Il est 7h30 du matin, il pleut doucement, mais sûrement. C’est le crachin et j’aime son sérieux, sa régularité, sa détermination et sa flotte méthodique. La fenêtre est ouverte et l’air frais me vivifie.
C’est important pour suivre le fil de ses idées et les coucher sur papier. En vérité, je n’écris plus à la main ou quand cela me manque et donc coucher sur papier devient métaphorique plus qu’il ne l’était déjà. L’ordinateur est là pour me signifier que de papier, il n’est plus question et je me hâte de penser que fort heureusement les livres existent encore. Je crois qu’ils existeront toujours, même en l’an 4000.
Tôt le matin, j’ai regardé des infos ici et là et je suis tombée sur une journaliste qui vociférait sur son interlocuteur parce qu’il disait une réalité qui lui déplaisait ou qui ne correspondait pas à la ligne éditoriale de ses mentors. C’était agressif et laid. Elle lui dit à brûle-pourpoint qu’il n’avait peut-être pas l’habitude d’échanger avec les femmes et c’était un défenseur des droits de la femme selon ses propres dires. C’était un Monsieur plutôt pesé et ce fut pour elle un moment de journalisme de bas niveau.
Cela ne m’a pas empêché de penser qu’il était capital dans le monde dit « arabe » - alors que souvent, il ne s’agit pas de la péninsule arabique et qu’un questionnement s’impose dans ce cas-là : Qu’est-ce qu’être arabe ? - de légiférer sur la question de la femme et urgemment, mais surtout avec conviction et non en obéissant aux dictats de l’étranger dans les tractations silencieuses et intra-muros.
Les femmes doivent lutter et sur la durée et ne jamais lever le pied. Parce que personne à part soi-même ne défendra sa cause propre et ne veillera à ce qu’elle jouisse des mêmes droits que l’homme. Exactement. L’entière parité.
A ce jour, dans certaines contrées, les femmes sont des êtres mineurs et ce sur tous les plans. Dans d’autres, elles sont secondaires. Dans d’autres encore, elles sont complémentaires, ce qui constitue une insulte à leur intelligence et ce qui est en soi un « concept » de pure invention pour mentir, faire semblant et faire avaler la pilule. Révoltant pour toute femme libre et respectant son être.
Légiférer sur la question de la femme est de tout premier ordre. C’est La question, La priorité, L’urgence. Cette injustice réparée, clairement, le discours peut prétendre à plus de ton juste et d’oreille prêtée du côté de l’interlocuteur. Et, évidemment, je ne pense pas à cette journaleuse partiale. Ce n’était que ce qui a permis à la réflexion de suivre son cours.
Là où je vis la moitié de l’année, il y eut un violent juriste de formation qui força les choses, un politique qui plia les résistances et un homme fort qui vainquit les conservateurs. Et même si le vent souffla quelque peu dans la direction opposée, trente ans après lui, la femme libre reste présente et vaillante.
Et il se basa sur les écrits d’un intellectuel progressiste, qu’il lut, dont il partagea les convictions et dont il épousa l’esprit avant-gardiste : feu Tahar Haddad.
Je me souviens d’un séjour professionnel à Casablanca. Sur le chemin du retour, à l’aéroport, une femme forte, la cinquantaine peut-être - mais elle en paraissait bien plus - au vu du trafic, excédée comme beaucoup d’entre nous, s’adressa à un jeune policier exigeant de lui deux files, une pour les femmes et l’autre pour les hommes.
Évidemment, cela n’avait aucun rapport avec l’affluence des passagers ni avec l’attente, mais elle joua de ses petites lois assassines parallèles, de l’âge et de l’aplomb qui va avec, selon son mental de traditionaliste, probablement. Arrivée à mon tour, je refusai et me maintins dans la file des hommes.
- Cela ira plus vite, Madame, me dit l’officier.
- Non, répondis-je, c'est faux. Sinon, expliquez-moi comment.
Quand nous passâmes le portique, une valise à roues me fut lancée à l’arrière des genoux de la manière la plus inattendue, la plus violente, et la plus vicieuse par la femme qui voyageait avec la forte. Je compris le scénario, ce n’était pas compliqué. Un peu la bataille d’Hernani, entre conservateurs et modernes, un affrontement entre les tenants du passé psychorigide et les adeptes purs du progressisme et de la liberté. Je la toisai et vis son impuissance à être libre.
Deux lieux opposés : une prison à barreaux et à grosses clés où régnait le statique et où la moisissure rendait l'air irrespirable.
Et une arène de gladiateurs où l’objectif principal était de triompher. De toujours triompher.
Entre provocators. À armes inégales, chaînes asservissantes, liberté et détermination nourrie.
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