16h, direction Sidi Bou Saïd, la salle multisport, les Pôlistes ou les Kotbeing comme j’aime à nous appeler ont été formidables. De l’adrénaline pure et un hymne fort, œuvre de Mohamed Ghaddab. La salle a vibré malgré une sono capricieuse. Les sympathisants du Pôle, en dépit de différences sensibles quelquefois, ont en commun le respect de la différence, l’amour de la liberté, des convictions indérogeables : la séparation du politique et du religieux, la nécessité d’une presse libre, de mécanismes démocratiques qui feront partie du fonctionnement politique du pays sur la durée. Le meeting a été rassembleur et le Pôle prouve tous les jours qu’il est possible de travailler ensemble malgré les spécificités de chacun et de regarder globalement dans la même direction. Un mot-phare : la démocratie et les libertés individuelles.
La Tunisie souffle depuis près de 9 mois après un régime benaliste, plutôt stalinien, de 23 ans. Ce qui n’a pas empêché les Tunisiens de faire un travail politique de quasi professionnels. Hier, à Sidi Bou Saïd, à l’entrée ou presque de la salle multisport affrétée pour le meeting du Pôle, un stand d’Ennahda, un autre de Marzouki – il faut convenir qu’ils étaient plutôt voisins ! – chacun y allait à sa vitesse à la vente de t-shirts et de diverses bricoles, sur fond de musique. Le tractage se faisait par un service assez jeune, souriant, politique à souhait dans le sens marketing du mot. Le plus surréaliste chez nos compatriotes les Nahdaouis, c’était Cheikh Limam et ses chants révolutionnaires. S’il n’y a pas récupération, j’opterai pour ma disparition physique. Cheikh Limam chez les Nahdaouis, c’est karl Marx chez Ettahrir !
Petite anecdote à la Marsa qui pourrait s’avérer utile. En plein souk, tractage de tous bords. Le pigeon visé : la ménagère, mère de famille, cheftaine du foyer, au service de tous. Un nez dans les légumes frais, un œil sur le jogging size M pour le petit dernier sur les étalages des fripiers. Chapeau bas à la mère, à la femme d’affaires. Oui, les affaires c’est aussi de se dégotter un jogging pour son enfant à 4 dt au lieu de 40. Des jeunes, des tracts, un bel homme grisonnant menait l’opération, une allure de Richard Geere façon médecin, un échange avec une mère, la quarantaine, des sourires à gogo de toutes parts, un attroupement qui gonfle à chaque passage de mamans dans leurs habitudes du dimanche. Une d’entre elles répond : « Mon mari ira voter pour moi, c’est loin le 23, je ne m’y connais pas, ça ne changera rien de toutes façons, chaque dimanche, je serai là. Il faut baisser les prix, voilà l’important ! »
Le mari, carte-maîtresse de la femme, siège bancaire cité, référence du Moi, carte d’identité les jours heureux. De là à lui attribuer l’exclusivité du vote, il y a là un travail à faire aujourd’hui avant demain. La femme est citoyenne d’abord, femme et mère ensuite. De même, le 23 est là depuis des mois déjà pour celles et ceux que les élections obsèdent, qui en savent l’enjeu. L’économique, Mesdames les Mères, vous qui êtes à la tête de vos familles et bien, l’économique c’est vous qui le ferez avec vos voix, vos choix qui, pour la 1ère fois dans l’Histoire de la Tunisie compteront et seront décisifs. Du travail, du sur-terrain, encore et toujours, pour dire à la femme son poids de citoyenne et de citoyenne libre.
Ahmed Brahim a été mon professeur. Un trait marquant du Monsieur : son indéfectible sourire. Mais aussi ses exigences de pédagogue. A l’oral, il faisait peur à plus d’un ou d’une étudiante. Si sa réputation de gentil et d’avenant n’était plus à faire, sa rigueur et son professionnalisme pointu étaient notoires et ça craignait comme on dit. L’homme A.Brahim : le Sud et ses valeurs, la conscience de la chose réelle et le sens des autres. Tout naturellement à gauche ou par préférence terminologique personnelle, progressiste. Le politique A.Brahim : un parcours de militant aux côtés de feu Mohamed Harmel. Un parcours et une implication sans relâche. L’homme est persévérant. Des sons de cloche ici et là, qu’Ahmed Brahim aurait composé avec le RCD ! Schizophrénie d’un discours calomnieux ! L’homme a toujours revendiqué le droit de chacun à l’exercice du pouvoir, l’alternance de l’exercice politique, la non-accaparation du pouvoir et ceci en plein autoritarisme benaliste, quand ce dernier s’étonnait du simple fait que l’on puisse seulement penser politique. A.Brahim a eu l’idée, très tôt, d’une coalition de tous les partis progressistes, des initiatives citoyennes. Il sait la force qui résulte de l’union, d’instinct me semble-t-il. Il y a de ces choses que l’on sait spontanément par connaissance de l’humain. Et A.Brahim est de ceux-là. Ce n’est pas rien quand on est dans le jeu politique, ça vous donne un humanisme et une communion avec l’autre nécessaires chez ceux qui se sentent de plain-pied dans la chose politique et le service public. Je l’ai déjà écrit, je ne suis pas de gauche dans le sens vieillot des années 60, certainement pas de droite non plus. Il me semble que le clivage gauche-droite est quelque peu désuet aujourd’hui, que personnellement, tout en me sentant proche de l’Homme dans sa réalité réelle, ses besoins matériels quotidiens, son mieux-être social nécessaire, l’égalité des chances au départ de sa vie, sa nécessaire orientation dans le domaine de l’éducation au secteur d’activité de ses compétences…j’opte pour une autre appellation politique : progressisme. Chez mon cher Professeur, j’aime précisément cela : son progressisme et sa modernité avérée.
Heureuse d’avoir pu échanger avec lui au milieu du brouhaha des démocrates heureux que nous sommes.
Merci pour ce témoignage objectif et sincère suite à cette journée festive au nom de la démocratie, de la tolérance et de la modernité. Merci pour ce double hommage, celui, d'une part, pour la femme citoyenne, mère, épouse, amie qui joue un rôle économique incontournable dans le développement du pays et qui est un élément décisif dans ce processus progressiste; celui, d'autre part, pour Ahmed Brahim, homme aux qualités incontestables et militant qui a su fédérer, au nom de la mère patrie, tous les amoureux des valeurs universelles dans une coalition, El Kotb qui, au bout de quelques mois, a réussi à porter haut et fort la voix de plusieurs centaines de milliers de citoyens.
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