mardi 2 janvier 2024

Écrire Mme Halimi, 2

 






Existe-t-il encore aujourd’hui des êtres de scrupules, de conscience et d’accomplissement sur le modèle marquant et inoubliable de Mme Halimi ?



 

A dix-heures, elle suspendait le cours pour dix-minutes, ouvrait son grand cartable aux lanières de cuir terminées par des boucles en vieux doré. Il était d’un marron changeant par endroits et devait sentir le cuir, les tanneries anciennes. Elle en sortait un grand mouchoir blanc qu’elle étalait sur le bureau et y disposait médicaments, verre et bouteille d’eau. C’était le moment précis de sa prise de comprimés, magique pour moi qui l’observais avec la minutie d’un microscope. Je voulais comprendre ce cérémonial, ce temps lent, cette rigueur souriante au beau milieu de l’instruction et le sens m’échappait. C’était différent des leçons, mais je sentais qu’il y avait là un enseignement autre, un art dans le faire des choses. Aussitôt le verre bu, tout l’attirail retournait dans l’immense cartable avec le même sérieux et je me projetais d’ors et déjà dans la pause à venir. 

 

J’aimais Mme Halimi, mais j’avais aussi une certaine crainte de sa personne que je comblais en me rendant utile et en lui confiant mes écrits. Quand elle lut que je perdis un frère que je ne connus pas, qui mourut avant ma naissance, elle s’enquit de mes parents et voulut les rencontrer. 

 

« Ses cheveux d’ébène obscur flottaient au vent pur » Et il était blond comme le blé avec des yeux d’un bleu translucide et ne vécut pas suffisamment pour les avoir longs. Quelques mois à peine, mais suffisamment pour donner le diabète à mon père et une dépression de deuil à ma mère. 

 

Ce fut sans suite. Mes parents n’en surent jamais rien, enfin je crois. 

 

Un jour, que nous préparions la salle de classe pour le cours, Mme Halimi me regarda et me dit cette phrase étrange :

 

-      Notez bien Zein, qu’aujourd’hui, maintenant, là, nous faisons les choses et que demain, nous pourrions dans la plus grande des simplicités et de la manière la plus inattendue ne pas y être. 

 

Je compris que c’était important et surtout grave, mais je n’avais pas suffisamment d’aptitude à saisir l’imagé d’autant que j’apprenais encore le littéral.  

 

-       Maîtresse, je serai toujours là et j’adore vous aider.

 

Il fallut des lecteurs, des années, de l’âge et du temps pour que je saisisse le propos de Mme Halimi. 


Être et ne plus y être ... Et ce fut le début des dysphories, régulièrement. 



 

 


 

 

 

 

 

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