dimanche 17 avril 2022

Divine et Ramsès, III

 III.




 

Il la prit dans ses bras, l’étreignit longuement avant de reculer légèrement, de la regarder dans les yeux, sans mot dire, d’embrasser ses paupières, le bout de son nez et son menton. Une tendresse débordante et des mots qui voulaient signifier, mais cela restait difficile, comme toujours.

 

-       Excuse-moi, je suis bête. Je t’aime comme un enfant.

 

Il l’entraîna avec lui dans la cuisine, la fit asseoir, ouvrit le réfrigérateur et en moins de dix minutes, lui présenta un assortiment de fruits frais en salade : pastèque et melon coupés en dés, pêches, abricots en lamelles, arrosés de jus de citron et parsemés de feuilles de basilic. 

 

-       Le bol de fraîcheur qui aimera tes papilles.

 

Il y a de ces gestes qui vous font perdre vos moyens, votre gentillesse s’exprime et vous rangez votre incompréhension. Vous la rangez et vous vous dites, la vie est courte et faite d’intensités.  Même si les mots sont essentiels, indépassables.


 

Ramsès était un taiseux, sa passion s’exprimait en geste. En tout. Aussi bien dans le modélisme  miniature qu’en amour. Il passait des heures dans son atelier sur des maquettes de Boeing, de navire de guerre. Des kits qu’il s’offrait lors de ses voyages et qu’il payait assez cher. Il adorait le bateau Belem, le dernier trois-mâts français, et le montait à pas moins de trois échelles différentes. 


Son silence l’aidait-il dans le montage de ces répliques ? 

 

Homme de peu de mots, il écrivait, lisait tous les jours, s’adonnait aux jeux de logique et aux mots fléchés et nageait de mai à novembre une heure par jour. Quelquefois, durant ses crises inexpliquées, il faisait taire son silence habituel et le transformait en absence : ni mots, ni gestes, ni regards. Un air sombre qu’il sauvait une fois passé par une gentillesse et des sentiments puissants, des excuses brèves, mais fortes et sincères.


 

Un jour de soleil, de senteurs printanières, d’éclat méditerranéen, il proposa à Divine d’aller dans la nature et de se ressourcer d’air libre. Il se leva tôt, prépara un panier gourmand, le nécessaire pour camper et l’entraîna dehors.

 

-       Cela nous revigorera !

 

Ils prirent leur voiture et passèrent à la station-service faire le plein. Le pompiste vint à la fenêtre passager alors que Ramsès descendait assister à l’opération comme souvent le font, très sérieusement, les trois-quarts des hommes. 

 

-   Vous allez chercher commande et argent chez le passager, vous ! dit-il au jeune homme.

 

Le jeune homme bredouilla quelque chose d’indistinct en guise de réponse et se dirigea vers la pompe. Ramsès ne le quitta pas des yeux et quand il finit d’alimenter la voiture, il attendit qu’il vint vers lui pour le payer. Divine suivait la scène du rétroviseur. Elle vit Ramsès parler au pompiste d’un air cinglant mais ne put l’entendre. Évidemment, elle devinait globalement le propos.

 

La route, vers la campagne, fut assez agréable avec pour toile de fond la rage contenue de Ramsès durant pas moins d'une heure. 

Les silences frondeurs feront en sa psyché méditerranéenne pas mal de cordonnets agissants, identiques à ceux du bois vermoulu.






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