Scénario 4
I.
Écrire, peindre, mettre en images, dire … sont des formes d’expression artistique.
Lapalissade, me diriez-vous.
Évidemment, vous répondrais-je.
Mais il y a toujours l’ineffable. Et il s’agit de mettre la main dessus. Comme un graal rêvé, couru, désiré. Une énergie motrice qui nourrit cette recherche constante. Qui rappelle celle du bonheur, même pour celui qui choisit de se mettre la corde au cou.
Jusque-là, précisément. Parce que mourir ou choisir de mourir, c’est espérer la cessation de la douleur et donc tendre à un bonheur, aussi négatif soit-il.
Tous les matins, je consulte ma liste de dicibles. Je chauffe mes moyens de cerner l’ineffable et je pénètre ma forge de mots et d’images.
II.
Ce jour-là, je choisis une table au bout de l’allée pour manger ma salade de quinoa, ma pomme, mes deux figues séchées et pour boire mon eau plate. Il m’arrive de me rendre dans ce genre d’espace pour des emplettes rapides ou pour des cadeaux. Pour aussi observer un peu. Je laisse ma forge pour un temps, ma Bleue, mon monde de réflexion, d’images mentales, de chantier spirituel. Et c’est un souffle autre, un pied dans le réel marchand.
Ils étaient proches, me jetaient quelquefois des regards rapides, je leur souris, ils me rendirent mon sourire. De temps en temps, leurs mains se frôlaient et, à chaque fois, ils regardaient dans ma direction. Je portai mon attention sur le skydôme. Il faisait gris et il pleuvait et j’aimais ce temps.
L’idée germait. Encore du silence à transcrire et à mettre en images, dans la solennité, la discrétion et la beauté.
Je me levai, débarrassai ma table et m’apprêtai à partir.
- Au revoir, me dirent-ils, avec un sourire timide, presque coupable.
- Aimez-vous, leur dis-je.
- Merci, merci.
Je perçus une vraie sensibilité, embuée d’ailleurs, des deux côtés.
Un monde d’inquisiteurs et de messes basses alors que c’est si simple d’être dans le respect de la liberté.
III.
Comment dire l’amour silencieux autrement qu’à travers des doigts qui s’entrelacent dans la peur ?
Incipit :
« Je l’aime sans savoir pourquoi. Je l’aime dans le silence coupable des interdits sociaux. Ma contrée se moque, chasse, frappe et souhaiterait tuer les hommes comme moi. Pour eux, je suis une lopette. Horrible mot. Je suis fin et intelligent et je suis curieux de cet autre qui me ressemble et qui m’attire.
En société, je fais semblant, je réponds aux attentes des autres et je fais mine de regarder la gent féminine, mes sœurs de cœur. Je ne crois pas en l’âme, je ne la vois pas, je ne la touche pas, c’est une belle idée, oui.
Je crois que nous vivons, nous faisons notre chemin et nous partons. Le cimetière des molécules éteintes comme vous l’aviez nommé.
Mon chemin, je ne peux le choisir : ils ont fait le choix à ma place et cela fait mal là.
( Il porta la main à son coeur )
Je ne veux pas vivre en mentant et ils m’y obligent.
Je me souviens de ce moment de consécration, oui, de consécration, quand nous nous trouvâmes. C’était naturel et intense et indépassable. La ferveur d’approcher l’autre soi-même, avec sa singularité et sa différence. Évidemment, la mécanique des corps était puissante, elle s’était exprimée, mais nous désirions avancer dans quelque chose de plus éthéré.
Le saisissement du sens de l’existence, les doigts entrelacés, à découvrir, à décrypter, à interpréter les tentatives des êtres de sensibilité à construire du sens.
Il fallut contourner l’inquisition au quotidien. Montrez-le s’il vous plaît. »
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