Je dessine ton sourire dans le sable iodé
Elle quitta le cabinet du médecin en titubant. Dehors, elle chercha longuement sa voiture et ne la retrouva pas. Elle avait oublié où elle l’avait garée. Son esprit courait d’une idée à l’autre sans qu’elle ne puisse agir dessus. Son corps se mouvait tout seul, ses jambes molles avançaient difficilement.
Allait-elle s’évanouir ? Un taxi s’arrêta non loin d’elle, elle lui fit signe. Non, ce n’était pas la chance. Il n’y avait plus de chance. Il y avait qu’elle était hébétée et qu’elle avait perdu tout sens de l’orientation.
« Ce matin, j’étais moi. Comment revenir à mon quotidien ? A ma course effrénée et volontairement aveugle. Et puis les médecins font des erreurs. Ce serait bien ! Non, il l’avait clairement vu. Il avait la taille d’un œuf. Pourquoi n’avais-je pas consulté quand il était à peine perceptible ? Et mes enfants ? Ils avaient besoin de moi. Revenir à ce matin, revenir à ce matin … Ah, la belle bouffée d’oxygène … »
Il lui restait dans les trois mois à vivre. Une sentence qui semblait théâtrale. Comment pouvait-il savoir ? Était-il dans le secret des dieux ? Du néant ?
Les idées, les situations, l’anxiété, les regrets, la certitude d’exister, la possession de son corps, un sentiment d’irréalité, une fougue à reprendre les rênes de son destin … tout s’entrechoquait.
Arrivée chez elle, mue par une violence innommable, elle fit une salade, des toasts, de l’émincé de viande sauté, de la limonade. Ses gestes d’habitude précis et légers étaient rapides, secs, tremblants malgré la force brusquée qu’elle y mettait. Elle mit la table et alla sous l’eau. Elle avait toujours tout réglé avec l’eau. L’eau purifiante, coulante, régénératrice. Un instant, elle se sentit sous l’eau de la veille, son corps sain se prêtait à ses gestes de toujours : gant, solution lavante citronnée, crème hydratante. Elle allait s’habiller, sortir, s’offrir un plateau de fruits devant la mer …
Elle se glissa dans son lit, les cheveux mouillés. Chose qu’elle ne faisait jamais. Elle tremblait de froid et claquait des dents. Son esprit faisait naufrage et elle se sentait à bout de force.
S’était-elle évanouie ? Elle était seule chez elle, son mari rentrait le soir. Et la table dressée ? Pour qui ? Que lui arrivait-il ? Venait-elle de se réveiller ?
Tout tournait à une vitesse folle et elle se vit projeter dans un trou noir cotonneux et insondable.
Et le ressac, de nouveau, l'emporte dans ton eau ...
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