mercredi 28 décembre 2011

De grâce, M.le Ministre, pesez vos mots !


Tarek Dhiab n’a pas de niveau d’instruction. C’est un fait. Il n’est pas le seul à n’avoir pas eu la chance de faire des études poussées. Des milliers sont dans sa situation sauf qu’eux n’ont pas eu sa carrière de grand footballeur. Se moquer de la personne privée Tarek Dhiab ou de n’importe quelle personne en raison précisément de son niveau d’instruction, hors champ politique et responsabilité sociale,  ne mène à rien et est fortement méprisant. L'argument purement ad hominem n'ayant aucune valeur persuasive.
Maintenant contester qu’un ministre le devienne avec peu de diplômes ou zéro diplôme c’est tout autre chose. Mais le plus grave est ailleurs. M.Tarek Dhiab est ministre de la jeunesse et du sport et qu’il tonne à la T.V que ce n’est point racine carrée de 25 qui a fait de lui ce qu’il est devenu mais plutôt ses jambes est à mes yeux grave.
D’abord l’école restera le chemin le plus sûr pour espérer sortir de l’ignorance, le passage obligé pour espérer, dans des conditions relativement correctes, dégoter un emploi. Elle devrait être l’objectif premier, la route, ordinairement, la plus sûre dans la vie d’un jeune pour éviter oisiveté et corruption. On ne peut pas tenir des propos aussi légers en tant qu’homme et à plus forte raison quand on est ministre de la jeunesse. Autrement, on propose du rêve aux jeunes et une déconnexion de la réalité. Tous ne deviendront pas des Maradonna. Les Maradonna, dans le monde, sont au nombre de trois ou quatre. En rêver est une perte de temps. Alors de grâce M. Le Ministre pesez vos mots !

dimanche 18 décembre 2011

Politique et légitimité


Il faut peut-être s’attarder un peu plus sur le grand merci à M. Béji Caïd Essebssi. L’homme politique par excellence dans le parler et le faire. La transition a marché, les institutions ne se sont pas effondrées et le Tunisien a respecté un homme digne de respect. Preuve que le besoin de références reste intact. Preuve aussi que la légitimité historique reste légitime. Et BCE n’a eu de cesse de tonner sa filiation à Bourguiba et sa fierté d’avoir participé à la construction de la jeune République tunisienne.

Oui, légitimité historique d’un acteur de la libération et d’un bâtisseur de la jeune Tunisie auquel on a fait appel pour éviter la banqueroute du pays au lendemain du 14 janvier, quand peu de personnes politiques, avaient du crédit aux yeux des Tunisiens hors d’eux par la dictature et meurtris par la mort des leurs. Et quelle mort ! Bouazizi et d’autres qui ne vieilliront jamais. Redevables à jamais à ces régions de la Tunisie, Sidi Bouzid, Kasserine, Thala…pauvres et ignorées mais si valeureuses. De cette dimension quasi épique de l’Homme fort et rebelle qui meurt pour ne pas courber l’échine. Nous en profitons aujourd’hui, même si, pour beaucoup, les évènements de l’heure, sont contre toute attente.

Pour les laïcs pur jus qui ne sont pas obligatoirement, comme on veut le faire croire, des incroyants, politique et religion ne font pas bon ménage ensemble et les dissocier est obligatoire. Pour ces laïcs, qu’un parti religieux puisse être autorisé, qu’il instrumentalise la religion à des fins politiques et qu’il remporte les élections a été difficile à admettre. Et quelle victoire ! Partielle en réalité. Mais il a fallu, par espoir d’installer dans le pays des traditions démocratiques, l’admettre, la comprendre et lui faire comprendre le rôle qu’entend jouer l’opposition dans le pays. La nécessité démocratique a dit son mot.

Aujourd’hui, assemblée constituante, troïka, arrivée au pouvoir de Marzouki, gouvernement Jebali et sa pléthore de ministres, cassures et guerres intestines au sein des partis vainqueurs laissent voir un atelier politique bouillonnant, des alliances inattendues et peu compréhensibles idéologiquement, des renvois d’ascenseurs, un partage de l’autorité politique, des coups de gueule virulents…Le Tunisien suit de près, la presse est aux aguets et cela c’est le positif vrai de cette « révolution » du 14 janvier.

Le personnel politique de l’heure tire sa première légitimité du vote des Tunisiens, du moins ceux qui ont voté. Le parti vainqueur ajoute à cette légitimité celle des années de geôle. Le CPR et Ettakatol ont consolidé Ennahda contre des portefeuilles ministériels au reste d’y laisser des électeurs. Ils ont misé sur le court terme et des miettes de pouvoir.
Dans cet atelier politique, ouvert, en réalité, à des puissances financières étrangères qui ont dû débourser avant, durant et après les élections pour opérer bien des changements en Tunisie, pour faire accéder au pouvoir Ennahda, pour des intérêts personnels d’abord, et, pour une mainmise sur le pays mais aussi la région probablement, dans cet atelier politique donc, les donnes sont nouvelles pour le Tunisien, les références également, la personne politique est nouvelle.
BCE, durant la transition, a été accueilli dans le calme, puis la sympathie, enfin la confiance :  sa légitimité historique, son parcours personnel et son hostilité à l’égard du RCD lui ayant ouvert toutes les portes. Son grand âge a été vu comme un atout, son expérience politique comme une référence. Lui, le savait et il a brandi plus d’une fois la carte de la filiation bourguibienne. Aujourd’hui, la légitimité en politique est « pénitentiaire ». Ce n’est pas nouveau. Ce qui l’est, c’est qu’elle n’est plus liée à l’histoire coloniale, à la libération. L’ennemi n’est plus le colon, l’impérialiste, l’étranger. Cette légitimité n’a pas l’historicité nécessaire pour qu’elle soit admise de tous, elle est fraîche, jeune, nouvelle, entachée. Le recul et l’action politique des nouveaux gouvernants lui tailleront sa part et l’inscriront dans l’un des deux grands chapitres de l’Histoire. C’est, parce que, la légitimité en politique est importante que le nom d’Ahmed Mestiri, grand militant, a été proposé peu après le 23 octobre. L’homme est sobre et élégant : «  J’ai 86 ans. Je n’ai pas d’ambition présidentielle ou ministérielle ». Déjà du temps de Ben Ali, Mestiri avait refusé de se prêter à la « démocratie » de l’époque. Souhaitons que le mot démocratie ait retrouvé depuis sa signification. En tout cas, le peuple y veille.

samedi 17 décembre 2011

Histoire, mes Respects.


Quand la plume s’impose, l’encre coule et les ressentis suivent leurs voies.


Moncef B.Salem, un nom, nouveau, comme beaucoup d’autres. Une haute fonction attribuée - sur le mérite dit-on -  ministre de l’Enseignement supérieur dans le gouvernement Jebali. On attend de pouvoir jauger objectivement de l’apport de ce haut fonctionnaire.
Il reste que des questions se posent aujourd’hui : a-t-on le droit parce qu’on est Nahdaoui, parce que 1,5 million de votants ont choisi La Nahda, parce qu’on a aspiré à un portefeuille ministériel, parce qu’on l’a attendu et qu’il nous a été offert, a-t-on le droit de toucher à la mémoire du Tunisien ? A-t-on le droit de souiller les hauts personnages de notre Histoire ? De porter atteinte à la mémoire de Bourguiba ? 
Ou le travail de sape a-t-il déjà commencé ? Réécrire l’Histoire, l’ajuster à son tir, bannir et bénir… Quelque chose de 7-novembriste.
C’est compter sans la vigilance des Tunisiens libres et fiers de l’apport du Libérateur de la Tunisie. C’est également compter sans le rationalisme et l’esprit scientifique de nombreux historiens tunisiens soucieux de leur Histoire et de leur historicité. Bourguiba a été un Moderne, un Moderniste, son empreinte dans l’Histoire de la Tunisie est ineffaçable. Nous gardons en tête, tout particulièrement, le Bourguiba de la jeune République tunisienne, 1956-1970, homme d’Etat pétillant et avant-gardiste. Outre le fait que vouloir toucher à l’Histoire est un acte bête en soi, populiste dans le cas de figure, politique également, il traduit une facilité puérile et un irrespect de notre patrimoine et de notre être civilisationnel.
Non, Monsieur, on ne vous laissera pas dire en toute impunité ce qui vous passe par la tête ou ce que vous mijotiez. Bourguiba avait pour lui la légitimité du Combattant, du Libérateur, une légitimité historique, qui s’inscrit dans une époque où on s’autorisait colonie et bagne. Son action politique, plus tard, fera de la femme tunisienne un être libre, délivrée des attaches de l’esclavage et de l’ignorance. Nous sommes nombreux à nous revendiquer de l’envergure de Bourguiba.
Bourguiba, père du Modernisme, il y a des géants qu'il faut savoir ne pas approcher.

dimanche 6 novembre 2011

Wafi ou la médiodrité.


Pitoyable le Samir Wafi, discourtois, sournois, à la solde des gagnants et dans le sens du vent. Est-ce un journaliste ce journaleux, passé maître dans le qu’en-dira-t-on ? A vouloir piéger ses invités, leur couper la parole, les accuser, ne pas les écouter, les minimiser… ?
A-t-il seulement conscience de la petitesse de son attitude ? ANC a été égal à lui-même : élégant (intellectuellement), clair, posé et patient. Aucune commune mesure. Il dépassait de loin ce pseudo-journaliste qui fait dans le lèche-bottisme et la médisance. On l’a vu avec d’autres dans la complaisance et la servilité à peine masquée, à obéir aux ordres de son maître, propriétaire de la chaîne et autoritariste déchaîné sur la scène médiatico-politique depuis le 14 janvier. Le professionnalisme et la déontologie n’autorisent pas d’ordinaire un travail aussi médiocre. Et les journalistes provocateurs que l’on a pu voir, que l’on connaît en Occident principalement, c'est-à-dire dans les pays à tradition démocratique, sont des gens d’esprit, talentueux, qui savent manier la boutade et le calembour. Le S.Wafi a de la route à faire et de l’éducation à apprendre. Bravo à ANC d’avoir su jusqu’à la dernière minute lui inculquer quelques règles éthiques de base !

samedi 5 novembre 2011

Billets d'humeur 2, 3, 4, 5, 6...


Le résultat des élections a choqué beaucoup d’entre nous. Et puis il y a cette morosité et ces pluies diluviennes. Ce n’est pas tant un état d’âme, c’est la déroute et puis la chute de moments forts, intenses de convictions. Le peuple tunisien ! On y a cru et on continue d’y croire en dépit de la déception transformée en un second temps en réalisme obligé.
Des moments forts de liberté ivre, le soulagement du NON contestataire. On n’avait jamais vécu cela. Le peuple exception, la Tunisie unique. Et puis la victoire des islamistes et la honte du doigt bleu. Une vraie honte et un doigt laid au point que l’on se sente vidé de l’intérieur. La femme tunisienne libre ne s’est jamais sentie menacée. Elle a porté sa liberté comme une prétention due. Fierté et arrogance quand il le fallait. Certains pères libres ont largement contribué à cela. Et on leur sera à jamais redevables. D’où par ailleurs l’obligation du combat.

Qui l’eût cru ? La Tunisie se noie dans le conservatisme ? Il y a deux peuples : celui qui revendique une dignité et un mieux-être et celui qui s’en remet aux mains de Dieu. Ce n’est pas le même son de cloche. Est-ce la cécité des démocrates ou est-ce la même pâte que ces deux-là ? C'est-à-dire qu’ils hurlent leurs insuffisances d’une même voix et avec force conviction et qu’au final ils se laissent récupérer par manque de capacité à continuer, à proposer et à construire ? L’Islam est la religion de tous en Tunisie ou presque. Il n’a jamais été menacé, ni contourné. Il ponctue nos vies et nos saisons. Et puis, quatorze siècles sont inébranlables. Alors neuf ou dix mois ! Faux problème. Et c’est là que les désillusions font encore plus mal. Les jeux sont faits, les dés sont jetés, tout est pipé. Alors le délire de grand peuple et de grand mouvement ! Plutôt l’effet pschitt et la déconfiture de se savoir sans liberté réelle et effective.

Les démocrates n’ont jamais considéré les islamistes. Ils les voient du haut de leurs convictions comme des petits qui s’agitent dans tous les sens, mus par leurs frustrations multiples. Or les petits ont grandi - sans maturation il faut le dire, ce qui fait d’eux des nerveux par ailleurs - ont été nourris de l’extérieur et sont aujourd’hui aux commandes, fort heureusement avec d’autres. Il y a comme un air de RCD, un fonctionnement obscur et souterrain soutenu bien entendu. Les Américains gèrent nos vies en réalité, les planifient sur la durée et pour cette fois, la balle est dans le camp islamiste, une façon de régler le problème en le regardant droit dans les yeux. Cela devrait rassurer à côté de faire enrager. Des garantis ont été données et de toute façon l’oubli des accords c’est le désormais célèbre « Dégage » spontanément orchestré ( ?!) dit-on, en catimini.

Nous n’avons jamais compris le voile, nous nous obligeons à comprendre. Mais rien n’y fit. Probablement parce que nous voyons la femme comme citoyenne et jamais autrement. Contrairement aux islamistes qui ne la voient que comme un sexe. Or le sexe relève du strict privé et c’est malsain de focaliser là-dessus. Aucun homme n’aura de l’ascendant sur nous, le mot de la fin sur nous et ceux que nous aimons et que nous choisissons nous sont chers précisément parce qu’ils voient en nous des êtres humains à part entière c'est-à-dire des êtres libres d’abord et avant tout, tant la définition de l’être réside d’abord dans sa liberté. Pour ce qui est du religieux et du rapport au divin, nous revendiquons haut et fort une intimité et la non intrusion de qui que ce soit, quelle que soit la longueur de sa barbe puisque le degré de piété se mesure à cela.

Au plus près du personnel une femme dont le grand-père était un Cheikh descendant d’une lignée de cheikhs, un nom synonyme de piété, de respectabilité. Il allait jusqu’à refuser des petits cadeaux de sa propre fille se disant que peut-être son époux n’en avait pas été avisé. Un dignitaire né aux confins du XIXème, inconditionnel du Prophète et admirateur de Bourguiba. Penseur, il poussait la réflexion fréquemment et avait du mal avec les notions de prédétermination, de prédestination et de destin. Il mettait en avant la conscience et le choix de l’Homme. De même, il prônait la discrétion dans l’application de la religion, l’intimité totale. Des cheikhs d’un autre temps. Ils furent les premiers à envoyer leurs filles à l’époque, faisant fi du qu’en-dira-t-on et des règles de bienséance en invoquant toujours les préceptes coraniques et l’importance du savoir. Que faire de ces personnes précieuses dans nos legs personnels, de leurs empreintes modernistes sur nous, de leurs principes d’intégrité et de respect de soi ? Les brader contre les cheikhs de pacotille qui instrumentalisent le religieux à des fins personnelles et par avidité de l’exercice politique ?

dimanche 30 octobre 2011

Billets d'humeur 1


Je veux bien concéder que Bourguiba en personnage public peut être critiqué, nous le critiquons nous-mêmes, nous aurions voulu le voir mettre la Tunisie qu’il a toujours voulue moderne au rang des pays démocratiques, qu’il fît confiance à son peuple…Un homme politique de la dimension de Bourguiba est une heureuse et rare  incidence de l’Histoire. Que Ghannouchi le critique, en parle négativement dérange fortement, déplaît. Aucune commune mesure. Certes, il y va de leurs rapports personnels. Mais Bourguiba reste Bourguiba et quoi qu’on lui reproche, il y a la profonde considération d’un Monsieur d’exception, d’un homme moderne et éclairé à une époque où les Arabes ne connaissaient pas la modernité. Nous pensons principalement au Monsieur au summum de son génie politique avant la vieillesse et la perte du discernement.

Demos cratos


Le jeu démocratique est dur mais il faut en accepter les conséquences. Les irrégularités ? Il y en a eues et la justice s’en occupera. Mais de là à remettre en question les résultats des élections sur tout le territoire et ailleurs…Difficile à avaler. Le peuple a choisi, c’est la dictature de la majorité. Difficile. Sauf qu’il y a une urgence : se relever et se faire entendre.

Il y a, malgré la victoire d’un parti avec lequel les progressistes ne partagent pas grand-chose, un bonheur : nous sommes sur le terrain de la démocratie. Le pays n’est pas à feu et à sang et ce n’est pas rien.

Les démocrates modernistes de tout genre ont échoué, échec variable bien entendu pour les uns et pour les autres. Cet échec s’explique par la victoire du camp adverse.
Comment donc comprendre et à quoi imputer la victoire d’Ennahda ?
Ennahda a été fortement réprimé sous Ben Ali, honni de toutes parts ou presque. Le parti utilise cette répression et se présente comme un parti-martyr en faisant prévaloir cette donne à une époque où El Moussemeh Karim cartonne, c'est-à-dire à une époque où le pathos a de beaux jours devant lui.
Un parti qui s’est propagé tout spontanément sur un regain de religiosité de forme - le voile et la barbe - plus que de fond alimenté depuis des années par les chaînes satellitaires.
Depuis le 14 janvier et l’arrêt de la répression, Ennahda n’a plus la corde au cou, le bâton au dos, un travail de terrain, de porte à porte quasiment a commencé très tôt. L’empathie avec la mouvance est assez rapide, populaire. L’utilisation des mosquées à des fins politiques a fait le reste.
Ennahda est un parti riche, un parti monnayé de l’extérieur mais aussi de l’intérieur grâce à la « zakât », une aumône destinée entre autres, dans le cadre de la responsabilité collective, à améliorer la vie sociale des musulmans. Valeur largement instrumentalisée.
Le parti est également soutenu par les puissances occidentales et notamment les Etats-Unis qui entendent ainsi le maîtriser en le plaçant au pouvoir et parce que le pragmatisme américain a décidé de prendre le taureau par les cornes afin de commencer le réglement de la question islamiste.
La victoire d’Ennahda est une revanche sur les 23 ans de dictature benaliste, d’emprisonnement, de sévices de tous genres. 23 ans d’abêtissement du peuple également, de dégradation du cursus scolaire et de la valeur des diplômes, de découragement de l’éveil et de l’esprit critiques.
Si le parti islamiste a tissé, en douce et sur la durée, un réseau social solide, s’il a continué à œuvrer, les progressistes, eux, ont chômé pendant des années. D’abord, leur discours leur a été très tôt pompé par Ben Ali, grand spécialiste de la récup’.
De même, sachant la répression exercée sur les islamistes, ils n’ont pas vu ou n’ont pas saisi les manifestations extérieures de la propagation de l’islamisme mettant souvent cela sur le compte du pouvoir démagogique des chaines de propagande.
Depuis la chute de Ben Ali et plus précisément depuis le mois de mai, les démocrates se sont démenés, ont occupé le terrain, ont fait valoir leurs valeurs, la peur au ventre et emplis d’appréhension, se sentant plus dans l’urgence de contrecarrer le projet nahdaoui que de rivaliser avec lui tant la menace - à ce moment-là - islamiste se faisait sentir. Sauf que neuf mois sont trop insuffisants pour faire face au géant Ennahda.
Par ailleurs, le discours progressiste - notre discours - a très souvent été élitiste au point d’être taxé de bourgeois – aucun rapport par ailleurs ! – ceci dans le meilleur des cas sinon de mécréant, point qui a été récupéré par nos opposants qui n’ont pas eu à gratter pour faire croire que démocrate équivaut à ennemi de Dieu.

Nous sommes à une époque très superficielle, benaliste à vrai dire et c’est précisément cette superficialité qui a formé nos jeunes. Un mélange de télé-réalité, d’émissions religieuses de charme où l’animateur racole à tour de bras en séduisant à travers un discours où l’humour tient une place de choix. Une époque où le besoin de religiosité se confond avec la superstition, la magie, les confréries ( les « sidi »), où une jeune sociologue ne saisit pas que les cérémonies de sacre des sidi untel ou untel, les « zerda » peuvent constituer un sujet de thèse intéressant tant les connaissances académiques sont coupées de l’expérimentation et de la réalité. Ennahda ne pouvait que proliférer en l’absence de toute opposition de proximité qui est, par ailleurs, et forcément, moins honnête que certaines nées après le 14 janvier (le PDM ), dans la cécité, reconnaissons-le aujourd’hui, opposition moderne, élargie, qui sut dépasser le simple leadership pour focaliser sur les principes de base mais qui ne mesura pas la longueur d’avance, l’impact et le matraquage des enfants égarés d’Ennahda ou du RCD. Nous pensons à ce mystérieux Hechmi Hamdi, docteur apprend-on, qui maîtrise l’art de la communication populiste : animateur, chanteur, bon samaritain, politique, qui tient à lui tout seul une chaîne de télévision qu’il active au four et au moulin.

Aujourd’hui, Ennahda l’emporte, c’est un fait. Les irrégularités, nombreuses, ne changeront pas la donne. Le peuple a exprimé son choix. C’est la douloureuse démocratie. Une douleur que nous nous devons d’accepter. Ennahda se trouve aux commandes d’un pays à genou économiquement et cela n’a rien d’une prière. Ennahda se trouve dans la ligne de mire de tous les observateurs de l’opposition et dans l’attente de la réalisation des innombrables souhaits du peuple tunisien, dans le dépassement de ses frustrations.
L’examen est très dur et il commence.

En outre, le problème islamiste que nous n’avons jamais voulu regarder dans les yeux aura été réglé, les « martyrs » d’hier sont les victorieux d’aujourd’hui grâce principalement à un rejet fulgurant de la dictature offert aux islamistes. Pourquoi le terme « révolte » ? En raison, de la fausseté qui découlera du choix du mot « révolution ».
La victoire des islamistes est une épée de Damoclès : des défis énormissimes, des attentes impossibles, des espoirs donnés démesurément, une inexpérience du terrain politique, une confiance certaine de la part des votants, des schismes intérieurs plus que probables, une ligne politique atrocement difficile : faire taire les durs, faire enrager les démocrates qui ne jurent plus que par la rue, relancer l’économie en promouvant le tourisme…La bourse a "crashé" pas plus tard que le 26 octobre…Tous les regards sont braqués sur Ennahda, de l’intérieur bien évidemment mais aussi de l’extérieur. On l'a entendu.
Les démocrates, eux, ont gagné une chose inestimable, une arme qu’ils se doivent de brandir tous les jours : la liberté d’expression. En effet, nous sommes en démocratie.

lundi 24 octobre 2011

Avorton


23 octobre, quelle fierté d’être Tunisien ! Une grande amie m’appelle et me dit qu’elle aurait aimé être de chez nous, que ce que vit la Tunisie est l’Histoire qui s’écrit en direct, qu’elle n’avait jamais vu ça. Moi non plus, cela va de soi. C’est une gestation de quelque chose, un accouchement en direct avec tous les ressentis qu’on imagine. Oui, il y a une vraie fierté d’appartenir à ce pays.
Carthage, 7h45 et déjà une très longue file, une journée radieuse, des gens heureux. Vi-si-ble-ment. Un bonheur électoral, en avez-vous déjà entendu parler ?


24 octobre, l’effet pschitt. Nous avons pensé très haut, très loin. Du travail est encore à faire. Notre peuple n’est pas si mûr que cela et dès qu’il s’agit de construire, le conservatisme pointe son nez. Qui l’eût cru ? La Tunisie ! On la pensait moderne, voilà qu’elle s’avère timorée, tournée vers le passé, se donnant naïvement aux idées arrêtées. Quelle déception !
Le temps de pleurer son enfant après des mois de forte implication et aussitôt en marche, manches retroussées pour batailler au sein d’une opposition farouche qui ne laissera rien passer.
Sinon, la plume est fantasque, l’encre sèche et l’être en mal de convictions…

mercredi 19 octobre 2011

J-3


Certains continuent à publier leur amour de GFFerré ou de J-PGaultier. Ce sont les « J’aime », j’aime, j’aime…D’autres ont déniché une redistribution de Abdelhalim par la dernière née libanaise de la chanson de variété…Bon, libres à eux. Pourquoi, sommes-nous nombreux à vivre dans l’obsession du 23 ?
La liberté est notre souffle premier. Notre première exigence. On tremble pour elle, on ne la bradera jamais. La femme tunisienne joue son vrai grand rôle, elle le sait. Pourvu qu’on ne la culpabilise pas. La femme tunisienne joue aujourd’hui son être économique et social, sa survie.

La Tunisie n’est pas à vendre, c’est à ses femmes et à ses hommes d’arrêter ceux qui lorgnent sur elle. Ils sont nombreux, des enturbannés, de la thune et du gruyère à la place de la matière grise. Leurs exécutants sont chez nous et à force d’avoir été engraissés, ils vendront leur âme au diable. La Tunisie a toujours nargué les Arabes d’Arabie et du Golf : Bourguiba, liberté de ton, émancipation de la femme, fierté et insoumission. Trop pour des « courts en tête » qui veulent étendre leur pouvoir à coup de pétrodollars. Al-Jazira, une chaîne de propagande, exécrable, faisait mine d’attaquer Ben Ali, en réalité, elle préparait le terrain, le balisait à une mainmise d’enturbannés. Aujourd’hui, le peuple tunisien peut faire échouer le projet de ces personnes mafieuses grâce au vote convaincu et au boycott des alliés des enturbannés. Il y va de la souveraineté du pays.

Non, je ne baisserai pas la tête, non je ne vous autorise pas à légiférer sur mon être, mon statut social, mon apparence. MARRE d’entendre des poilus parler de moi, de mon travail, de ma relation avec l’homme, de mon vestimentaire. De quel droit ? Qui êtes-vous ? J’ai toujours contesté les pouvoirs autoproclamés, haï même. Qui vous dit que nous avons les mêmes référents ? De quel droit estimez-vous que nous ne pouvons être que pareils ? Avons-nous eu le même cursus, lu les mêmes livres, connu les mêmes personnes ? Avons-nous eu le même vécu, sommes-nous empreints des mêmes choses ? L’uniformité est synonyme de mort et je ne vous ai jamais chargés de veiller sur moi. Je suis LIBRE.

Le combat ne cessera pas, il continuera. Difficile d’imaginer que la liberté peut venir à manquer. Inacceptable en réalité. La société tunisienne a largement prouvé son attachement à la modernité, à l’émancipation de la femme, à la liberté d’expression, à la séparation du pouvoir politique et religieux…Seulement, les chiffres n’existent pas. Les premières élections libres de la Tunisie sont difficiles à sonder, les estimations quasi impossibles. Devrions-nous payer lourd le tribut de 23 ans de dictature et de méconnaissance des mécanismes politiques et du terrain tunisien ? Quel que soit le résultat des élections le combat continuera. La femme principalement ne devra pas baisser les bras, ne devra pas baisser la voix, ne devra pas baisser les yeux. En aucun cas. De plus, elle est appelée à occuper la scène politique et à faire entendre sa voix. Des siècles de répression, de domination masculine, de second rôle, d’analphabétisme, de dépendance, de dépendance financière font d’elle un vaillant guerrier. Qu’elle ne se laisse pas récupérer, qu’on ne la fasse taire, qu’on ne la fasse pas culpabiliser et  qu’elle sache que la meilleure façon d’exister au monde est d’être une citoyenne à part entière, travailleuse, responsable et honnête.

mardi 18 octobre 2011

Atakni, PDM, ça et là et Ahmed Brahim.



 Dimanche 16 octobre, une belle journée et, vers 13h, une marche pour les libertés tout aussi belle. La grande famille des démocrates, volontaire, déterminée et, on l’espère, dans les prochains jours, soudée, était là. Présence massive des femmes de Tunisie, des jeunes, des moins jeunes, de nos hommes, pères, frères, maris, amis… Une marche réussie, un service d’ordre impeccable. Une mobilisation sans précédent. Oui aux libertés individuelles, à la liberté d’expression, à la liberté de culte, à la tolérance et au respect de la différence. Non à la censure, à l’autoritarisme des obscurantistes, au retour d’une morale bête et inhibante, à la dictature religieuse. Après 50 ans de silence et de tête baissée, on veut encore nous sortir le bâton, peut-être même le fouet, cette fois-ci. Non, non et non !


16h, direction Sidi Bou Saïd, la salle multisport, les Pôlistes ou les Kotbeing comme j’aime à nous appeler ont été formidables. De l’adrénaline pure et un hymne fort, œuvre de Mohamed Ghaddab. La salle a vibré malgré une sono capricieuse. Les sympathisants du Pôle, en dépit de différences sensibles quelquefois, ont en commun le respect de la différence, l’amour de la liberté, des convictions indérogeables : la séparation du politique et du religieux, la nécessité d’une presse libre, de mécanismes démocratiques qui feront partie du fonctionnement politique du pays sur la durée. Le meeting a été rassembleur et le Pôle prouve tous les jours qu’il est possible de travailler ensemble malgré les spécificités de chacun et de regarder globalement dans la même direction. Un mot-phare : la démocratie et les libertés individuelles.

La Tunisie souffle depuis près de 9 mois après un régime benaliste, plutôt stalinien, de 23 ans. Ce qui n’a pas empêché les Tunisiens de faire un travail politique de quasi professionnels. Hier, à Sidi Bou Saïd, à l’entrée ou presque de la salle multisport affrétée pour le meeting du Pôle, un stand d’Ennahda, un autre de Marzouki – il faut convenir qu’ils étaient plutôt voisins ! – chacun y allait à sa vitesse à la vente de t-shirts et de diverses bricoles, sur fond de musique. Le tractage se faisait par un service assez jeune, souriant, politique à souhait dans le sens marketing du mot. Le plus surréaliste chez nos compatriotes les Nahdaouis, c’était Cheikh Limam et ses chants révolutionnaires. S’il n’y a pas récupération, j’opterai pour ma disparition physique. Cheikh Limam chez les Nahdaouis, c’est karl Marx chez Ettahrir !

Petite anecdote à la Marsa qui pourrait s’avérer utile. En plein souk, tractage de tous bords. Le pigeon visé : la ménagère, mère de famille, cheftaine du foyer, au service de tous. Un nez dans les légumes frais, un œil sur le jogging size M pour le petit dernier sur les étalages des fripiers. Chapeau bas à la mère, à la femme d’affaires. Oui, les affaires c’est aussi de se dégotter un jogging pour son enfant à 4 dt au lieu de 40. Des jeunes, des tracts, un bel homme grisonnant menait l’opération, une allure de Richard Geere façon médecin, un échange avec une mère, la quarantaine, des sourires à gogo de toutes parts, un attroupement qui gonfle à chaque passage de mamans dans leurs habitudes du dimanche. Une d’entre elles répond : « Mon mari ira voter pour moi, c’est loin le 23, je ne m’y connais pas, ça ne changera rien de toutes façons, chaque dimanche, je serai là. Il faut baisser les prix, voilà l’important ! »
Le mari, carte-maîtresse de la femme, siège bancaire cité, référence du Moi, carte d’identité les jours heureux. De là à lui attribuer l’exclusivité du vote, il y a là un travail à faire aujourd’hui avant demain. La femme est citoyenne d’abord, femme et mère ensuite. De même, le 23 est là depuis des mois déjà pour celles et ceux que les élections obsèdent, qui en savent l’enjeu. L’économique, Mesdames les Mères, vous qui êtes à la tête de vos familles et bien, l’économique c’est vous qui le ferez avec vos voix, vos choix qui, pour la 1ère fois dans l’Histoire de la Tunisie compteront et seront décisifs. Du travail, du sur-terrain, encore et toujours, pour dire à la femme son poids de citoyenne et de citoyenne libre.


Ahmed Brahim a été mon professeur. Un trait marquant du Monsieur : son indéfectible sourire. Mais aussi ses exigences de pédagogue. A l’oral, il faisait peur à plus d’un ou d’une étudiante. Si sa réputation de gentil et d’avenant n’était plus à faire, sa rigueur et son professionnalisme pointu étaient notoires et ça craignait comme on dit. L’homme A.Brahim : le Sud et ses valeurs, la conscience de la chose réelle et le sens des autres. Tout naturellement à gauche ou par préférence terminologique personnelle, progressiste. Le politique A.Brahim : un parcours de militant aux côtés de feu Mohamed Harmel. Un parcours et une implication sans relâche. L’homme est persévérant. Des sons de cloche ici et là, qu’Ahmed Brahim aurait composé avec le RCD ! Schizophrénie d’un discours calomnieux ! L’homme a toujours revendiqué le droit de chacun à l’exercice du pouvoir, l’alternance de l’exercice politique, la non-accaparation du pouvoir et ceci en plein autoritarisme benaliste, quand ce dernier s’étonnait du simple fait que l’on puisse seulement penser politique. A.Brahim a eu l’idée, très tôt, d’une coalition de tous les partis progressistes, des initiatives citoyennes. Il sait la force qui résulte de l’union, d’instinct me semble-t-il. Il y a de ces choses que l’on sait spontanément par connaissance de l’humain. Et A.Brahim est de ceux-là. Ce n’est pas rien quand on est dans le jeu politique, ça vous donne un humanisme et une communion avec l’autre nécessaires chez ceux qui se sentent de plain-pied dans la chose politique et le service public. Je l’ai déjà écrit, je ne suis pas de gauche dans le sens vieillot des années 60, certainement pas de droite non plus. Il me semble que le clivage gauche-droite est quelque peu désuet aujourd’hui, que personnellement, tout en me sentant proche de l’Homme dans sa réalité réelle, ses besoins matériels quotidiens, son mieux-être social nécessaire, l’égalité des chances au départ de sa vie, sa nécessaire orientation dans le domaine de l’éducation au secteur d’activité de ses compétences…j’opte pour une autre appellation politique : progressisme. Chez mon cher Professeur, j’aime précisément cela : son progressisme et sa modernité avérée.
Heureuse d’avoir pu échanger avec lui au milieu du brouhaha des démocrates heureux que nous sommes.

dimanche 16 octobre 2011

J-7


Salafisme.

J’aime notre Tunisie, autant que vous. Et si j’avance que je l’aime plus, je serai dans la surenchère et c’est le début des ennuis. Les Salafistes sont dans la surenchère, c’est un signe de mal-être, de rage même, de vieille colère consécutive à des problèmes personnels. L’extrémisme a toujours proliféré dans les zones à problèmes : pauvreté, chômage, inégalité des chances, problèmes psychologiques, familles explosées, ignorance…
Le Salafiste fonce tête baissée et c’est précisément pour cela qu’il sera utilisé en soldat, en kamikaze. On les a vus. A la question posée : « Où vous rendiez-vous ? ». Une réponse machinale : « Au siège. ». « Quel siège ? ». « Le siège qu’on nous a indiqué. ». Les réponses sont, souvent interrogatives. Etonnantes pour des réponses.
Le salafiste ne fait pas preuve de réflexion consciente d’où sa violence. Ce qui s’est passé dans le pays suite à la projection de Persepolis, film d’animation projeté sur NessmaTV est d’une rare violence. Pourtant ça ne tenait qu’au bouton de la commande. Comme tout ce qui dérange : les coups de klaxons intempestifs, les blasphèmes, les émissions nases … Il n’est pas possible aujourd’hui de laisser qui que ce soit dicter la loi, s’arroger le droit de donner des leçons. C’est la définition même de l’impérialisme et c’est insupportable.
Non, j’aime la Tunisie autant que vous et je n’ai rien de plus que vous. Certainement pas une autorisation divine de gardiens du sacré.

Démocrates.

La Grande Famille des démocrates doit ces jours-ci montrer sa solidarité en dépit des petites allergies. On doit pouvoir marcher dans la même direction, toucher le maximum de personnes et rallier les indécis. Un mot phare : la liberté. Un mot qui se décline en plusieurs dérivés : liberté d’être, de s’exprimer, de choisir…L’Islam est l’affaire intime de près de 98% de Tunisiens, c’est la religion du pays, il chronomètre nos vies et n’est pas le moins du monde en danger. La preuve : il a quatorze siècles. Dieu n’a pas besoin de défenseurs. Dieu est Dieu c'est-à-dire le tout-puissant et quand les Salafistes hurlent, en réalité, ils « gueulent » leurs souffrances et leurs peines inconscientes. Dans notre intimité spirituelle, on s’adresse à Dieu, tous les jours, à chaque fois que le besoin se fait ressentir. Les appellations diffèrent, les invocations aussi, le message est intime. Devrions-nous breveter nos prières à Dieu ou attendre un quelconque feu vert de ces autoproclamés gardiens du sacré ?

La peur ? Connais pas !

La peur ça me connaît pas d’ordinaire. Or, là, je l’ai au ventre. J’ai peur que mon pays échoue, que la démocratie soit capotée, que la violence saisisse mes compatriotes quelle que soit leur obédience, que cette manne historique, rare dans son genre, file entre nos doigts. Est-il possible de se passer désormais de la liberté de ton que nous avons arrachée à mains nues ? Est-il concevable de rentrer de nouveau dans cette vieille coque de 50 ans qu’on nous avait imposée ? Est-il seulement envisageable de retourner à l’état de végétaux dans lequel nous vivions ?
La peur dans le ventre et en dépit de tout, NON. Sauf que de tout temps s’insurger s’est fait en groupe, par contre quand il s’agit de construire beaucoup manquent à l’appel. Et cette lâcheté-là peut, quelquefois, se comprendre humainement.

Femmes, femmes, femmes !

Plus de 50% des électeurs sont des électrices. La femme aura la responsabilité de trancher. Qu’elle se souvienne de ce que le fondateur de la Tunisie moderne a fait pour elle ! Qu’elle se remémore qu’elle est, depuis le milieu XXème siècle, une véritable clé économique ! Qu’elle prenne conscience encore et toujours de ce qu’elle a donné à son pays de tout temps et en divers lieux : au champ, à l’usine, au bureau, en classe et ailleurs ! La femme tunisienne a été la richesse de la Tunisie. Haddad l’a pensé, Bourguiba l’a mis en pratique. Ce qui fait de la Tunisienne ce qu’elle est, une femme affranchie et responsable, c’est précisément sa liberté et sa dignité. L’enjeu sera de ne pas les perdre et de garder sa destinée en main.

samedi 15 octobre 2011

Amina Arfaoui, universitaire : Notre religion n'est pas en danger !

"Ce n'est pas l'Islam qui est en danger en Tunisie : les mosquées sont en effet pleines de monde, les gens vont en pèlerinage et vivent leur religion normalement, tout va bien,  mais ce sont les libertés qui le sont. Alors, comment expliquer cette agitation  orchestrée régulièrement par des groupes agressifs et remplis de haine? La raison en est que les salafistes, (et seulement eux j'espère, mais il y a vraisemblablement aussi des ennemis de la Révolution qui les aident à s'organiser et à attaquer en toute impunité ) instrumentalisent la religion pour pouvoir remettre en question les libertés fondamentales et opprimer la femme qu'ils détestent. Oui, il y a en ces hommes une haine de la femme qui les poussera peut-être un jour à vouloir éliminer celle-ci de la terre (cette élimination a déjà commencé dans certains pays dans lesquels les parents peuvent choisir le sexe de leur enfant, en Chine et en Inde, des villages entiers n'ont que des hommes en âge de se marier, et ceux-ci ne peuvent pas trouver de partenaire femme car il n'y en a pas). Et qu'arrivera-t-il alors dans un monde où il n'y aurait partout que des hommes, rien que des hommes barbus portant des robes? Car n'est-ce pas cela que les salafistes souhaitent au fond? Et est-ce que c'est en agissant ainsi qu'ils pensent pouvoir accéder au paradis, alors que toute personne les regardant manifester dans les rues le vendredi ne peut qu'être choquée par leur violence et leur aspect physique effrayant? L'image qu'ils donnent de la religion musulmane est terrifiante. Si nous, adultes, savons que l'Islam n'est ni violence ni haine, les enfants, qui sont encore en train de se construire et de faire la connaissance du monde, risquent fort d'être traumatisés à vie, car ils ne le savent pas, eux."

mardi 11 octobre 2011

Démocrates de tous bords ! Rassemblement !



Je vote PDM, c’est sûr. J’aime la voix du Pôle même si je ne me considère pas de gauche dans l’acception vieillotte de cette orientation. Pas de droite, cela va de soi, cela ne se pourrait. D’aucune façon. Même si certaines économies libérales me semblent aujourd’hui incontournables. En réalité, et pour ma part, il y a la gêne de cette dichotomie qui me semble désuète, trop définitive. Le monde bouge, les interférences sont là, l’économique a ses exigences, les murs de séparation définitive tombent d’eux-mêmes face aux impératifs socio-économiques d’où une préférence certaine de termes plus flexibles et moins coupants : progressisme ou encore et, en dépit des ricanements, altermondialisme.
Je suis pour la dignité de l’Homme dans le travail, l’assurance-maladie. Pour l’équilibre des régions. Pour le modernisme social dans tous les aspects de la vie. Pour un système éducatif affranchi de toute idéologie dont l’objectif premier et final est l’orientation de l’apprenant vers le domaine de sa compétence afin d’abolir l’échec. Pour le travail dynamique et la recherche permanente de moyens à même de réduire sinon de résorber le plus possible les obstacles sociaux.
Pour relever le niveau de l’Homme socialement et intellectuellement où qu’il soit et casser ainsi la centralisation.
Il me semble que le progressisme est là, la démocratie est là, le respect de la personne humaine et le projet de la porter haut. J’aurais pu regarder du côté du PDP. Je l’ai fait à un moment. ANC a des accents de vérité quand il s’exprime, de la clarté dans l’exposé, une honnêteté probable. C’est le ton péremptoire de certains de ses sympathisants qui m’en dissuada, un air d’Rcdéistes, de l’arrogance frivole et un manque de teneur intellectuelle. Je ne généralise pas mais ils sont légion. J’ai fait, de loin, allégeance à l’homme MBJ sur ma route et mes pérégrinations jusqu’aux récents atermoiements : censure, contrôle parental, composer avec les Nahdaouis, exclure…Un jeu de séduction-rejet d’accointance politicienne déplaisant pour les soucieux de clarté et de transparence. Même si cela peut se comprendre...si l’objectif est de limiter les dégâts…Doutes, à vrai dire. Et puis, on ne déroge pas aux principes fondateurs. Il y va de son équilibre et de ses convictions profondes.
Le PDM est honnête, il n’a pas de leader mais des idées. C’est avant-gardiste, résolument tourné vers l’avenir, moderne. Point fort pour nombreuses personnes parmi nous, affranchissement réel et entente tacite entre sympathisants du même bord intellectuel. Peut-être trop moderne pour ceux qui restent dans la spiritualité du Guide. Autre point fort du PDM : son programme social et économique. L’embryon du Pôle : quatre ou cinq noms, des personnages du paysage politique connus par leur intégrité, leurs valeurs, leurs convictions, leur inaliénabilité anté et post 14 janvier.
Je vote PDM en espérant fortement une coalition de tous les démocrates car l’heure est au rendez-vous des éclairés, des progressistes. Les têtes pensantes des différents partis démocratiques le savent, une union est urgente, une alliance contre-nature décrédibilise et son prix sera cher payé sur la durée. De même et pour décocher, ne prêtons pas l’oreille chez les Pdpéistes, les Takkatoliens aux petits parmi nous – les démocrates s’entend – qui rêvent, comme d’autres avant eux, d’ascension personnelle et des feux de la rampe. La Tunisie d’abord : l’Histoire ne se répète pas souvent, pas à l’identique. Sinon ce sera dans un paquet de siècles.           

dimanche 9 octobre 2011

Appel de Saloua Ayachi, enseignante et militante démocrate.


Chers concitoyens,

L'heure n'est plus à l'adversité, mais à la coalition. Le temps presse et l'échéance du 23 octobre 2011 approche à grands pas. Que cherchons-nous d'autre pour notre pays qu'un avenir radieux? N'aspirons-nous pas tous à une légitimité d'un Etat fort, à une stabilité des institutions,
 à une expansion de l'économie, à une résorption maximale du chômage, à un renforcement de nos systèmes éducatif et de santé selon des normes internationales, à la répartition des richesses nationales de façon égalitaire sur toutes les régions du pays? Est-il nécessaire de rappeler que nous sommes tous convaincus de la nécessité absolue de préserver aussi bien les libertés individuelles, que la liberté d'expression et de création et la liberté de conscience, de garantir la dignité de chacun, cette dignité tant revendiquée par les tunisiens et pour laquelle le sang de nos martyrs a coulé? N'avons-nous pas un attachement indéfectible aux principes de justice et d'égalité entre tous nos compatriotes indépendamment de leur âge, de leur sexe, de leur couleur, de leur foi et de leur origine sociale ou régionale?

Si nous, démocrates, partageons toutes ces valeurs, quel intérêt avons-nous à continuer à nous battre séparément pour les législatives? Personne ne tirera profit de l'émiettement des voix qui nous seront accordées! Notre intérêt stratégique à tous est d'adopter ensemble une plateforme commune en vu d'une coalition? Qu'est-ce qui empêche Ettakatol, Afak Tounes, le PDP, Le PDM et d'autres formations qui oeuvrent pour la concrétisation des principes cités ci-dessus à se regrouper pour bâtir un mur solide au nom de la Tunisie de demain? Un tel front des forces démocratiques ne sera-t-il pas une garantie supplémentaire pour une Tunisie de dialogue, de tolérance, de paix, de progrès!
Pensons à l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants!
Soyons pragmatiques!
Unissons nos forces pour le triomphe des valeurs universelles.

Déprime du dimanche dites-vous ?



 Tous les dimanches de la vie ne se ressemblent pas, fort heureusement. Mia a toujours été libre. C’est un héritage paternel : « Ne te laisse commander par personne ! Sois femme, intelligente et libre et surtout pas une femmelette ! ».
Et cela fut ainsi. Aucun tuteur, ni frère, ni mari et certainement pas l’épicier du coin. La liberté a en elle un dosage de responsabilité qui lui est équivalent et quand on a été portée si haut par son géniteur, on refuse de descendre : toucher les étoiles a quelque chose d’infiniment grisant.
Mia a le coup de barre du dimanche soir. Ce n’est pas la semaine qui vient qui lui fait peur, elle trouve son être et sa réalisation dans le travail et dans le don de soi. Elle donne quatre jours par semaine, de l’ordre, de l’organisation, de la méthode, du savoir et du savoir-faire, des connaissances. Un travail minutieux, de fourmi, au quotidien, à poser des strates une à une, à structurer les êtres aussi.
Persepolis, une projection d’il y a une dizaine d’années, des adolescents et des adultes étaient venus de toutes parts. Une BD adaptée au cinéma, un franc succès. La répression ça ne plaît à personne. L’endoctrinement et la pensée unique, l’horreur pour tous. L’obligation de se vêtir ainsi, de faire cela, de ne pas faire ceci : la perte de sa liberté est un trauma indépassable pour certains sauf militantisme quel qu’en soit le prix.
Mia entend dire que ce matin, des salafistes auraient tenté de porter atteinte à Nessma TV après projection du ledit film.
Salafistes ? Des barbus, enturbannés, portant djellabas et babouches, sacs tissu en bandoulière. Non, ce n’est pas une mode quelconque, ce sont des adeptes d’un modèle de vie d’il y a quatorze siècles, des nerveux de surcroît, qui cherchent des noises à ceux qui voient le monde différemment. Ils ont vu Persepolis ? Mais comment cela se fait-il ? Ils ont la télé, les cables, la parabole, les routers, internet et ça rêve d’antan, du 1er siècle de l’Hégire ? Quelle schizophrénie !  
Et puis, Mia se demanda comment ils faisaient avec leur accoutrement sur leurs lieux de travail. A moins que le chômage batte son plein et là, selon elle, c’est à l’économique de s’assumer et d’inscrire les oisifs dans le créneau professionnel. Elle se dit que Bouddha, le Temple du soleil et d’autres recrutent à tour de bras chez les inoccupés.
Je soutiens Nessma, se dit Mia, non que la chaîne lui plaise particulièrement mais par conviction intime : NON à la censure.
Qu’arrive-t-il à mon pays ? s’interrogea Mia. On attaque une salle de cinéma suite à une projection, on squatte l’avenue H.Bourguiba pour une prière collective à même le sol, au milieu de la chaussée, les mosquées sont prises d’assaut par des propagandistes sur le modèle des Rcédéistes, un « Emir » des croyants s’installe dans le Sud et s’entoure d’acolytes, on viole l’inviolabilité des universités à Sousse, des « choses » circulent en burqa dans les centres commerciaux – burqa est-ce un mot arabe déjà ? -, on s’apprête à attaquer une TV, dans le Sud, des barbus donnent la bonne parole et assurent que les voleurs décrochent dès qu’ils leur parlent…Bref, on n’est pas loin de baiser la bague épiscopale, d’être bénis par la baraka de ces proches de Dieu.
Qu’est-ce que cette ignorance, cette barbarie, ce délire de frustrés ? Qu’est-ce que ce retour en arrière, cette atemporalité, cette bouffée schizophrénique ?
Bourguiba né en 1903 a poursuivi des études en France, plus tard il sera avocat et libérateur de la Tunisie avec d’autres, Tawhida Ben Cheikh fut première femme médecin au début XXème, Messaadi écrivain émérite et philosophe camusien et d’autres et d’autres et d’autres. La Tunisie a un-je-ne-sais-quoi qui la fait briller au firmament, nos hommes politiques – en tout cas certains – ont de l’envergure, notre théâtre est de qualité, notre cinéma n’a rien de comparable avec Bollywood ou le cinéma arabe à l’eau de rose. De grands noms tunisiens brillent à travers le monde de par leurs compétences. Nous avons des agents municipaux, des manœuvriers, des journaliers qui triment honnêtement, qui se mouillent la chemise dans la dignité pour gagner leur vie. Admirable Tunisie et ce n’est pas de la vaine autosatisfaction. Il est vrai que Mia est une positive mais il est vrai aussi que son pays ne manque pas de femmes et d’hommes au large potentiel. La révolution du 14 a été belle, rapide, ciblée, efficace. Mia rêve de liberté comme nombre de ses compatriotes, de construction, de modernité et de place de choix sur l’échiquier du monde. Il faudra à l’économique qu’il retrousse ses manches, qu’il se charge de ces égarés oisifs, qu’il en assume la responsabilité, qu’il les enrôle dans le processus économique et le créneau horaire 8h-12h, 14h-18h, qu’il leur garantisse pain, dignité et expression libre et respectueuse d’autrui. Les récalcitrants auront à payer de leurs actes. Les cas pathologiques reconstitueront leur monde dans l’intimité de leurs demeures privées et banniront la télé. A un moment, il faut savoir être conséquent. Car ce qui prime c’est d’abord le respect de l’autre et de sa différence. Car ce qui urge, c’est une solution au chômage. Car ce qui prévaut aujourd’hui, c’est la réussite de la transition. Car l’important dans les prochains jours, c’est le choix d’un bulletin de vote honnête, respectueux de tous, donc démocratique, qui sera tenu de respecter son programme et d’assurer la liberté de chacun. Mia le sait et le dit tout haut, le criera le cas échéant, le 24 si notre liberté est bradée et bien ce sera la responsabilité des pseudo-démocrates qui jouent leur nom, visent le pouvoir et le couronnement, particulièrement Ettakatol et le PDP. Pour Mia, la déprime du dimanche est déjà derrière et jeudi prochain après le travail, elle ira vers ses concitoyens, femmes, hommes et jeunes de tous bords, couverts ou découverts leur expliquer avec des mots de tous les jours que la liberté ne se brade pas.  

mardi 4 octobre 2011

Ghan-Mou, ou le choix de la politique du look.



Ceci est une satire.
Il apparaît que dans les partis de Dieu, on pratique la discrimination. Jugez de vous-même.
Ghannouchi qui ignore que les dentistes existent, qui n’aime pas se faire beau même si, récemment, et communication oblige, il opta pour un costard blanc et une chemise noire assez larges sur lui et qui lui donnèrent un petit air Gaddafi, Ghannouchi donc n’a aucune chance de plaire aux beaux et encore moins aux belles. Oui, les belles qui regardent et vous jaugent un homme. Ghannouchi est très vieux jeu, ses années en Angleterre ne lui ont aucunement servi sur le plan vestimentaire, sur d’autres sûrement. Il n’a aucune élégance et quand il vous fait un sourire, aussi pieux soit-il, et bien, Rien, le monsieur est laid d’où le problème dont je m’en vais vous faire part dans un petit instant. Mourou, lui, est beau, élégant, soucieux de sa personne et de sa ligne, aimant la soie du vêtement traditionnel mais aussi le costard-cravate gris anthracite typique des grands ministres, maniant le verbe, osant la boutade, damant le pion à ses interlocuteurs à coup de vannes. Le monsieur a de l’humour, du charme et il sait en user. Autant le premier est fruste dans ses manières, autant le deuxième la ramène classe et bourgeoisie religieuse. Un mariage entre ces deux là ? Autant unir Mère Térésa et Pic de la Mirandole. Mourou la ramène aristo, Ghannou homme du peuple, le divorce est inéluctable. Ghannouchi ne cessera de vouloir ramener son pote à la base. Mourou continuera à parler de leur amitié. Il s’agit de divorcer dans la piété. En réalité, ce n’est même pas un divorce, c’est juste un éloignement dicté par deux looks différents, des sympathisants de conditions différentes, deux parlers incomparables, de futurs adeptes aux goûts aux antipodes. Il est même question d’un nouveau statu quo géographique de la Tunisie. Ghannouchi aura la main haute sur les quartiers pauvres de Tunis, les bidonvilles, les zones défavorisées. Mourou, la banlieue chic, le vieux Tunis, les grandes villes. Le cheikh, le professeur. L’un croise ses bras sur son ventre, traîne un accent provincial, est mal fagoté. L’autre enveloppé de « stekrouda » ( soie sauvage utilisée dans la confection artisanale des djellabas ), la voix tonitruante prêche et racole à tout venant avec son arme de toujours, l’humour. A la Maaarsa ( il faut tirer un peu sur le « a » ), c’est clair, beaucoup de visages positifs soutiennent le professeur, il répond aux critères de base : la jebba de soie, la « bed’iya »…Le professeur sait porter le vêtement traditionnel, c’est important politiquement. Le cheikh est pauvre, humble, il n’a jamais été chez le dentiste, c’est important économiquement.
Sachez que vous aurez deux publics pieux. Un pieux riche et un pieux pauvre. Voilà, pour ceux qui hésitent, on a voulu apporter de l’aide. C’est important les fringues, le look, le charme, c’est tout l’avenir de la Tunisie. Bonne chance pour le positionnement.
La soie ou le dentiste ? Les femmes, elles, n’auront pas besoin de sourire. Elles ferment leur clapet de toute façon. Le voile ou la burqa. C’est décisif, citoyens.

mardi 27 septembre 2011

Une étoile est née !


Samedi 10 heures, direction le Palais des Congrès, nous avons convaincu un ami de longue date, penseur et auteur, homme de grande qualité intellectuelle mais désabusé par le politique et presque dans l’indifférence consciemment coupable, d’aller voir du côté du Pôle.
Pourquoi justement ne pas être curieux de ceux qui ont choisi de garantir les chances démocratiques de la Tunisie ?
L’intérêt premier du Pôle est le dépassement du  petit moi, le chef, le militant de 50 ans, la tête à couronner. En effet, au Pôle, il n’y a pas de figure emblématique, de chef incontesté, pas besoin de consacrer une carrière, pas de Sacre, Louis XIV est loin derrière.
De toute façon, nous en avons fini avec les dieux vivants et puis ce sont des pratiques laissées pour les partis de Dieu, un faire politicard, blasphématoire par ailleurs. S’en méfier est un petit mot.
Notre ami est avec nous, il pénètre dans la salle avec une certaine lassitude et un petit air de «  je leur laisse leur révolution » pour en sortir avec des étoiles dans les yeux et un regain de ses convictions politiques profondes.
Le Pôle est un regroupement de quatre partis politiques démocratiques et modernistes, des indépendants, tous unis par la même ferme volonté d’instaurer en Tunisie une démocratie réelle qui garantira l’alternance du pouvoir, la séparation des pouvoirs, qui consolidera les acquis modernistes, garantira les libertés, le rejet de toute forme d’intolérance et de discrimination et j’en passe.
Un moment fort d’exaltation, les belles idées sont immortelles. Elles ont pour elles le mérite de raviver les ardeurs, de ressusciter les convictions qui ternissent avec le gel et l’inertie.
Le Pôle, une étoile blanche sans prétention mais une vraie volonté de mener le pays vers la modernité, d’écrire une constitution nouvelle à l’encre de la liberté.
Un Riad Ben Fadhl, touchant d’humilité et de présence discrètement forte, mon Maître Ahmed Brahim – décidément, on ne peut s’empêcher d’être esclave quelquefois ! Attention, concession faite au domaine de l’enseignement – qui sut contrairement à d’autres se fondre dans le Pôle, faire don de sa personne car la priorité est à la Tunisie. Sana Ben Achour dont l’intervention nous éclaira sur le programme unifié du Pôle, Sana Ben Achour qui s’inscrit en femme de droit dans la modernité intellectuelle résolue loin de toute attache handicapante. Les gens du Sud, tête de listes et colistiers et un projet de modernisation de ces zones arides, souvent, sur bien des plans, une conscience de la difficulté du terrain et une présence féminine admirablement digne, avec voile, sans voile, tant la chose est un détail insignifiant politiquement, sur le terrain, sur le fait du service social et politique.  Le voile, un choix personnel, intimement intime,  bien achalandé chez d’autres motivés par le gain facile.
Le Palais des Congrès, ce samedi, a été un véritable espace politique sans discordance aucune, une intelligence tacite entre les assistants et un bonheur intellectuel que ne peuvent donner que les grandes idées.
Les interventions des Pôlistes s’adressent à l’intelligence de l’assistance, à leur sens du devoir politique et non à leurs complexes, leur misère et leur sentiment de culpabilité possible. Les hommes sont des êtres pensants et agissants et non des pathologies à manipuler. Place nette au sensationnel !
Le parterre de ce samedi était uni par des idéaux indémodables, des valeurs incontestées : travail, dignité, justice, parité, équilibre régional, respect de l’autre, séparation du politique et du religieux.
Si d’aucuns rêvent aujourd’hui de faire de la politique sur la base du religieux, sur l’endormissement des masses, au Pôle, les choses se font à l’autre sortie du couloir, vers la lumière et la conscience du sociétal et du politique.
Notre ami s’était revigoré, il est encore possible de rêver d’une vie meilleure, de voir peut-être ses idées enfin aboutir : le respect de l’autre, la dignité du travail, la liberté d’être et de penser comme on veut, où on veut et au moment décidé.
Décidément le Pôle nous intéresse !

lundi 19 septembre 2011

Histoire et historicité


Début 20ème, dans une petite ville sans prétention du Sahel tunisien naquit un homme qui aura un destin sans précédent. Un homme issu d’une famille modeste, le dernier-né d’une nichée de huit enfants. Son parcours scolaire et universitaire n’est pas des moindres, particulièrement en ces temps reculés : Sadiki, Carnot, La Sorbonne. Puis la rencontre d’une dame qui dut beaucoup compter dans la sculpture du personnage. De ce Monsieur, on parle et on continue à parler, longtemps probablement car une nation qui oublie ses hommes et femmes d’exception n’est pas dignes d’eux. Sa mémoire courte lui rendra ardue la tâche d’aller de l’avant. Les femmes et les hommes de ma génération n’avaient pas la maturité requise pour l’apprécier en son temps, nous l’avions plus connu sur le tard quand il prit de l’âge et que l’âge et l’entourage véreux firent de lui une marionnette. En réalité, le mot « marionnette » sitôt écrit semble pesant, non qu’il soit inadapté, mais en égard au personnage et à son avant-gardisme. Et puis le temps patine les êtres et surtout les êtres d’exception au regard de leur parcours, de leurs réalisations et en comparaison avec les « petits », les creux, les sans-envergure, les populistes qui se construisent sur la misère du peuple, ses carences, ses nœuds, ses frustrations, sa rancœur justifiée tel l’inSupportable « Mousemeh Kérim ». Mais le peuple n’est pas à blâmer, car le peuple est le Peuple, la base, le ciment, le bras besogneux d’une nation. Le peuple n’est pas à blâmer, le politique OUI. Jusqu’où un programme politique a-t-il voulu élever un peuple, le porter et le porter haut économiquement, socialement et intellectuellement ?
Oui Bourguiba a été un grand homme, un homme d’envergure avec un vrai projet et un modernisme avéré. Nous ne connûmes pas, nous, son heure de gloire, nous sommes nés bien après l’Indépendance et nous ne vécûmes pas l’épopée bourguibienne de la libération. Même que très jeunes adolescents, on dénigrait fort tous ceux qui fricotaient avec le PSD.
D’abord en réaction et par opposition avec beaucoup de nos parents et aussi parce que la corruption du parti se faisait sentir fortement, le leader vieillissait et même ceux qui vénéraient Bourguiba n’étaient pas très contents de la tournure des évènements, souhaitaient souvent le voir suivre les pas de Léopold Sedar Senghor et céder le pouvoir de son vivant. Que BCE l’évoque aujourd’hui est tout d’abord une preuve manifeste de sa reconnaissance du Maître, du leader, un respect de l’Histoire du pays et un rappel de l’avant-gardisme et du modernisme de Bourguiba mis à part son patriotisme, son œuvre incontestée dans la libération du pays et son honnêteté d’homme.
Bourguiba a été un grand avec tous les travers que cela implique dans précisément sa condition d’homme et, assurément plus, d’homme politique. Un égo surdimensionné, un amour possessif de la patrie, une difficulté à accepter le passage du temps, l’oubli…un refus de reconnaître l’implication historique des autres dans le processus de libération, une accaparation du pouvoir…Sauf qu’aujourd’hui, avec le recul, on peut considérer que l’Histoire, l’époque autorisaient quelque peu ces travers, ce culte de la praxis politique d’alors payée au prix de sacrifices, menée sur fond de convictions réelles et d’honnêteté patriotique.
Pourquoi écrire sur Bourguiba, précisément aujourd’hui ?
Pour, tout d’abord, expliquer la hauteur que les jeunes des années 80 avaient vis-à-vis du Monsieur, le mépris du PSD même si de nombreuses personnes dissociaient l’homme du parti au vu de la corruption de ce dernier, dans le sens où le respect du père demeurait plutôt intact et où l’on attribuait « La caravane qui passe », les bus de l’Union des Femmes et autres perles du même mauvais goût plutôt aux « remueurs » du parti complètement méprisés.
Bourguiba était le père certes respecté mais duquel il fallait s’éloigner – comme quand on s’éloigne de nos géniteurs -  pour se construire, lassés de son discours et de son histoire qui n’était pas la nôtre et, dont nous n’avions pas connu l’exaltation. Bref, question de générations tout simplement.
Et puis écrire, sur Bourguiba, aujourd’hui, parce que c’est un peu l’heure du retour vers le père après l’impérieuse construction personnelle, la distanciation obligée, parce qu’il n’est plus là et que le temps nous le donne à voir dans sa valeur historique. Non que l’on veuille revivre son temps – on ne refait pas l’Histoire, en tout cas pas à l’identique - , non que l’on ait les réponses, ni les excuses à son œuvre incomplète, par endroits, mais parce que l’heure nous met d’emblée dans l’évocation d’un passé glorieux et dans le comparatif vis-à-vis de l’événementiel du moment et des voix politicardes tonitruantes du jour.
Nous sommes un peu – un peu beaucoup ? – dans la situation des lendemains de gloire forcément décevants, un peu dans la situation du discrédit de soi, du désenchantement. Le retour vers la gloire est donc un besoin, une nécessité pour de nouveau croire en soi. Un classique en fait et c’est ainsi que l’on constate dans l’histoire littéraire un peu avant la fin de la 2ème Guerre mondiale un retour vers le mythe, sa réécriture : Antigone , Caligula et d’autres auxquels se sont attelés Anouilh, Camus, Giraudoux…
Pour nous, ce sera Bourguiba mais aussi d’autres dans des domaines différents, Haddad, par exemple, que le premier Président de la République saura faire valoir en politique, ce qui est en soi l’intelligence du faire politique : la mise en pratique des idées des penseurs, des écrivains et des intellectuels. Aujourd’hui, nous sommes loin de cette époque de construction vraie, de sentiments authentiques. On peut arguer que le recul historique n’a pas pu avoir lieu, que nous sommes en plein dans la mouvance, l’action, que sur le moment la noblesse de la praxis ne peut être visible.
Sémantique que tout cela semble-t-il. Quelle noblesse peut-on trouver dans le discours de R.Ghannouchi ? Quelle clairvoyance politique ? Quel projet et quelle grandeur politique ? On n’osera avancer la notion de modernité. Un cheikh à l’heure on l’on parle de président. Des comparaisons dignes des armoires de nos grands-mères aux senteurs coing-citron – « L’Islam n’est pas un sefsari de soie pour qu’on le range au placard », dixit « notre » cheikh, l’Islam religion du pays dont il fait sa propriété privée pour atteindre le pouvoir. Des « boulettes » aux pauvres qu’il gagne à empêtrer dans le populisme et l’ignorance, mariages en série, calèches aux couleurs locales et, imaginaire oblige, poissons pendants et autres amulettes anti-mauvaix œil. On n’est pas loin de l’Inde carte postale c'est-à-dire aux antipodes des bâtisseurs de la Tunisie moderne qui avaient en horreur l’inerte, qui étaient déterminés, en prime politiquement, à bouleverser les choses et ce geste-culte, pour nombreux Tunisiens, de Bourguiba ôtant le voile à des femmes sous verrous.
Les adeptes féminines de R.Ghannouchi font aussi dans l’humour-femmelette, sur estrade, et Ô sacrilège sous couvert de démocratie !
Quel rapport chères « sœurs » entre votre condition de femmes pro-polygamie, pro deuxième être, adepte de la femme tentation et la démocratie, la liberté d’expression, l’intransigible  parité, le respect de l’autre mon égal et dont je suis l’égale tout naturellement ? « Dans mon action politique, pourquoi vais-je m’empêtrer de voilage – et non plus de voile – à table, avec mes collègues hommes, pourquoi ce distingo de sexe là-même où je suis une personne indifférenciée moi qui suis de la même religion et culture que toi ? » dira une femme libre tout en ajoutant que libre ne signifie pas dévergondée.
C’est là où l’on est nostalgique de la pensée bourguibienne, de celle de nos pères qui nous poussaient haut et fort vers l’émancipation et la responsabilité. De quelle oreille aujourd’hui, pourrions-nous entendre le populisme de l’extrême droite ? Quel regard adopter au vu de la démarche d’appauvrissement intellectuel des masses adoptée par Ennahda ? Un parti qui se base sur la même « doctrine » populiste que certaines chaînes de TV par ailleurs amies, qui engrange à base d’ignorance, de misère, de culpabilité et de sensationnel. Non, le Tunisien mérite bien mieux que cela, il vaut mieux que cela, il doit pouvoir aller de l’avant et jouir d’une vie de meilleure qualité. Laissons libre le champ cultuel, ne mélangeons pas spiritualité et impératifs socio-économiques. L’Homme trouve seul le chemin de Dieu, s’y met et l’adapte à ses attentes, c’est une relation on ne peut plus intime, nul besoin d’intrus dans le domaine privé. Par contre, l’Homme en général et, pour notre part, le Tunisien en particulier a droit à une dignité sociale, professionnelle, intellectuelle. C’est le bien-être, le bien-vivre, le savoir-penser. Arrêtons donc de l’utiliser en bonne pâte en jouant de ses faiblesses, de ses lacunes et de l’absence de l’égalité des chances au départ de sa vie.
Bourguiba a eu l’honnêteté de ne pas le faire, il a eu le mérite d’aimer son pays et ses compatriotes, de vouloir les porter haut, par l’école et le savoir, par l’implication de la femme dans le processus économique, par l’effacement du legs de l’ignorance, de la superstition et de  la pensée inerte. La politique politicienne, les intérêts des uns et des autres, le désir d’hégémonie régionale, la vieillesse du leader, la corruption du parti, la gangrène administrative, le silence des intellectuels, leur absence, leur bâillonnement ( ? )  ont fait que les choses n’évoluent pas dans le sens du projet moderne et moderniste du départ.
Aujourd’hui, il y a la volonté de conduire ce projet à bon port avec des hommes et des femmes propres intellectuellement, déterminés politiquement qui n’auront de cesse d’introduire le pays dans le cercle des grands. Et pourquoi pas ? Des effluves de gloire dès à présent. 

jeudi 1 septembre 2011

Une révolution est une libération


Une révolution est libération, bonheur fulgurant mais aussi trauma comme tout changement fort, angoisse des lendemains qui déchantent, désillusions souvent…La révolution tunisienne a été d’une beauté rare, d’une force rare. Sa facture en pertes humaines n’a pas été très lourde même si une seule victime est, à elle seule, une perte considérable. Mourir pour des idées, par espoir de changement, mourir pour les autres est fort mais c’est quand même mourir.
La révolution tunisienne donne à rêver, laisse entrevoir le scintillement de la démocratie, du droit, elle gomme des décennies de propagande partisane grossière « size stupides obligés », « stupides à vie ». Elle éloigne des slogans creux et vulgaires consommés sur 23 ans - 50 pour d’autres – type «  Farhat chebeb Tounès », littéralement « Bonheur de la jeunesse tunisienne », le plus hilarant de tous, tout un concept de RIEN. Un soulagement, à ne pas douter, que la révolution tunisienne. Une fierté que ses répercussions sur le reste du monde arabe, mais aussi une attention et une angoisse quelquefois paralysantes, une praxis fébrile aussi, par moments, de cette fébrilité de la peur d’accoucher d’un avorton.
D’un avorton…
La révolution doit être une porte ouverte sur un monde nouveau, un monde rêvé…Or, depuis quelques mois notre esprit est inquiet, dérouté, il tourne en rond. Le rêve risque-t-il de tourner au cauchemar ? La liberté tellement désirée est-elle de nouveau la cible des esprits étroits ? La pensée unique gagne-t-elle de nouveau du terrain ? Le pays se complait-il dans le laisser-aller ? L’hygiène a-t-elle des chances de s’installer durablement chez nous ? Le Tunisien va-t-il se ressaisir ? Devrions-nous, nous, les femmes, accepter que certains mâles poilus revoient notre parcours, décident de notre vie au quotidien, parlent de nous en tuteurs autoproclamés nous regardant en sous-personnes, fragiles, réduites à leurs parties intimes qu’il faut dissimuler et placer dans des contextes appropriés en veillant à en éloigner l’ Homme, être rapidement sensible à la chair et à la tentation ?

Dangers de la pensée unique.

Ces derniers temps, le populisme et le racolage battent leur plein, les mariages en série, les cérémonies de félicitations du baccalauréat, les circoncisions, les discours creux des Islamistes, les vidéos de certains énergumènes décidant du destin professionnel de la femme écœurent au plus haut point. La religion musulmane, qui est avant tout un message de paix, est galvaudée à droite et à gauche par des hommes limités intellectuellement, sans profondeur aucune, dénués de tout bon sens et de tout souci économique, endoctrinés ou visiblement en mal avec eux-mêmes psychologiquement pour des raisons personnels de dénuement, de frustration et de complexes divers. Oui, galvaudé, l‘Islam à des desseins politiques, à des stratégies politiciennes, ces hommes quelque peu simplets - pour certains et à leurs interventions - sont souvent manipulés, exploités dans leur foi et il nous semble impératif pour l’heure de lever le voile sur des pratiques de politiques politiciennes dangereuses et fascisantes.
Qu’est-ce que l’Islam, qui est synonyme de sérénité, a à voir avec ces hommes, avec leurs discours musclés et leurs tons autoritaristes ? Qu’est-ce que l’Islam a à voir avec ces hommes menaçants, ces discours populistes, un panaché de diktats et de paroles doucereuses, de promesses fallacieuses et de dons en nature ? Qu’est-ce que l’Islam a à voir avec ces hurleurs qui mettent le volume au max ?
L’Islam est aux antipodes de ces récupérations politiciennes qui prolifèrent en profitant de la simplicité intellectuelle des bonnes gens, de leur pauvreté et de leurs carences, de leur besoin d’espoirs. Cela s’appelle tromper et mentir, cela s’appelle alimenter la naïveté et l’ignorance, cela s’appelle faire taire et commander. Des calculs politiciens dignes du RCD, on n’est pas loin des caméras qui filment des pauvres gens installés dans pièce unique et salle d’eau, qui se confondent maladroitement en remerciements et en bénédictions du Chef Suprême, du Père donateur, de l’Incontournable, le Seul. De nouveau l’image du « Père Suprême » sauf que celui-là prétend prendre appui sur le divin dont il est le missionnaire, quasiment l’Immaculée conception et obligatoirement le SILENCE.
La révolution du 14 nous a donné le bonheur de la parole libre, du mot percutant, de la répartie affranchie et il est hors de question de mettre cela en péril, la liberté d’expression étant le besoin premier de l’Homme libre.
Le religieux lui est d’un ordre strictement personnel, nous ne sommes jamais autant heureux que dans notre rapport intime et solitaire à Dieu, la religion a le mérite de nous réconcilier avec tout et même avec la mort, et dans ce rapport au divin, il n’y a aucune place aux prêcheurs de propagandes, à la récupération politicienne. Un exemple simplissime : lorsque nous scrutons le ciel, dans un désir de communion avec le divin, un désir suprasensible, la présence d’un tiers coupe l’élan et empêche toute proximité. Oui, dans notre foi, nous avons fortement besoin d’être seuls.
De même, la religion ne doit pas être entachée par les dérives et les vices du pouvoir, parce que le pouvoir est puissance, la puissance est sans limite, et le sans-limite est foncièrement folie. D’où, par ailleurs, l’obligation de l’intermittence du pouvoir et par conséquent de la démocratie.

A vau-l’eau.

D’un autre côté, un autre désappointement, l’état du pays, la notion de travail, de la responsabilité professionnelle, le respect des lois de construction, des lois du code de la route, du respect de l’autre, du respect de la voie publique, la notion de citoyenneté.
Il y a l’impression nette que le pays va à vau l’eau, bien plus qu’une impression pour être réaliste, un constat de chaque instant. Les marchands tout azimut devant chez vous, sur les trottoirs, la voie publique…Les conducteurs et les multiples passe-droits qu’ils s’autorisent…Les administrations désertes…Et la citoyenneté et le civisme dans tout cela ? On argue que toute révolution est suivie de périodes troubles, on en convient, mais n’est-il pas temps en ce milieu de la transition de remettre la pendule à l’heure, de s’astreindre en tout à un comportement respectueux des autres ?
Le Tunisien a souvent bien fait les choses, il a cette belle spécificité d’avoir un pied en Orient et un autre en Occident, positionnement géographique heureux, la Tunisie est ouverte sur les autres, terre d’accueil et de mélange depuis des millénaires, des Berbères, des Phéniciens, des Romains, des Byzantins, des Arabes, des Maures, des Ottomans, des Européens…un mélange qui a gardé ses traces positives en nous. Le Tunisien a de tout temps été accueillant, ouvert, curieux de l’autre, de cette belle curiosité qui consiste à vouloir comprendre l’autre et non l’espionner par le trou de la serrure. Différence s’il vous plaît.
Qu’on ne vienne pas, aujourd’hui, nous faire miroiter une vision monochrome et monotone du pays où on refuse la différence. La Tunisie a souvent eu une ligne assez personnelle et assez libre en tant que pays, c’est ainsi que de la colonisation, qui n’est certes pas la plus belle page de l’histoire du pays, le Tunisien a gardé, entre autres, le parler franco-tunisien ; pour certains, une admiration certaine de l’esprit des Lumières, de la tolérance et de la philosophie…
C’est assurément pour cela que certains pays du monde arabe en ont voulu à la Tunisie de tant de ligne personnelle, de liberté d’être et de penser. Ils en ont voulu à Bourguiba de son avant-gardisme, de son insolence de ton et de sa modernité. La Tunisie pour eux n’a rien à voir avec le monde arabe, c’est comme s’ils étaient propriétaires de la clé principale de l’arabité et du mode arabe. Il n’y a qu’à se rappeler la réaction de l’Egypte quand le siège de la ligue arabe fut déplacé du Caire à Tunis en 79-80 (   bien entendu, il y avait d’autres raisons  ).
Certains vont jusqu’à parler aujourd’hui d’un complet wahhabite et qatari contre la Tunisie. Rien n’est prouvé et il est hors de question de tomber dans des spéculations de bas étage.
Ceci dit, la haine que voue la fameuse chaîne ElJazira à la Tunisie, son dédain et ses nombreuses désinformations sur le pays avant la révolution, durant la révolution et encore aujourd’hui donnent à réfléchir, inquiètent, exaspèrent et enfin poussent à contrer en dénonçant ouvertement cette campagne contre nous, car il s’agit d’une campagne contre nous et non pas uniquement contre Ben Ali comme ils l’avancent et puis Ben Ali est l’affaire des Tunisiens, du droit tunisien, de la conscience politique des masses. Non donc à l’ingérence et aux dollars glissés ça et là, plutôt à droite d’ailleurs.

La femme encore et toujours.

Non, donc, à l’ingérence, non à gommer l’identité tunisienne, à l’uniformiser, à en faire  un-je-ne-sais-quoi sans valeur ajoutée, personnelle. Le Tunisien se doit d’être vigilant, il ne doit pas baisser la garde, il doit veiller à l’équilibre de son pays, il n’a pas d’autre choix que de réussir la transition démocratique. Il doit également aujourd’hui, sous le soleil de plomb du mois de juillet, faire du sur-terrain, sortir de son salon pour aller vers les autres, vers les coins de campagne expliquer aux bonnes gens la nécessité de la vraie démocratie, le danger de ceux qui convoitent leurs voix pour arriver au pouvoir et ensuite, de nouveau, nous imposer le silence. Car nul n’est en droit de nous faite taire.
Les femmes qui sont majoritaires en Tunisie ont du pain sur la planche, les femmes des campagnes, des usines, des villes, des bureaux…toutes doivent comprendre qu’aujourd’hui leurs voix sont cruciales pour leur condition de femme, les études qu’elles ont faites, les responsabilités qu’elles assument, les personnes dont elles sont responsables…Toutes doivent comprendre que leur liberté est menacée, que leurs droits sont dans la ligne de mire, que leur être propre en tant que personne est sur la balance. La femme est une, son histoire est jalonnée d’épisodes malheureux, cela va du refus de sa naissance en tant que femme, à l’obligation de la marier au cousin germain par souci de conserver l’héritage, en passant par la répudiation et autres. Aujourd’hui des voix s’élèvent pour conseiller, sinon décider à la femme de ce que doit être sa tenue vestimentaire, son travail, ses contacts…On parle du rôle de la femme auprès du mari, de son rôle chez lui - la maison de l’époux ! -, de la direction de son regard – le parterre, de préférence – de son rôle de mère…
Nous sommes nombreuses à halluciner. Qui l’eût cru, dans une république, que Bourguiba et d’autres éclairés ont voulu moderne, moderniste, tournée résolument vers l’avant, dans le respect de tous ? Dans toutes les grandes villes de Tunisie, des femmes ont pris le chemin de l’école très tôt, vers le milieu du XXème siècle et bien avant. Certaines ont inscrit leurs noms dans le grand ouvrage de l’Histoire, d’autres ont gardé l’amour des livres et de quelques mots en langue étrangère, certaines encore ont rejoint après une courte scolarisation, les fameuses Dar Maâlma, les fameuses « mederssa » de couture, de broderie, de tissage et autres apprentissages d’antan. Parmi les plus grands conservateurs, les plus grands oulémas de la religion musulmane, certains ont consenti à envoyer leurs filles à l’école en dépit de l’opprobre et des langues déliées. La Tunisie a une belle histoire des femmes, Bourguiba a immortalisé l’émancipation féminine dans ce beau geste d’ôter le voile aux femmes venues l’accueillir en juin 55. Oter le voile, un geste synonyme de libération, de sortie au monde, de liberté, de dépassement de tabous et de complexes millénaires. Ce n’est en rien anti-islamique, l’Islam n’est pas l’Islamisme, l’Islam est religion, besoin de sérénité, souplesse, acceptation de l’autre…L’Islamisme, lui, est folie de pouvoir politique et de domination.
Nous sommes nombreuses à nous sentir très peu concernées par le voile, absolument pas concernées par le voile, en harmonie parfaite avec Dieu – peut-être pas avec les hommes, mais c’est de bien moindre importance. Musulmanes, pratiquantes ou pas d’ailleurs, mais cela est l’affaire de qui au final ? Rassérénées au fin fond de nous-mêmes par une foi inébranlable, un accord avec le Créateur et nous-mêmes, libres du joug des hommes moralement et financièrement, ne consentant à partager la vie que de ceux qui partagent nos idées. Nos mères, souvent, étaient pionnières, elles nous ont balisé à leurs façons le terrain.
Nos pères, souvent, nous ont menées vers le savoir, nous ont portées vers l’apprentissage. Certains nous ont appris la nécessité de nous démettre du carcan du mari, d’échapper à la dépendance financière. On leur voue un culte, on honore leur mémoire et ce n’est pas aujourd’hui qu’on les décevra. Paix à leurs âmes,  ce sont nos seuls tuteurs autorisés, honneur à leur avant-gardisme, à leur confiance en nous, ils nous ont ouvert les portes de la liberté et du savoir, notre volonté et l’école ont sculpté le reste, ont affiné notre regard sur nous-mêmes et sur les autres. Les autres dont on est respectueuses, conciliantes tant que la réciproque est vraie, autrement l’obligation sera de contrer, de se battre, de militer car notre liberté est notre histoire propre et y toucher sera nous atrophier, un geste criminel inadmissible.

Samia Sehili Z.

dimanche 28 août 2011

Mon humanité est ma liberté


Mon humanité est ma liberté.


Il m’a souvent semblé dans ma solitude et dans mes interrogations que le traumatisme de la naissance est responsable, dans la violence de la glissade, d’un oubli profond d’une science préexistante, d’une connaissance de la Vérité, de la Réponse. La solitude a son prix, me diriez-vous. Je vous rassure : c’est la solitude de l’ascèse, sobre et claire et l’entendement y est entier.
Cette Vérité qui part dans la foudre du jet, qui fait demi-tour devant l’étroitesse de la porte de sortie nous revient au moment du Départ, de la Mort. D’où cette durée variable de l’agonie qui est re-connaissance, réminiscence et retrouvailles. Affaire de matrice encore et toujours. Vue personnelle également.

Il y a des moments réels où cette conviction est forte, où l’hypothèse est loin, où les choses semblent si évidentes. C’est affaire de solitude, certes, qu’est-ce que l’esprit ne s’autorise pas, mais c’est aussi affaire d’angoisses, de réflexions, de désir de saisir des explications concrètes, une réponse, mieux La Réponse.

Oui, j’ai souvent l’intime conviction que l’être humain Savait, qu’il a Oublié dans la précipitation et qu’il saura de nouveau au moment du Grand Départ.

Dans sa sortie au monde, son moment zéro hors matrice - bien que d’autres comptent l’âge dès la conception - dans son oubli de la vérité de l’Être, de la clarté métaphysique dont il avait connaissance, l’Homme est fragile, dépendant, inachevé physiquement, à la merci d’autres hommes. C’est là que va commencer son calvaire. Sa dépendance.
Le nourrisson, le bébé, l’enfant, l’adolescent, l’adulte, le quinquagénaire…l’octogénaire, le nonagénaire ( chance ou malchance, c’est selon ! ) et immanquablement la Mort. A chacune de ces étapes de vie, de divers bords, des réponses, des oui et des non – nombreuses ces dernières – des objections, des heurts, des affronts, des échecs, des victoires…L’Homme y perd de sa liberté et c’est une nécessité souvent. Mais qu’il en perde beaucoup ou qu’il la perde, il y a vacuité pour lui et dommages pour les autres.
Qu’en est-il de la liberté dans la vie de l’Homme ? Liberté totale ou liberté dosée ? Jusqu’où est-elle nécessaire ? Dans quel cas, la liberté ne fait-elle pas peur ? A-t-on la légitimité d’entraver les libertés ?
La liberté est inhérente à l’Homme. Quelle que soit la dépendance, elle est de courte durée. Un Rwandais de 5 ans qui a perdu sa famille entière, de toutes parts, lors du génocide, survit et ne meurt pas sauf s’il est tué. La liberté est en l’Homme, dans ses yeux, ses mains, ses envies et ses désirs.
La liberté est très rapidement réduite sinon elle devient danger. Un enfant en bas âge qui se trouve sur un toit en tombe, s’il n’y a pas sur lui le regard vigilant d’un adulte. De même, si l’attention des autres vient à manquer, il peut mettre dans sa bouche un champignon vénéneux. Etre dépendant d’un tiers, dans ses cas-là, rapetisse le champ d’action et c’est heureux.
La liberté est vie. Elle nous autorise la connaissance, la compréhension. Elle est élan, avancée, expérimentation et expérience, départ renouvelé. Il est inconcevable de s’en passer sous peine de vide, de néant, d’absence. La liberté est à la base des réalisations humaines, de la science de l’Homme et ce, dans les deux acceptions du mot.
La liberté permet la connaissance, la connaissance permet la mainmise de l’Homme sur ce qui le dépasse, la mainmise de l’Homme l’oblige à s’adapter. Dans mon ignorance des dangers du feu, je tends ma main, elle brûle, j’apprends à ne plus le faire et je me réchauffe à la bonne distance. La connaissance, l’expérience et le savoir réduisent les risques inhérents à la liberté.
Ma liberté est précieuse, je l’ai connue dans les flancs de ma mère, du temps où je nageais dans le liquide de vie, j’en ai perdu pas mal dans l’oubli de la Vérité, j’en cède tous les jours dans l’apprentissage de la vie. Ce qu’il m’en reste est coûteux, il me permet d’avancer, de désirer, de faire et de créer. Son prix est le prix de la vie.
Qui donc a le droit de l’entraver ? Qui donc se donne le droit de l’entraver ? Qui a la légitimité de toucher aux libertés ? Mise à part notre volonté d’Hommes libres.
Le besoin de liberté est synonyme de vie dans le sens où l’intérêt de la vie réside dans le Faire, où la valeur humaine est, d’abord et avant tout, réalisations et produits ( dans le sens de créations ). Sans liberté l’Homme n’est rien, ne fait rien. Il est dans l’attente de sa mort tel un ver de terre. Mon humanité est ma liberté et ma liberté est mon intelligence. ( Gare à qui s’y frotte. )
Samia Sehili Z.