- Pourquoi êtes-vous si amoché psychologiquement ?
- Oh, pour moult raisons. Une colère sourde. Un ras-le-bol !
- Revenez à de meilleurs sentiments. Vous le pouvez.
- Il faut que je me déleste d’abord de tout ce qui m’écrase la poitrine. Je ne supporte pas la trivialité ni la bêtise et ils sont à leur apogée, là où je vis. Je déteste la suffisance et il y a beaucoup de cela alentour. Des esprits formatés, carrés qui ne soulèvent ni pierres ni ne se soucient de ce qu’il peut y avoir en-dessous. Des gobeurs. A acquiescer à tout-va. Et ça croit savoir et détenir la Vérité et avancer un argumentaire creux où rien ne tient la route. Et paf ! les arguments d’autorité !
Que pourrait-on espérer dans un tel désert de la pensée ?
Pas grand-chose.
Un dynamisme social prometteur ?
Une vie culturelle riche ?
Une école investie et renouvelée pour les plus jeunes ?
Des agitateurs mentaux ?
Des plumes innovantes, revendicatrices, éclairantes, porteuses ?
- Non ?
- Des assis, oui. Des litanies, évidemment. De la vacance, depuis de longues années déjà. Des cervelles inactives ou désespérées, la majorité. Des plumitifs aux écrits ronflants qui se mirent et se sourient.
- Un peu excessif, je trouve.
- Non. Donnez-moi un exemple d’un activisme social qui a pour objectif d’élever les esprits.
- Je ne suis pas sûre qu’il y ait une volonté politique dans ce sens. Nous sommes d’accord là-dessus. Mais dans l’intimité de la connaissance, de l’échange avec des pédagogues, de l’apprentissage fortuit, pas mal de jeunes brillent.
- Et vous voulez qu’on compte sur ces lumières rarissimes pour faire avancer une société en retard, une société aussi engoncée dans le conservatisme, une société soumise, qui lève peu les yeux, qui ne casse pas les codes, qui ne va pas chercher la vérité, qui ne construit pas son mental propre en grattant le vernis ? Non, non.
- Vous avez quel l’âge ?
- Celui que vous savez.
- Et vous n’avez pas d’autres soucis que le social et le mental de votre pays, à votre âge que nous savons ?
- C’est sûrement pour cela : vivre et mourir sans changements importants alentour et sans avancées.
- Vous avez fait votre part.
- Je l’ai faite, mais d’autres, bien plus nombreux, ont fait l’inverse : nourrir de passé et d’inepties. Plus les chiffes molles qui regardent, ne bougent pas une ligne et n’osent pas défaire les tissages séculaires inféconds et rétrogrades. Insupportables inerties. Ce pays est si rugueux. Quel inconfort !
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