la mardouma, une sorte de coloration naturelle d’un noir intense dont elles connaissent le secret de préparation et les vertus, à s’épiler avec une cire maison préparée à base de sucre, d’eau de rose et de citron. ( Le sucre est remplacé par le miel quand il s’agit d’une jeune fille qui s’apprête à se marier et on n’est plus, pour un moment, très regardants à la dépense), à se parfumer à la riha, senteur chaude fortement épicée aux vertus aphrodisiaques, composée par leurs soins, prisée par les hommes, agissant sur eux subrepticement, par le nez, jusqu’au cerveau et de là, là où il faut, stimulant immanquablement le désir. Affaire de femmes aguerries, toujours en l’attente de l’homme, l’homme aimé, nourri, massé, lavé, déifié, maître absolu tant que femme veut et tant que le corps vit.

Les nuits de Djerba sont magiques. Les sirènes ne devraient pas être bien loin. Face à la mer, loin du brouhaha touristique, un ciel silencieux, honnête, constellé d’étoiles à l’infini. Une atmosphère en coton, une brise bienfaisante sauf au mois d’août où elle vient durement à manquer.
L’envie d’aimer et d’être aimé. Les nuits douces de Djerba vous font sentir très intimement la présence du monde, des astres, du cosmos et vous incitent voluptueusement à l’amour physique vous épargnant ainsi, sur la pointe des pieds, des interrogations métaphysiques et des agitations spirituelles par trop dérangeantes.


23/6/2007

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