Carthage, 26 octobre 21
Cabinet de Coaching psychologique et PNL.
- Je viens vous entretenir de moi. Il était temps. Oui de moi. Je sais, ce n’est pas la première fois, mais j’ai besoin d’une énième récapitulation. Et puis, je vous paye.
Bon, c’était juste pour vous taquiner.
( Regard vide et froid du coach )
- Je me réjouis de ne pas être un juif hassidique. Déjà cela. Je viens de voir un documentaire sur leur vie communautaire, leurs interdits, leurs injonctions, l’impact du trauma de la Seconde Guerre mondiale sur eux, ce qu’ils font subir à leurs mômes en raison de cela, le statut de la femme, celui de ceux, excédés, qui quittent ce drôle de monde, les sanctions qui leur tombent sur la tête … Comment peut-on être si en-dedans sans la moindre distance, le moindre recul, le moindre esprit critique, la moindre remise en question ? Un esprit totalitaire et une absence totale de rationalisme, un ghetto dangereux pour l’équilibre humain.
- Très bien, vous n’êtes pas juif hassidique. C’est déjà cela d’acquis, dit le coach en souriant.
- Ne souriez pas beaucoup Coach, cela agit sur moi.
- Vous savez très bien que ce n’est pas l’objectif. Ce sont juste les relations humaines ordinaires.
( Court silence )
- J’ai vu récemment le témoignage d’un scientifique sur l’existence de Dieu. Évidemment, il faisait la promotion de son bouquin. C’était le but. Mais dans ce qu’il disait, il n’y avait aucun argument, aucun. Et il nous faisait croire que c’était pour ne pas spoiler le contenu - ceci dit le dictionnaire français propose, désormais, divulgâcher à la place de spoiler. Mais j’aime bien cet anglicisme.
( Il sourit en la regardant d’une façon appuyée )
( Aucune réaction de la part du coach )
- Je vous disais que ce scientifique n’avançait rien. C’est quand même bizarre pour un scientifique. Il donne des statistiques sur le pourcentage des scientifiques croyants. L’utilité ? Il est notoire que bon nombre de scientifiques le soient par manque d’imprégnation philosophique ou par manque d’apnée personnelle ou par manque de temps réservé au cassage des dogmes ou par peur … allez savoir !
Mais qu’il sorte affirmer l’existence de Dieu sans rien démontrer est pour le moins peu rigoureux et peu scientifique comme démarche. Qu’en pensez-vous Coach ?
- Je n’en pense rien, je vous écoute vous.
- Oui, vous faites bien. Merci. Je ne suis pas croyant, vous le savez, je suis lucide. Je ne peux croire en ce que mes sens ne captent pas. Il y a des tas de phénomènes dans l’univers que je ne saisis pas ? Et bien soit ! Moi, je fonctionne avec mes moyens, mes sens, ce que mon esprit peut habiller. Cela, c’est pour ce que je possède, ce que je déploie, ce dont je maîtrise le mécanisme. Après, il y a le Dieu des hommes, une belle fabrication, tant qu’il y a de la souplesse. Sauf que les hommes fabriquent, tombent dans le piège et puis, dans l’addiction, partent en surenchères et à partir de là, deviennent difficilement maîtrisables.
Or, si nous remontons aux prémisses, et bien, il n’y a rien de sensé, de rationnel, de logique. Il y a l’anxiété de l’être humain, évidemment. Quelles preuves concrètes avons-nous de l’existence de Dieu ? Pourquoi Dieu aurait-il choisi de communiquer avec nous via des livres ? Via le langage ? Et aujourd’hui avec les langues numériques, les langues classiques ne sont-elles pas menacées ? La médiologie a fort à faire !
Dieu fait-il ses mises à jour ? Va-t-il tout reprendre et communiquer avec nous autrement ? Les hommes vont-ils accepter ? Toute cette histoire ne vous semble-t-elle pas rocambolesque ?
Et pourquoi cette rivalité entre les croyants des religions dites révélées ? Ce « à qui mieux mieux » ? En quoi est-ce que c’est moral ? Une rivalité qui a fait couler beaucoup de sang, qui est à l’origine des pires exactions, des discriminations les plus viles. A moins que la moralité ne soit devenue superflue et là, c’est la porte des dérives grande ouverte.
Qu’en pensez-vous Coach ?
- Je pense que vous devriez écrire encore et encore. Je pense aussi que la moralité doit être au-dessus de tout. J’ai pensé pour vous, pour votre cohérence. Sinon, c’est reposant de croire aussi.
- Vous le dites Coach, c’est reposant de croire. C’est juste reposant. Merci.
( En souriant ). A chacun son repos. Le mien est de secouer les certitudes, de déployer une réflexion rationnelle, de distinguer le réel du mythe, de dévoiler l’ampleur de l’angoisse existentielle. Je ne peux admettre le discours des Anciens ( Sourires ), je me dois d’y mettre mon cheminement ontologique, du moins pour moi.
La morale doit toujours primer. Elle n’a pas de projet sociétal, elle, humain oui. À bientôt Coach. Vous avez bien mérité vos honoraires aujourd’hui.
( En souriant, pendant que le coach prenait note )