mardi 26 avril 2022

Conversation avec ma fille, 3

 






-       Personne ne veut d’une relation d’intellect, de livres, de Spinoza et de promenades en mer ... Désolée.

 

-       Peut-être, aujourd’hui, que tu as raison, en effet.

 

-       Pourquoi aujourd’hui ? C’est de toujours.

 

-       Oui, tu as sûrement raison. 

 

-       Pourquoi tu es laconique ? Où est ton exubérance ? 

 

-       Il y a des jours sans. 

 

( Sourire de circonstance )

 

-       Maman, secoue-toi !

 

-       Évidemment que je ne laisse rien prendre le dessus sur moi, même pas moi-même !

 

-       Maman, pourquoi tu n’es pas une mère ordinaire ?

 

-       Je le suis Div. C’est toi.

 

-       Je veux dire une mère dans sa cuisine, son linge …

 

-       Mais je suis dans ma cuisine, mon linge …

 

-       Maman, tu vis dans un monde parallèle.

 

-       Et ?

 

-       Et c’est fatigant ! 

 

-       Donc, je vis dans un monde parallèle alors que, tous les matins, je fais ma toilette, nettoie l’espace de ma chienne, lui donne son petit-déj, la câline, échange quelques mots avec elle, m’habille, prépare mon café avec elle, en face, devant la cuisine, range mon espace, lance une machine, quand c’est nécessaire, et me mets aussitôt au travail. Ce monde, selon toi parallèle, dans lequel je vis, te fatigue toi. Je ne comprends pas Div. 

 

-       Maman, ton monde, dès l’instant où tu es à ton bureau !

 

-       Oui et donc ?

 

-       Il est fatigant ! Voilà !

 

-    Div, c’est mon monde, mon espace, ma catharsis, ma purgation des Passions, mon espace d’élagage, mon grâal …

 

-       Je veux dire, sors plus, éclate-toi !

 

-    Mais je sors, je dîne, je ris, je me fais belle, je vois une poignée au volet …

 

-       Bon. Il te faut quelqu’un.

 

-      Mais j’ai mon monde, tu l’as dit ! J’ai mes cadres de transposition, mes décors, mes femmes et mes hommes, mes dadas, mes répulsions, mes passions. J’ai S., mon personnage-phare, un génie fou, qui détecte tout au centième près, un anti-social pur qui se raconte au cabinet de Didon tous les jeudis. Un philosophe existentialiste, mais pas tout à fait dans le sens sartrien, complètement à l’ouest, mais qui sait dire, attirer le regard, anticiper, lire dans les pensées …

 

-      Il te ressemble étrangement ( en aparté, à mi-voix ) Bon, maman, tu viens passer quelque temps chez moi. Le Lac Majeur t’attend. Tu verras, c’est sublime. Pas une miette par terre.

 

-       Alors, oui, je viendrai.


 


lundi 25 avril 2022

Conversation avec ma fille, 2

 


 


-       Pourquoi justement ?

 

-  Je ne crois pas, aujourd’hui, qu’il s’agît de choix, du moins pas complètement. Il y a un déterminisme qui nous guide, qui obéit à nos carences ou à notre trop-plein ou à notre déséquilibre psychique, à notre image de nous-mêmes. Je crois qu’à la base, il y a un système comparatif qui est agissant.

 

-     Veux-tu m’expliquer moins métaphoriquement ? Quoi que j’aie assez capté …

 

-       Oui, je sais, que tu saisis les choses.

 

-       Ce système comparatif que tu décries d’ordinaire, pourtant.

 

-  Il y a une partie consciente et une autre inconsciente. Oui, vivre sur la base de ce système, est, pour le moins, négatif. Mais nous n’avons pas tout en main.

 

-       Maman, pourquoi, ce choix ?

 

-    Il s’est imposé. Il y a d’autres facteurs aussi. Et il y a, en route, un accord avec soi-même.

 

-       Il s’est imposé ? D’autres ne se sont pas présentés ?

 

-       Si. La première pierre a été dictée par le déterminisme.

 

-       Le déterminisme a donc eu raison de toi !

 

-       Oui. D’autres facteurs aussi.

 

-       C’était quand même assez risqué.

 

-     Je crois que le risque est une composante indépassable pour tous. Une fois la démarche adoptée, il y a un chantier de vie. On veut le mener à bien.

 

-       Quelquefois, voire souvent, ça claudique « coumême »

 

( Sourires inégaux )

 

-       Oui, des couacs, nombreux. Ce n’est pas aisé.

 

-       Maman, stp, peux-tu répondre un peu plus clairement ?

 

-       Quand nous serons seules Div.


 

( Clin d’œil )


















dimanche 24 avril 2022

Conversation avec ma fille




Echauffourée sereine



 

-      L’art est devenu une robe en viande, des clash trash ( mots haïssables ), les salons, des échanges violents sur les réseaux … La politique est l’arène de jeu des dix plus grandes richesses, du venin entre séparatisme et pensée monochrome, pour l’Occident. 


    Ici, nous enregistrons un recul d’un demi-siècle, une pensée sectaire, un conservatisme bête et hypocrite, une ruralisation sociale tous azimuts dans ce que le terme peut avoir d’étriqué et de vulgaire ( vulgus ). Une laideur visuelle incomparable.


     La nature souffre un homme bête, inconscient et irrespectueux. Le mot respect est banni par ici. Le ciel souffre, la terre souffre, la mer souffre, les êtres vivants assistent à une désacralisation de l’environnement sans précédent. 


     Je vis recluse au milieu d’êtres abjectes dans la pensée et le geste.


 

-   Tu focalises sur le négatif. Pour rappel, tu as toujours vécu avec tes semblables en pensée. Continue. La culture existe, sors de nouveau et observe : il y a du consistant, du beau.

 

-      Quel beau ? La route est laide. Les pièges sont posés. La culture est de viande, je te le répète.

 

-       Non. C’est toi. Refais-toi une beauté de l’esprit, balaye ton dégoût, fixe le Beau.

 

-   Ne t’inquiète pas, je fais ce qu’il faut faire au quotidien sur le plan personnel. Entre travail et ma personne, les choses fonctionnent, mais le dehors m’exaspère. Je crois qu’il faut regarder les choses dans leur globalité. Cela n’a pas commencé hier. 

     

   Entre positivisme, perspectives, réflexion, praxis, cheminement ... durant toute une vie. Et là, de voir l’ampleur des dégâts causés par la gangrène de droite, l'abandon de l'école, de ses prérogatives, il y a une colère qui veut de nouveau retentir, mais fatigue et désaveu.

 

-       Alors désolée maman, mais tu te laisses entamer.

 

-       Peut-être.

 

-       Réagis impérativement s’il te plait !

 

-       Je le ferai, si c'est ce que tu vois.