Non, mon univers est loin d’être vide. Il est juste dénué de vos certitudes. Évidemment que Spinoza me convainc plus que vos idoles qui payent de leur sang les péchés de l’humanité. L’épique est bon dans les péplums. Les convictions rationnelles sont aux antipodes de vos leurres. Ils ont tablé sur vos peurs et on dirait fort qu’ils ont vu juste.
J’ai toujours douté même gamin. Ce que l’on me disait me paraissait trop irréel, énorme, excentrique, mythologique. Or, j’étais honnête et rebelle en même temps. Je ne pouvais donc pas faire semblant de mordre à l’hameçon et encore moins de m’aplatir.
Je pris le parti de réfléchir et de lire. Lire fut mon activité indépassable, incontournable, pluriquotidienne, par tous les temps. Mon univers fut mis sur pied, sa clé : le doute permanent - ce que mon aîné appelle aujourd’hui : ma foudre guerrière. Difficile lorsqu'alentour, la vue est grave étriquée.
- Et si on n’y va pas aujourd’hui, dit-elle à sa génitrice, le mal risque-t-il de frapper l’un de nous ?
Je veux bien excuser parce que l’anxiété s’intensifie avec le deuil. Mais c’était trop gros. La superstition l’emportait toujours, largement. Ils n’y voyaient rien. Complètement dedans. Pas un millimètre de distance. Que dalle !
- Tu n’y pourras rien, ce sont mes convictions.
Mais pourquoi le ferais-je ? Les conditions requises n’y sont pas. Le doute, les recherches, la lecture, les pensées, la distance, la liberté, l’insolence intellectuelle, les années. Pourquoi le ferais-je ?
Et puis, il y a une sérénité tranquille chez vous qui fait que l’on se tait. Mais au début, j’étais estomaqué de tant d’en-dedans, de soumission, presque de candeur. Je crois qu’il y a l’impérieuse nécessité soit d’un regard écarquillé soit d’hyperréalisme et/ou de traumas saisissants.
Je me souviens d’elle dans ses étapes du deuil d’elle-même. Sa colère fut irrévérencieuse, quasi mécréante avant le tomber du rideau, l’acceptation et le silence : antichambre de la mort.
« Je suis jeune, encore jeune, c’est injuste. Non, non … »
Commença alors le départ. Trois jours. Tout tomba du regard dès la perception de l’enclenchement du départ. Très rapidement, il n’y eut plus de regard. Jusqu’au nez de travers, figé et glacé. C’était un organisme qui s’éteignait, l’esprit devait être complètement embué, s’il n’était pas déjà parti en premier.
C’est là que l’on voit toutes les chimères du réel, de l’histoire, de l’imaginaire, de la Peur. Du vent. Vie alourdie, ralentisseurs, brides, plots, dos d’âne, feu rouge, potence …
Je n’aime pas le ton menaçant et la bienveillance, à ce niveau, n’a pas besoin d’antinomie. Cela n’a pas de sens. C’est habiller une instance dite supérieure de ses propres costumes.
Non, mon univers n’est pas vide. Il est juste débarrassé de vos certitudes.
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