La Passante, 4
Je traînais derrière moi un passé d’homme bâclé, des épisodes de vie peu réfléchis, un dur désir de bonheur tardif … Et puis, cette dame. Qui était-elle ? Était-elle libre ? Pourquoi m’obsédait-elle et pourquoi avais-je des craintes ?
Évidemment, j’étais à l’âge des craintes, des peurs des glissades, naturellement … Compréhensible dans ce segment 50-60, mais j’étais aussi fortement mû par une attirance, un mélange de curiosité et d’intime conviction que c’était la personne à connaitre.
Si dans la vie professionnelle et pratique, j’étais pas mal avisé, en matière de femmes, je ne savais pas faire, je ne prenais pas les devants et trancher d’une manière ou d’une autre n’était dans mes cordes. Je me laissais entamer. Ou je m’étais laissé entamer.
Là, c’était, il me semblait, bien différent : un air autre, le calibre de ma mère avec une empreinte fortement moderne, une stature toute pareille, mais plus contemporaine et puis, cette réserve infranchissable. Je le sentais.
Je pris des habitudes avec notre connaissance commune et nous réservâmes nos vendredis matin tôt à des rencontres autour d’un café. Nous parlions politique, entrepreneuriat, culture et ces dames arrivaient quelque temps après nous, s’asseyaient à trois, quatre mètres et commandaient. On se saluait, quelques courtoisies et chacun restait dans son camp. Et je faisais du sur-place intérieurement. Et je voyais le temps filer. Et je désirais échanger quelques mots avec elle. Et je ne savais quels prétextes mettre en avant. Et l’âge, l’autre, sa personne, sa maturité, mon autoprotection artérielle et spirituelle rendaient l’entreprise périlleuse et escarpée.
Et un matin, j’allai au Café de la Mer bien plus tôt que d’habitude et je l’y trouvai. Elle était seule, un ordinateur allumé sur sa table. Je rêvai d’une batterie agonisante et qu’elle n’ait pas de chargeur. Nos regards se croisèrent. Je lui souris.
- Je vous offre un café ? lui dis-je, à brûle-pourpoint.
( À suivre )
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