Il était assis à son bureau, devant son ordinateur, et les images défilaient.
Les trois premières secondes, il vit de quoi il s’agissait et c’était un bon choix. Grandiose.
Et aussitôt, il tomba dans la gamberge. Des milliers de lieux, dans tous les sens, des lectures obsessionnelles et totalement hallucinatoires.
- C’est la droite française, ce sont les services secrets. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute ! hurlait-il, en lui-même, tremblant.
Il était à des milliers de kms de La France, n’y vivait plus depuis une trentaine d’années et n’avait jamais fréquenté ni la droite ni la gauche. Il avait beaucoup erré à Paris, perdu beaucoup de temps et n’avait pas saisi les choses correctement, ni socialement, ni humainement, ni académiquement.
Il avançait vers les idées, les concepts, les théories et les théorèmes avec un prérequis sorti de nulle part, qui déformait tout. Avec des outils étranges qui n’avaient aucune latitude analytique et, c’était précisément même, l’inverse total.
Il commençait par « un j’ai bien compris », mélangeait tout anarchiquement, se posait en décrypteur avisé et posait une confusion qui était, à ses yeux, une vérité irréfutable.
Une concentration défaillante, quelque chose de très profond qui venait de loin, comme la peur d’être ridiculisé, un assaut de pouvoir pour saisir la notion à décoder et s’y asseoir magistralement. Sur toute l’étendue de l’erreur, en vérité.
Il y avait aussi une paresse quasi pathologique et un refus buté d’appréhender les choses calmement et de manière dépassionnée, graduellement et dans l’ordre.
Un saut dans le vide hors de l’espace du saisissement et de l’intelligibilité.
Et il en sera ainsi en tout. Il arrivait avec des idées préconçues, des préjugés dans les situations d’échanges sociaux, plaquait ses erreurs, qui sont ses vérités indémontables ; il hurlait s’il était contredit et, ce faisant, éloignait les autres ou ils acquiesçaient pour le faire taire et l’éviter. Il pouvait, à ce moment-là, à son aise, baigner dans son monde renversé, en toute quiétude silencieuse.
Est-ce là, la définition de l’asociabilité ?
De la folie ?
De la grande solitude pathologique ?
Sont-ce ici des troubles spécifiques à l’abordage du savoir et des autres ?
Des nœuds gordiens depuis le liquide amniotique ?
Depuis la petite enfance, les brimades et les vexations ?
Est-ce une anatomie particulière perçue par les adultes, interrogée d’une manière agressive médicalement, répercuté sur l’enfant précoce qui en fit une cloison, puis des cloisons et, enfin, une prison folle aux murs épais et lézardés ?
Il en était ainsi de ce double de Maldoror, confiné ici et là, à s’introspecter sur des décennies sans souci aucun du temps qui fuit, sans désir de bâtir, d’écouter et de partager. Il garda cependant en lui quelques sourires d’enfant espiègle.
Quelques-uns, sans plus.
Quand il rencontra cette amie lointaine, il perçut sa sensibilité humaniste et pensa pouvoir en jouer.
- Personne ne se liera d’amitié avec toi, lui dit-elle, un jour.
- Pourquoi ?
- Parce que tu es fou.
- Alors pourquoi ?
- C’est en égard à ta sensibilité restée intacte. Elle a échappé à ton emprise folle et toxique. Et puis, pour t’intimer l’ordre d’enlever le masque, tous les masques. Ta tête hérissée m’interpelle. Comment peut-on être ainsi ? Mais n’oublie pas, c’est moi qui mène la ronde, ou du moins, mon discernement.
Et ils marchèrent longtemps en bord de mer en compagnie des mouettes en fête. Des sourires, de temps en temps, et pas mal de rabrouements quand il se faisait rattraper par ses complexités neurologiques et psychiques tordues et malveillantes.
Il était bon à sourire et à faire sortir, au milieu de sa dinguerie ontologique, quelques pépites plaisantes et assez rares. Cet ami-là ressemblait à l’identique à une tête hérissée aux yeux globuleux et chavirés.
( À suivre )
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