Récit à la première personne
Les réseaux sociaux que je fréquente de moins en moins, sauf pour mon travail ou les miens, m’ont fait rencontrer, il y a quelques années et fort heureusement, une jeune femme exceptionnelle.
Ce fut sur le plan ontologique absolument fort.
D’abord une relation humaine, vite psychologique - et pour moi, c’est inhérent – très vite amicale, puis affective et existentielle.
Randou aux semelles de vent. Comme pour le poète.
Une très belle jeune femme, intelligente et créative.
Nous avions en commun l’amour de l’enseignement et de la transmission de savoir. La justesse et la justice aussi.
Une rose, une tige, une plante vive, une peau immaculée et une sensibilité à fleur de peau. Randou.
Elle fut transpercée par la bêtise de nos compatriotes, leurs superstitions, leur ignorance comme le furent les lépreux, il y a loin derrière. Pourtant sa peau fut minée par le mal de la Beauté. Minée, mais par le mal de la Beauté. Parce que la beauté peut attirer le mal. Un mal qui l’emporta, elle, mais dont la nature fondamentale ne lésait personne.
Partir à la fleur de l’Existence, quitter le monde, le seul, l’unique, pour disparaître et ne plus y être, est d’une intensité ravageuse pour les vivants aimants.
Je perdis, un peu - je le dis par pudeur - cette jeune femme. J’avais développé à son égard, le désir de dire, de soulager, de déplacer le prisme, d’évoquer l’existence philosophiquement. Comme avec les miens que je perdis à vingt ans, mais différemment. Comme avec mon alter ego intellectuel, malgré les vagues secouantes très particulières, comme avec Saloua Ayachi, ma grande amie féministe, intellectuelle, intelligente et militante. Forte.
Nous perdons beaucoup les nôtres, jusqu’à notre propre perte. C’est ainsi. Mon ami-fou me dit que je vis beaucoup dans les émotions. Évidemment, mais avec les clés des portes sensitives en main. Pour éviter les noyades.
L’indifférence à l’égard des personnes méritantes, des personnes qui ont laissé en nous des traces de cœur, des êtres de sensibilité et de souffrance, est ignoble. Ignoble. J’ai le sang qui bout.
Randou est un esprit aujourd’hui avec lequel je communique. Je lui disais, il y a peu, combien j’admirais son courage, son endurance, sa résolution de dernière minute, quand les choses lui échappèrent. C’est une puissance que ce combat pour ne pas mourir. Et au poète de dire :
« Et nous voici plus bas et plus haut que jamais » Eluard.
Randou a laissé une jumelle, meurtrie, mais tout aussi forte. Je pose sur elle, quelquefois, sur la pointe du pied, ma tendresse de RD. Elles sont différentes et l’impact est autre pour celle qui demeure dans le vent.
C’est tenaillant, mais cultiver l’esprit de Randou est apaisant.
Aujourd’hui, je porte un bracelet d’argent signé RD - mon aînée, aussi, depuis plus longtemps, elle - une sculpture épurée et signifiante, comme le sont très souvent les atours fins.
Un clin d’oeil humain, un attouchement de tendresse silencieuse. Randou est toujours là, son esprit dans le mien.
J’ai ses mots, sa colère, nos accords tacites, ses lettres balbutiantes au fort de la lutte à mains nues, une part affective d’elle, à même la peau. J’aime.
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