Écrire, un chemin en l'homme, pour parvenir à La Clairière
Écrire est un acte de liberté et de vérité. Un acte d’affranchissement où les mots disent ce qu’il en est, sans détour et avec honnêteté. Sans cela, il n’y a pas d’écriture puissante.
De même, si on a peur des mots, il vaut mieux s’abstenir d’écrire. Parce qu’écrire suppose en tout premier lieu, la décision de signifier.
Comment ?
De multiples manières. La forme est un choix ou un diktat de la pensée et de la volonté ou un impératif pour mener le lecteur au port arrêté. Parce que signifier a sa pudeur.
- Je veux écrire, me dit-il.
- Excellent, dis-je.
- Écrire me libère.
- Oui !
- Je voudrais écrire des histoires, imaginer des univers SF, rendre compte de mes pérégrinations …
- C’est déjà deux manières d’écrire.
- Relater mes aventures est certes plus simple qu’imaginer et j’ai peur de tomber dans la médiocrité.
- Tout dépend de tes aventures, dis-je, en souriant.
- Oui, c’est cela.
- Certaines personnes croient écrire alors qu’elles font souvent du listing.
- Je risque de tomber là-dedans.
- Mûris ton projet. Bois à la source, lis, lis et lis encore. Emplis-toi de mots.
- Le temps me manque.
- Non, le temps ne manque jamais. C’est nous qui l’employons.
- Je ne sais pas.
Il avait vingt ans et voulait devenir scribe. Et pourquoi pas ? Il y a mille manières d’écrire et c’est toujours du bon. La littérature reste, elle, le graal, à la Gary, à la Duras ou, subliminale, à la manière du grand Char ( Il faisait près de deux mètres par ailleurs ).
Un journal intime et c’est déjà écrire, se libérer et mieux respirer. Écrire devrait se faire au quotidien, c’est le miroir qui nous dit des choses, sans forcément nous y mirer des heures. Je n’ai jamais aimé l’écriture à la première personne, même si certaines œuvres ont été fort marquantes. Je pense aux Mots, à La Statue intérieure, au Lait de l’oranger et à tellement d’autres ...
Mais là, le « Je » est largement consacré et est souvent un indicateur intellectuel fort. Les scribes confirmés ont toute la latitude du geste et peuvent casser tous les codes, c’est précisément surtout cela, soumette l'écriture à la liberté du Scribe.
Il faut aussi relever que le « Je » d’une œuvre n’est pas forcément celui de l’auteur, sauf s’il y a correspondance entre ce qui est narré et les données biographiques de l’auteur. Se raconter a quelque chose d’impudique. Pourtant la mise à nu peut quelquefois s’avérer utile, expiatoire et cathartique. Le dosage doit donc être maîtrisé pour le bon goût et la simplicité.
Il y a un battement de cœur dans l’écriture, dans la littérature pour dire les choses. On est loin du môme en besoin de se raconter, de tenir un journal intime, même s’il a des chances de pouvoir éclore un jour. On ne devient pas scribe, on l’est, à force de lecture, d’intimité et de solitude, de sobriété du mot, de pudeur et d’un sens aigu des choses, d’un quelque chose d’indescriptible dans la sensibilité et dans le sens de l'honneur.
Écrire est un acte très sérieux, un acte vrai et fondamental où on dit l’Être et sa finitude, surtout cela et de mille et une manières.
Il y a de l’autre côté, les journalistes, les relateurs, les scripts, les secrétaires … et pourquoi pas ? Tant qu’ils ne sont pas des plumitifs. Parce que là, nous tombons dans le commun et quelquefois l’obscène. Il faut des mots pour tous les goûts et les goûts sont pluriels.
Mais dans la Tour exclusive du Scribe où chaque mot est un battement, ou chaque cheminement est accoucheur d’une vérité de l’homme, nous sommes dans une dimension autre qui vous fait vibrer aux dimensions d’Ontos : Être, vivre, tâtonner, approcher l’acmé et puis mourir.
L’acte d’écrire est à ce moment-là un cri ontologique et existentiel, le cri de l’écorché vif.
La forge des mots est d’une nature divine, une maïeutique où chaque verbe vient au monde dans une douleur délivrante, où ce qui expulsé est d’emblée signifiance.
- Oui, écris et écris, jusqu’à la moelle. Peut-être qu’au bout du chemin, tu arriveras à une belle clairière. Écris à l’encre de l’océan et mesure ton verbe à ton échelle de conviction intime, lui dis-je, en souriant. Mets-y du pur et du vrai.
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