I.
Moi c’est Dou, ma sœur est Lou, mon frère est Lander et nous sommes à peu près une famille de spéciaux. Je vais tout vous dire, pourquoi s’en priver et pourquoi vous laisser sur votre faim ? Je sais, je sais.
A 13 ans, ma tante, une dame de poigne qui se croyait justicière et l’était peu souvent, tomba dans le coma, sans crier gare. Elle avait la quarantaine. Pour nous, c’était une tante, donc une centenaire ou pas loin. A cet âge-là, déjà, j’avais l’esprit d’entreprise et de gestion : je dis à mes cousins que des prières continues de nous tous, à plein temps, feraient l’affaire. J’étais certaine que nous ne faillirions pas et je savais que Dieu était à mon écoute.
Elle mourut. Brutalement, rapidement, au détour de mon attention quand le sommeil me happait, elle mourut cruellement et tragiquement. Ce fut ma première grosse colère. Contre Dieu : il me mentait. J’avais ameuté mes troupes, je les avais emplies de motivation et de confiance, de certitude aussi. Parce que mes convictions étaient puissantes et immaculées. Nous avions prié trois jours et trois nuits, ou à peu près, et je leur avais bien spécifié qu’ils pouvaient le faire à leur convenance, librement, en n’hésitant pas à multiplier les faire.
En cela, j’étais très moderne. Et logique. Dieu connaissait toutes les langues, il savait la sincérité des hommes, pour d’autres leur roublardise. Mes cousins n’avaient pas à s’en faire. A croire que j’avais été l’assistante du Chef suprême.
En réalité, j’étais un esprit pur et une honnêteté absolue. Et mon géniteur, assez rebelle, ne croyait qu’en la logique. Il était croyant pourtant, mais les mythes du bâton transformant la mer en terre, celui de l’inspiration de la grotte, le buisson ardent et la conception Immaculée n’étaient pas pour lui. C’était trop un air de propagande de la Corée du Nord. Vous savez, le Kim je-ne-sais-plus dont le système digestif ne fabriquait pas de déchets. Et hop, pas de lieux d’aisance ! Rien n’est ordinaire dans la vie des Héros rares, extrêmement rares.
Première grosse colère contre Dieu. Descendu de son piédestal et, même si je restais croyante, je le regardais désormais différemment et j’en avais le droit. On ne touche pas à la confiance, c’est affaire de crédibilité.
Ce fut la première pelletée de terre sur un corps destiné à mourir. Un geste de colère.
Le livre, sous toutes ses coutures, ses formes, ses contenances, ses couleurs, ses miroitements fit le reste. Assez vite, par ailleurs. Le Livre ouvrit des espaces insoupçonnés dans mon esprit, des espaces vastes où chaque mètre de sol était désir mais aussi conquêtes.
Je rompis définitivement avec le règne de l’allégorie, de la métaphore, de la métaphore filée, de l’épique, de la Peur, sous toutes ses facettes. Non, je n'étais pas bonne à leurrer.
Évidemment, je n’avais pas remplacé ma disposition au bon, à la croyance, à l’ingénuité … par des réponses. Non. Les réponses ne m’interpellent guère. Le comment du pourquoi exact est introuvable, sûrement. Je SAIS que tout est hasard, soleil et énergie. Je SAIS surtout que mon passage sur terre devra laisser des marques et là-dessus, je suis formelle : je dois bâtir des esprits et des êtres ouverts à satiété. C’est toujours mon objectif. J’y suis tendue comme une corde raide. Moi, Dou.
A suivre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire