Un été de désamour, entre analyses psychologiques et déconvenues.
Les uns et les autres.
I.
Il plongea dans l’eau et mêla ses eaux à celles de la Bleue. Évidemment que les hommes pleurent. Comment peut-on croire l’inverse ? Seraient-ils faits d’une pâte autre, résistante aux désenchantements ?
Le mensonge des schémas sociaux d’ici et d’ailleurs. L’homme fort et imperturbable, l’homme puissant et invincible … Un délire qui pousse bon nombre d’entre eux aux dépassements pas forcément bénéfiques, au jeu, à la surenchère et à l’inflation. Et in fine, à l’implosion.
Les hommes pleurent et, par pudeur, ils le font dans l’obscurité, ou dans l’eau, seuls avec eux-mêmes. Dans le silence, ce mal rongeur et fatal.
Il faisait des crawls musclés et pleurait tout son soûl. Un mélange de force de montre et de fragilité. La vie lui était lourde, quelquefois difficile, sans saveur. Il perdit père, mère et frère, rata sa vie personnelle et trainait deux enfants peu outillés physiquement … Des handicaps assez compliqués. Pourtant, il y faisait face, mais les jours n’étaient pas aisés. Bien loin de là …
Il pleura durant toute la baignade. Ses eaux lacrymales se mêlèrent à celles de la Bleue. Il pleura sans mot dire, sans grimace, sans bruit … Ses larmes coulaient, il le savait. Il en avait beaucoup dans la poitrine, au cœur, sa tête avait frôlé le grésillement …
De déverser ses eaux dans l’eau iodée lui fut salutaire.
II.
Par quel déterminisme fut-il poussé vers elle ? Quel vide intérieur combla-t-elle en lui ? En quoi correspondait-elle à ce qu’il croyait être les valeurs masculines des prédécesseurs ? Quels prédécesseurs ? Ceux du XIXème siècle ? Était-ce sa naïveté et sa bêtise avérées ? Pourquoi le passé serait-il un fil conducteur ?
Vérifia-t-il la dignité des anciens ? Ne savait-il pas qu’ils étaient bien plus regardants qu’il ne le fût de toute sa vie ?
Un môme pressé de devenir un homme, parce qu’à l’adolescence le corps domine, devient un enjeu, puis une obsession, surtout quand le rationalisme est au poids mort. Un môme bête, sans volonté ni perception des choses. Et la grande Porte de la vie lui fut claquée au nez et il mourut à dix-huit ans, sans s’être exprimé, sans avoir édifié, sans même avoir voulu.
Une vie bête, inutile, statique, courte où seuls les instincts vociférèrent dans un désordre complet.
Baisser du rideau.
III.
Les petites gens.
- J’ai quand même réussi, dit-il.
- A quoi faire ?
- A parvenir à mes fins.
- Lesquelles ?
- Je me suis offert un joli présent.
- Le plus beau des cadeaux n’est-il pas celui que l’on reçoit de l’autre ?
- Je ne l’aurai pas eu.
- Alors arrêtez de pérorer, cela n’a pas de valeur.
- Je veux croire l’inverse.
- Alors continuez à vous mentir. Mais il y a un océan entre l’autre qui pense à moi et moi-même pensant à ma petite personne. Je vous dis les choses et vous n’êtes pas à votre première méprise. Les choses vraies ont un autre goût. Celui de l’authenticité. Vous ne l’avez pas eue.
- Tant pis. J’ai peut-être eu des miettes, c’est déjà cela.
- Il y l’élégance morale. Et puis, la trivialité.
IV.
La jeunesse est belle et l’être humain en est inconscient.
La maturité est admirable et souvent l’humain la dépare à coup d’anxiété et de peurs.
La vieillesse est une chance ontologique, une promesse tenue et inespérée et bon nombre se retrouvent à ne pas savoir avancer un pied et puis l’autre.
Le temps fuit, les poètes de tous temps l’ont claironné, les artistes essayent de le saisir et les écrivains le gravent et le cisèlent sur la pierre. La pierre, qui a la vie plus longue que n'importe quel autre support, certes, mais qui finit par être oubliée ou lâchée, abandonnée … Les tablettes d’argile de l’ancienne Mésopotamie n’intéressent que les spécialistes du métier. Pourtant, leur richesse est infinie et leurs lectures devraient être renouvelées et vulgarisées.
Le temps fuit et en fuyant, il égare l’esprit de l’homme irrationnel qui ressemble au mois d’août : brûlant, empressé, court et vaquant à mille plaisirs dans un désordre des plus chaotiques. Y puiser encore, ne pas en être privé, se servir plus d’une fois … Gloutonnerie de ceux qui s’aiment sans élégance. Insatiables.
Il se rappela de ce grand adulte pressé d’en découdre avec le poids des artères dans une logique névrotique, égotiste et irréfléchie. Vital combat, n’eût été l’oubli des engagements et le mensonge. Logique de l’auto-présent, parce que je le vaux bien.
Et cet Assis des jours et des nuits, à l’opposé de tout, lui.
Même de la vie dans son acception consentie de tous.
A regarder défiler le temps comme autant de pages tournées sans lecture suivie.
A espérer un sursaut extérieur qui ne viendra pas, parce que la vie est praxis et non vœux pieux.
Il regarda au dehors, un temps maussade et lourd. Il maugréa quelque chose, se leva promptement et alla jardiner.
- Cultive ton jardin, se dit-il. Il n’y a que cela pour durer.
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