Vous ne pouvez m’en vouloir de trop aimer les cerises, vraiment pas. Leur beauté, leur pourpre et leur texture sont saisissants. J’aime les cerises, où que je sois, où qu’elles soient. C’est une relation de séduction aboutie et répétée à chaque fois.
La cerise, la mangue, l’avocat mais aussi la boutargue, le caviar de la mer caspienne, les graines de tournesol, les fruits de mer, les oursins ( indescriptibles ), la pistache ( verte déesse ), la noisette. D’un engouement moins exclusif, la noix, les pruneaux d’Agen et quelques autres divinités gustatives. Vous ne pouvez m’en vouloir pour cet amour in-quantifiable et démesuré.
Non, ce n’est pas permis. D’abord pour leur esthétisme, secundo pour leur élégance, tertio pour ma dignité de personne sage et retenue. Aurais-je l’audace de vous en vouloir pour ce que vous êtes dans votre existence de base ? Non.
Alors ne m’en voulez pas dans ma dignité d’Éprise des cerises et du reste, de la réserve aussi.
Ma génitrice portait deux cerises en broche, c’était en vogue à l’époque. Elle portait sa robe bicolore parme et blanche et les cerises trônaient sur le côté parme. Coquetterie de dame pudique. Elle était si jeune pourtant mais dans une grande réserve des gestes profonds. Elle aimait les mûres, en raffolait en réalité. Les figues aussi.
Non, Mamma, tu pouvais aimer ce que tu voulais, c’était une éducation de retenue et de réserve. Sinon, tu avais tous les droits. Et je comprends que tu aimais les mûres velues qui ne me sont pas particulièrement sympathiques. Cette réserve qui te gênait aux entournures, tu l’as pourtant transmise et je crois bien que j’ai fait pareil.
Je ne t’en veux pas Mamma, je suis même d’accord avec toi bien que cette réserve soit aux antipodes de la liberté. Je conviens qu’il y a liberté et liberté mais, là, il s’agit de dignité et de principes fondateurs. Il s’agit plus justement de contention dans le sens psychologique du terme.
Je n’en veux pas à Mamma d’aimer les mûres, c’était son droit. Ne m’en voulez pas d’aimer les cerises, c’est une question de palais, de sensibilité, de goût et d’endorphines.
Mais de quel droit me permettrais-je de juger un goût quel qu’il soit ? Une façon d’être au monde, d’exister, de se poser, d’évoluer, d’agir, ou de ne pas agir ? Mûres, figues, discrétion, prolixité, pudeur ou impudeur ?
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