" Pas un bruit. Je me levai sur la pointe des pieds, me dirigeai vers la salle de bain, fit ma toilette et allai directement au salon. Elle était sur son ordi.
- Bonjour azizti*, je te croyais encore endormie, dis-je.
- Bonjour ma très chère amie. Non, je ne me suis pas levée encore mais même la nuit, il m’arrive d’allumer mon ordi. Allez, je prépare le petit-déj.
La table fut dressée assez rapidement. Café, biscottes, beurre, confiture, miel, yaourts, mangue retournée … Les sets d’allure japonaise donnaient du charme au coin repas.
M. s’activait, les odeurs du petit-déjeuner envahissaient l’appartement, M. riait. Je la complimentais sur sa table, son petit balcon, son hospitalité. Cette jeune femme était d’une gentillesse désarmante. Nous avions décidé de nous poser un peu le matin et de dîner le soir dans un restau sympa.
Elle parla longuement de la « Pnl utilisée à mauvais escient », je l’écoutais, la regardais. Elle y vit de l’intérêt, continua. Je ne voulais intervenir d’aucune façon, elle était tellement dedans.
- Cela fait dix ans que je me documente sur lui alors qu’au début je l’admirais.
- Mais comment pouvais-tu accorder du crédit à un tel bonimenteur ?
- Il a dû exercer un pouvoir sur moi. Et tu sais, que l’on se retrouve vingt ans ou plus depuis la fac, n’est pas fortuit.
Elle me regarda longuement, puis me dit :
- Je crois bien qu’il est responsable de la mort subite de ton compagnon.
Je lui fis part des circonstances de cette tragédie familiale.
- Pour moins de stress que cela, on part au beau milieu de la jeunesse.
Nous nous levâmes de table, elle refusa que je l’aide à débarrasser. Elle était d’une gentillesse vraie, sans égal et me reçut comme si nous nous étions jamais quittées. A la fac, nous étions amies mais nous étions trop jeunes pour voir les choses comme aujourd’hui. Elle était toujours souriante, riait aux larmes vite fait. Je pense aujourd’hui qu’elle cachait timidité et sensibilité. Sa grande qualité était la franchise et, je crois bien, que sur ce plan-là nous étions totalement d’accord.
- Là, je me pose, j’ai des réponses à publier.
Je partis sous l’eau, ma réponse à tous les malaises. L’eau balaie tout de ma tête, elle m’aide à voir plus clair aussi. Sous l’eau, je baigne en plein amnio avec, de surcroît, une capacité d’analyse au summum de sa puissance. Plus la sérénité, la vie.
Elle me sortit son plus beau linge, me conseilla sa fameuse brosse tournante à cheveux. Là que je me remémore cette jeune femme rieuse, si belle avec son r avalé, je ne peux arrêter une émotion forte et un difficilement descriptible sentiment de négation : c’est juste insupportable. On avait prévu de passer juillet 2020 à NY. Et elle n’avait plus d’existence physique.
Comment le dire : et si je ne l’avais pas retrouvée, aurais-je été si chagrinée ? Cette disparition, je l’ai, à ce jour, fortement au travers de la gorge. Pire au travers de la tête.
Nous passâmes la fin de la matinée et les trois quarts de l’après-midi chacune sur son Mac. Elle, à envoyer des messages subliminaux, le plus sérieusement du monde. Moi, à écrire aux miens et à préparer les questions du chef spirituel n°2. Dans un silence complet, consenti de part et d’autre. Chacune dans ses obsessions existentielles.
( A ce jour, tu m'obsèdes M. Tu n'avais pas besoin de partir. )"
*Azizti : ma chère.
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