vendredi 16 août 2024

Le désamour creuse, 9

 La Passante de Baudelaire, 3







Mon premier mariage a été un traquenard. J’avais dix-neuf ans et un corps douloureux à force de silences. Je fonçai les yeux fermés et le piège se referma sur moi, violemment. La toute première fois. "Le grand dadais".


Ce fut tragique pour les miens, j’étais fils unique et ils partirent assez vite. 


 

Mon deuxième mariage eut lieu suite aux encouragements de ma mère mourante : elle voulait partir en paix. Ce fut l’enfer pour moi : non seulement je ne l’aimais pas, mais en plus, elle ne me plaisait pas, me paraissait mielleuse et sournoise. Elle jouait le jeu de la grande élégance et de l’éducation basée. 


 

C’était une rencontre fortuite et, très vite, ce fut de petites attentions : des croissants chauds à partager, des pâtés succulents de chez le meilleur artisan boulanger-pâtissier. Elle passait à mon lieu de travail, disait adorer ses petits moments, s’attardait peu. Nous prenions la collation ensemble et elle partait comme une fleur. 


 

-       Ne forçons pas les choses, disait-elle. Alors même qu'elle ébauchait au millimètre. Et que je savais.


 

Ce petit manège calculé et complètement idiot me devint agréable. Pourtant, je ne pensais pas mariage, mais plutôt relation libre et je savais au fond de moi qu’elle campait un rôle. Elle voulait se marier. Et le lendemain même de notre union, je compris que j’avais un problème sérieux. Elle mit la main sur des biens qui n’étaient même pas à moi tout seul. C’était calculé de bout en bout. Elle avait vu mon désamour et le vécut comme une humiliation. Pourtant, je jure avoir été correct. Et largement bête.


 

Voilà pourquoi, je rêvais de cette belle apparition, de bonheur tardif, parce que la cinquantaine n’est pas un milieu de vie. Non, c’est faux, la cinquantaine est un pied à l’étrier du chapitre final que l’on souhaite long. Un chapitre chaotique aussi, mais la sagesse impose de mettre le curseur sur la douceur, la bienveillance, la conscience de la valeur Vie.


 

Les raisons qui faisaient que je fréquentais assidûment le Café de la Mer et je compris que les vendredis matin étaient jour de rencontre de ces dames.


Et puis, nous fûmes présentés l'un à l'autre et, mon coeur de cinquante ans plein de rêves, bondit dans ma poitrine et, par chance, personne n'en vit rien. Elle était réservée, placide et fortement mature. Elle me serra la main vite fait et fut peu loquace. 



 A suivre 









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