jeudi 22 août 2024

Le désamour creuse, fin

 La Passante, fin 






Et nous devînmes amis et ce fut très difficile de feindre et fort agréable de communiquer. Nos rendez-vous étaient au Café de la Mer les vendredis matin, quelquefois le mardi, vers 7h30. Quand elle arrivait plus tôt, elle se mettait sur son ordinateur et j’ouvrais mon journal. 

 

Des habitudes se mettaient en place, d’échanges, de sourires, d’espaces personnels entre nous tous. Nous étions une bande d’amis et les habitués du Café. Elle était fort discrète. Et je ne sus d’elle que son métier, ses déplacements fréquents, le domaine d’activité de son fils unique dont elle parla une ou deux fois avec passion. 

 

Elle mettait toujours une muraille entre elle et les autres, faite de sérieux, de politesse, de mots aussi. Je me rappelle l’avoir entendu dire à quel point c’était laid et malaisé d’étaler sa vie privée au point où je m’étais senti visé vu que j’avais évoqué mes échecs personnels. 

 

Elle parlait pour elle en réalité afin de poser les balises de son périmètre. Dès l’instant où la conversation s’emballait dans un sens ou dans l’autre, elle participait peu et se limitait à sourire discrètement. 

 

Une de ses amies la charria gentiment un jour et s’exclama : 

 

-       Avec So, vous avez quatre ou cinq sujets de conversation : les études, l’architecture, les enfants, le civisme, l’avenir du pays … N’espérez rien de très excitant ! dit-elle en riant aux larmes.

 

 

Était-ce pour moi ? Je ne saurais le dire d’autant que je ne m’étais pas trahi. Mais ces dames étaient fines et de poigne et nos égales en tout. Peut-être que c’était la raison principale qui fit qu’à deux reprises, je tombai dans la trappe de la médiocrité. C’était des femmes impressionnantes, intelligentes et dignes. Ce n’était pas des pros des attrape-nigauds.

 

Pourquoi faut-il que la conscience se forge avec le temps, du moins chez moi ? Pourquoi les choses se déroulèrent-elles sans que j’eusse su les mener ? Pourquoi cette fragilité de l’être humain devant l’incertitude de l’avenir ? Pourquoi la jeunesse est-elle si bête sur le plan choix de vie et relationnel ? Pourquoi l’homme en moi ne convainquait-il pas les femmes structurées, les femmes dignes et édificatrices ? 

 

J’étais triste. Mon passé cassé faisait que les trentenaires galbées ne m’intéressaient pas, contrairement à certains de mes amis. Je voulais de la structure, de la confiance et enfin de la paix. La chance ne me sourit pas. 

 

J’appris pas mal de choses sur cette belle dame. Il y avait de l’espace possible dans sa vie, mais elle en interdisait l’accès. Peut-être que cela ne l’intéressait pas. Peut-être que son vécu lui enleva le goût de continuer en tant que femme. Peut-être que ces femmes étaient différentes de nous, les hommes. Peut-être qu’elle a été longtemps femme et que là, elle choisit d’être autre chose … Je n’en savais rien véritablement. Juste que je ne gagnerais rien à prétendre. 

 

Pourtant, j’estimais que j’avais encore droit à la Vie en quinqua avancé.













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