dimanche 26 décembre 2021

Moi, le Fou

 

I.







Un matin de décembre. Je tremble de m’exprimer. Elle ne sera pas là. C’est un jour décrété congé de fin de semaine. Le suivra, le jour du Seigneur des adeptes du Christ. Une fin de semaine qui a eu son partage. Vendredi saint. Shabbat shalom. Et le tour est joué.

 

C’est comme l’autre, la tête aux quatre vents à partager du sol. 

 

Part-on d’ici tout plein de biens terrestres ? De terres, de parterres, de joaillières, de cuillères lors de la mise en bière ?

 

Des errements que nos gestes de vie, mais il faut y croire. Il le faut. La vie est tout ce que nous possédons et la parfaire ou du moins la rendre moins difficile est notre tâche tout au long du parcours. Sans relâche. Je m’y emploierai. Enfin, j'essayerai.

 

Hier, je fus fort contrarié par un échange épistolaire que j’eus avec une amie. Les amis proches, j’en ai très peu en réalité et je suis foncièrement méfiant. Nous évoquâmes ma seule vraie amie de toujours décédée depuis plus de quinze ans, Emma.

Elle fut, à mon goût, peu respectueuse ; et puis, pour moi, on n’évoque les morts que rapidement en veillant à la dignité de leur absence. J’ai trouvé dans ses deux malheureuses phrases, envie et désir de réduire. Je vis rouge.

 

Comment peut-on vouloir ternir la réputation d’une disparue ?

Comment peut-on jalouser une personne qui loge six pieds sous terre ?

De quelles valeurs, parle-t-on quand les morts ne sont pas laissés en paix ?

De quel droit, juge-t-on une personne à partir de rien ?

Comment peut-on ne pas arrondir les angles de sa pensée ?

Quelle dignité y a-t-il à regarder par le trou de la serrure la tombe d’une échappée de la vie ?

 

Une Dame qui méritait respect de son vivant et plus encore à son départ. Une Dame qui fut toute sa vie jalousée pour son aura et sa liberté d’être. Les hommes reconnaissaient de suite sa valeur fondée. Beaucoup en tombaient amoureux. Les femmes la considéraient comme chanceuse au-delà du mérite et leur vie durant, elles essayèrent de l’écorner, surtout derrière son dos. Ce n’était pas possible en sa présence : elle se défendait âprement avec un argumentaire solide.

 

Un samedi de désolation. Je n’ai pas celle que je paye afin qu’elle m’écoute et je suis au-dedans à ras-bord avec mon anxiété. Je n’avais même pas l’envie de marcher droit et vite afin de calmer mon tremblement intérieur tous azimuts et à tout-va.


Je pris mon propre bouquin et je commençai à le lire. Ce n’était plus le mien et il y avait la distance du temps passé. Comment ai-je pu mettre en scène tous ses personnages ? Pourquoi ceux-là et pas d’autres ? Pourquoi ai-je fait de Mme Récamier, un être aussi positif ? Ai-je oublié son mépris des élèves moyens ? 

 

Et pourquoi tout se passe dans un univers scolaire ? Est-ce ma détestation de l’école ? Mon tempérament de caractériel ? Mon esprit obtus ? Ai-je vraiment l’esprit obtus ? N’ai-je pas levé tous mes examens malgré tout ? Pourquoi tous me voient comme l’enfant récalcitrant qui donna du fil à retordre à ses parents ? 


J’ai plus de cinquante ans et je continue à ruminer l’école. Mme Dumarsais, M. Marcel, les autres … Mme Julienne eut, elle, le mérite de m’approcher dans une démarche humaine de compréhension psychologique. Je lui sais gré même si tout mon parcours d’apprenant chaotique noya l’ensemble de la population éducative dans une franche détestation.

 

J’étais un élève butté et je suis, aujourd’hui samedi, un grand adulte, toujours en peine avec son passé, avec la notion du temps. Les décades ont filé et je déteste autant M. Bouadess, mon professeur de math de 3ème


Je suis un élève TSA. Enfin, j’étais un élève qui avait des troubles cognitifs que la plupart, à cette époque-là, prirent pour de la fainéantise et de l’obstination et, plus ils me mirent à mal, plus je me braquai tant et si bien que je haï tout le monde et, d’abord, moi-même. 


Mon histoire a été pénible et elle l’est encore ce matin, en l’absence d’une oreille bienveillante. Enfin que je crois bienveillante.




 



 

 

                                                               Pavel Pilin

                                                                                     

jeudi 23 décembre 2021

Dessiner le renversant

 

 


-       Vous n’êtes pas un liseur, lui dit-il.

 

     (  Il s’emporta )

 

-    La spécialisation, les études, j’ai fait tout ce qu’il fallait faire et j’ai réussi.


-   Oui, évidemment. Vous êtes tout à fait en conformité avec l’académique.


-        Et donc ?


-    Je vous parle d’autres choses, de livres, d’intellect, de vie réflexive, de dimension artistique, de poièsis … Vous avez votre domaine de spécialisation. Là, c’est autre chose. Et puis, convenons-en, votre vie a-t-elle été subversive ? Vous êtes-vous inscrit dans l’opposition mentale, psychologique et philosophique ? Êtes-vous un passionné du Beau ? Avez-vous fait sauter tous les verrous de votre éducation de base ? Cassez-vous de la petite morale à chaque fois que l’occasion vous est donnée ?


-       Je vis dans le réel.


-       Qu’est-ce que cela signifie ?


-       Je travaille, j’avance, je suis perfectionniste.


-    C’est très bien mais ce n’est pas le propos. Je vous parle d’être doté d’une base déflagratoire. Il s’agit de tout gommer et de recréer, de re-voir, de re-faire, de re-dire, de ré-inventer, de se délester, d’oser, de dire NON. L’avez-vous fait ?


-       Je vous répète : je vis dans le réel.


-    C’est bien de réel qu’il s’agit. Un réel à soi, de sa griffure assumée. Il s’agit de SA construction, de SON monde. Aucune place à l’incidence ou peut-être si aussi, selon SON libre-arbitre. 


On dit que les Anciens ont découvert le dessin incidemment en nettoyant sur le sol les outils de décharnement des bêtes. Ils ont continué et ils continuent. Je dessine ma vie comme JE l’entends et je continue. Vous ne pouvez pas vouloir aujourd’hui tout changer. Vous avez votre monde, il est cohérent, mais ce n’est pas le mien, ce n’est pas le nôtre. Il lui manque le noyau liberté.


Connaissez-vous le dadaïsme ? C’était un mouvement anarchiste. Il cassait mais ne proposait pas grand-chose. Le surréalisme casse et réinvente, il fait bouger les lignes, il associe l’in-associable et combine l’hétéroclite. Le surréalisme est folie suprême, délire créateur. Votre monde est structuré, sage et affiche un conformisme bourgeois. Il est bien beau mais de cette beauté consentie et bénie. C'est bien, mais je n'en suis pas preneur et je ne m’y inscrirai jamais. 


Le rebelle, le fier, le libre, le renversant est captivant. Difficile, mais poignant. Dur, insaisissable, mais passionnant. C’était notre monde et ça l’est toujours. Un monde difficile d'accès.

 





 

 

lundi 20 décembre 2021

Je m’appelle Terry et, ce soir, je vais partir

 









 

Je les regarde dans les yeux et je sais qu’ils savent. Je viens de les nourrir et ils sont pleins de reconnaissance. Ce que je les aime. Leur humilité, leur solidarité, leur silence.

 

-       Viens là toi. Ce n’est pas bien grave. Pour ce que cela vaut. Ce sera tellement moins violent. Je t’aime moi aussi mon Zinou.

 

Ils étaient tout autour, les yeux interrogateurs. Grands, à me fixer. Je ne pourrai pas. Pas eux. Mais je suis plein d’inquiétude. Il m’a dit de ne pas m’en faire et qu’à mon retour, ils seront bien plus dodus. Je l’ai vu faire et il me semble qu’il a du cœur. Mais c’est un vendeur …

 

-       Lulu, approche-toi, l’oreille, murmures à mon amie canine de toujours. Oui, oui, il le faut. Je t’aime aussi. Pas grand-chose. Le monde fourmille. C’est l’heure.

 




Elle me léchait les avant-bras, les mains. Des avant-bras pauvres et vides. Qui voudrait les ragaillardir ? Je suis une sous crotte. Non, pas vraiment. J’aime la littérature et le cinéma. Mon court métrage est bon. Les sites sont riches d’histoire et les enfants étaient si engagés, si répondants. Ça n’a pas été fatigant hier. Ils étaient heureux et moi aussi. C’était vers le soir que ça avait fait tilt. Il a fallu un mot ou une phrase. De cette naine de la tête et des manières.

 

Cinq semaines d’implication, de préparatifs, de location de matos, de revue du script, de distribution des micro rôles. Carthage sera le personnage principal. Elle n’a qu’à se faire voir et le Beau opère. Cinq comparses. Espiègles et tout en énergie.

 

« Je suis Brad Pitt ! » Hurlait-il. Ce môme ! Si attachant. Il me ressemble.

 

De l’eau glacée. Mais glacée, jusque dans mes veines. J’ai senti une déflagration terrible. Tout était à terre. Définitivement. Tragiquement. Le coup d’épée s’était fait à ce moment-là. Un naufrage. 

 

Les Termes d’Antonin sont une splendeur. Si* M. le guide a été d’une élégance absolument incroyable. Il connait l’histoire de la Reine sur le bout de la langue. Un illettré d’une richesse intellectuelle impressionnante. A lui seul, il constitue une définition de l’amour de sa terre. Le dico est du coup superflu. Il m’a confié que sur sa carte d’identité, c’était marqué ouvrier mais qu’il n’en avait plus honte puisqu’il a eu des conversations avec des savants de tous les pays du monde.

 

-       Comme vous M.

 

Cette phrase ! Merci, mille mercis ! Elle fit mon bonheur, toute la semaine, jusqu’au raz-de-marée. Là, tout avait été pulvérisé. Lui, ma pauvreté affective, le scénario, les petits, mon moi entier, mon travail, la sueur de ma plume. Absolument tout. Il y a eu un phénomène de précipitation absolument indescriptible et jamais 24 heures n’avaient été plus atrocement longues. Une après-midi vers le lendemain soir. Claquemuré.

 

 

Enfant, je caressais les arbres, je mettais mes bras autour et je leur disais mon amour. De leur force, de leur sève jusqu’à leur duvet. Ils m’écoutaient et nous étions amis. J’étais persuadé que nous nous comprendrions plus tard. 

Déjà à cette époque, je savais que j’avais en moi un secret, si secret que je n’en savais même pas la contenance. Un secret à moi, en moi et que je partageais avec les arbres.

 

Avec les êtres de silence aussi qui lisaient ma psyché avant moi, qui siégeaient en haut de mon territoire intérieur et qui revenaient me regarder dans les yeux. Je traduisais mon être dans leurs regards enamourés, tristes, larmoyants ou joueurs. C’était selon.

 

 

-    Que vais-je faire aujourd’hui de Zinou, Lulu et Rimbaud ? Vais-je pouvoir me contenter de ce qu’il me dit ? Est-il digne de respect et de confiance ? Parle-t-il droit ? Les mots ont-ils de la teneur pour lui ? Sait-il le langage du silence ?

 

 

 

C’était en 6ème, je crois. J’avais onze ans. Ils durent saisir mon hypra-sensibilité. Ils m’enfermèrent aux lieux d’aisance, me firent d’abord les poches, me dénudèrent, jouèrent longuement avec mon corps et ensuite me scalpèrent la croix gammée sur le crâne. J’aurais pu mourir mais je me tus. Je finis de me raser la tête et dis à ma mère que c’était à cause de l’épidémie des poux. Je ne sais toujours pas décrire ce que je ressentis à ce moment-là. Je sais qu’au milieu de cette heure ou demi-heure atroce, j’eus une peur épouvantable mais aussi un petit plaisir malsain. Ce fut un moment marquant de différentes manières.

 

 

 

Je ne sais pas pourquoi Iba refuse l’affection. L’amour. Nous avons bien quarante ans tous les deux et il y avait une alchimie. Une véritable alchimie. Quoi qu’il dise. Ce n’était pas que les livres, la littérature, la poésie et le cinéma d’auteur. C’était aussi nous. Mais il n’en convint jamais. Pourtant, le soir du baiser furtif qui me porta vers lui, il faillit perdre l’équilibre, me poussa rudement et sortit précipitamment. Ce que je fis était plus fort que moi. Je fus porté par un désir intense, un désir de l’autre, de sa lumière et de sa peau aussi. Il y avait quelque chose qui venait du plus loin de moi-même, sans le déshonneur ni les salissures ni l’opprobre ni l’humiliation ni la cruauté. 

Je me retiens de fixer l’origine de cet élan parce que même s’il y eut un trait jouissif, ce n’était en rien comparable. Il partit mais il revint. Et mon cœur, mon être, mes émotions vécurent au rythme de ces rencontres furtives, silencieuses émotionnellement mais riches en intelligence lumineuse.

 

C’était un transport qui était à la pulsion de ce baiser que je lui donnai éperdument, sans conscience aucune du geste. C’était comme si j’avais serré contre mon cœur qui naissait à l’émoi, les arbres de mon enfance. Iba de ce moment si fort et si profondément humain. Ce n’était pas l’avis des hommes; pour eux, c’était la dépravation.

 

Je suis seul avec mes chiens que j’aime tant. Je suis nourri de livres et de scénarii, de peinture et de Rodin et de bien d’autres … Mais je n’ai pas le droit d’être l’homme que je suis, la nature qui est mienne, ma sensibilité aux arbres, aux êtres muets et à Iba. Je dois porter une croix gammée en braise là-même où nait le désir afin qu’à chaque fois qu’il lève la tête fièrement, je l’enferme aux latrines, dans la puanteur.

 

Pourtant aimer est tout ce que nous possédons.

 

Je tourne en rond à l’intérieur de moi-même. La 6ème et sa cruauté sauvage, mon monde de passionné des narrations, des mythes et de l’imaginaire. Mon monde de nature d’abord et d’esthétisme quasi simultané. Quarante années de déroute entre ce que je suis et le modèle social moralement convenable, la puanteur du bloc sanitaire du collège et cette énergie puissante et heureuse qui me porta vers Iba. 

 

Iba le cultivé, le beau et l’humaniste, réponse rêvée à ma définition de l’amour de l’humain.

 

 

Mes chiens, je vous aime. Je vais prêter l’oreille aux promesses du vendeur et je prends mon bâton. Là-bas se fera mon tronçon sans le souci des sens et de la bien-pensance. Là-bas se fera le jugulement de mon chaos intérieur ou peut-être la possible harmonie entre les arbres, la croix, les belles lettres, la musique et Iba.

 

Je ne suis pas laid. Non, il n’y a pas de quoi rire dans mon dos. Je suis bien plus fin que la courte-sur-pattes qui mit mon court-métrage à la corbeille de son bureau d’exécutante agitée. Je ne suis pas miséreux, on ne peut l’être quand on s’emplit d’histoires humaines ordinaires ou extraordinaires.

 

Je me suis réellement impliqué avec les petits, nous avons écrit et beaucoup ri. Si M. m’a répertorié savant parmi les savants, merci Monsieur, votre grandeur m’émeut encore. Merci ! Nous avons tous besoin d’un peu de reconnaissance, la vôtre fut immense, bien plus que tous les papiers avec en-tête. 

 

Je ferme les yeux et j’enfouis ma tête dans le creux du cou d’Iba. Ce n’était que cela, rien d’autre. Tant que ton bras malmenait. Je ne savais pas plus que toi Iba, non, je ne savais pas.

 

C’est quand même heureux de monter sur les livres pour se passer la corde au cou. Très heureux.



*Si M. : Monsieur M.




S.SBZ*

 

*Fiction en hommage à un ami humain à peine connu et vite éclipsé. Je n’oublie pas.

 

 

 

 

                                                                                     A TC.

 

 

 

 


dimanche 19 décembre 2021

Je juge Éva parce qu'elle fait de vous un être rampant

 


Réflexions à la première personne*

 

6h du matin, j’ouvre un œil et je pense à Eva. La sulfureuse. L’éhontée. L’obscène. Voilà un personnage de ma fabrication onirique - ou presque - aux antipodes de mon être.

 

Eva m’a été ôté des mains. J’avais douze ans ? Un bouquin incompréhensible qui bousculait mon monde de gamine. Le monde transmis principalement par Sobel, de vertus, de dignité, de pudeur, de sagesse, de sérieux et de rigueur. Le monde de mon géniteur, fait de poigne et de méfiance, d’hommes-loups à détecter et à pulvériser. Un père-Œdipe fou de sa fille. 

 

-       Attention !

 

Maître-mot, fondement de mon être, même au fort de la connaissance de l’autre, et de l’amour aussi, convenons-en. Mais même l’amour n’écorna pas cette méfiance. Les hommes, des êtres à écouter, à regarder et à tester. 

Très peu d’exercices, pour dire les choses ; et sa superbe toujours debout et toujours intacte. 

 

-       Mythologie, papa, pourquoi ? 

         ( Sourires )

 

 

 

Éva est femme dans le sens des trois-quarts des hommes, un être de chair, de jeu, de déroute, de séduction, de corps à corps, d’oubli, de rires infondés, de tête renversée, de bouche pleine et charnue et faisant toutes les moues …

L’autre versant de la terre.

 

Pourquoi Éva est-elle toujours intrigante pour l’adulte que je suis aujourd’hui ? La pleine adulte prompte et détectrice de haute volée ? Éva la lascive si éloignée de ce que je suis foncièrement. Pourquoi une péripatéticienne est-elle si captivante, même pour le moine tibétain que je suis ? 

 

Est-ce la différence complète ?

La compréhension et le saisissement de l’autre ?

Les mobiles de l’être profond d’Éva ?

La psyché d’Éva ?

Éva, l’allumeuse ? Celle qui rit de l’effondrement de l’autre ? Qui s’amuse à mesurer son degré de nuisance ? Pour qui la mort n’est en rien une peur ?

 

Quelles conditions ontologiques ont fait d’Éva ce qu’elle était ?

Se mesure-t-elle aux dieux dans sa condition de vamp revendiquée ?

Comment comprendre les procédés de séduction sans peine d’Éva ?

 

Perversion complète ?

Bonheur d’être sans humanisme aucun, sans scrupules aucun ?

 

Voilà un personnage à peine croisé, aussitôt dérobé, parti à jamais avec cette chapardeuse des miens. Un personnage que je dus ressusciter, habiller, inventer, parer d’insalubrité et de rires insupportables, une pute avec tout ce que le mot possède comme signifiés. Oui, une pute. C’est-à-dire une destructrice qui joue de ses moyens charnels, uniquement. Qui s’amuse de l’autre sans une once d’humanisme ou d’empathie et qui rit à gorge déployée. Qui tire un bonheur démon de l’avilissement de l’autre et de ses dépendances. Il n’y a pas d’autres mots pour Éva. Ou alors c’est moi. Mais je ne le crois pas. 

 

Pourquoi suis-je dans le jugement de cette créature ? Après tout c’est un personnage fictif, tout droit sorti de mon imaginaire… 








Et puis même, c’est un personnage parfaitement existant dans l’échantillonnage humain, un anti-héros comme tant d’autres … Et puis qu’écrit-on ?

Nos lectures, nos films, nos ouï-dire, notre imaginaire, la réalité, la surréalité, les autres, notre environnement, le leur … Rien qui ne soit pas de la terre, qui vienne du dehors de l’homme.

 

Oui, pourquoi suis-je dans le jugement d’Éva ? A cause de son obscénité, de sa perversion, de son multi-récidivisme, de son inhumanité, de son indifférence à l’autre. 

 

Je juge Éva parce qu’elle est destructrice, qu’elle en tire une joie, qu’elle s’en enorgueillit. Qu’elle fait de ses parties un atout, dans la laborieuse et sadique déflagration de l’autre.

 

Éva est une des mille et une déclinaisons du diable. Elle vient dans votre vie et vous êtes fini. A genou. A terre. Rampant.

 

Pourtant, elle fut une enfant, une page blanche, à l’aube de sa vie. Quels terribles traumas ont-ils fait d’elle le monstre qu’elle devint ? Quels impacts existentiels ? Quelles misères humaines ? Quelles gravures ontologiques ?

 

Aïe, aïe, aïe ! Que c’est complexe de devenir ignoble, monstrueux, assassin … !

Quelle ignominie ! 

 

Qu’Éva puisse ne jamais se frayer un chemin vers nous ! Que les vicissitudes de l’existence nous en éloignent à jamais ! Autrement, c’en est fini de notre valeur intrinsèque.




 





*Je c’est moi.