La Passante de Baudelaire, 5
Nous sommes tous en besoin de reconnaissance, de validation comme disent beaucoup les jeunes d’aujourd’hui, même les sur-validés en ont besoin.
Pour ceux-là, seul le public change et cela devient affaire de standing social ou politique ou intellectuel … Là, j’avais besoin d’une validation dans mon amour-propre d’homme traînant des casseroles, frappé par la malchance ou par ma bêtise avérée en matière de femmes.
Et en une fraction de seconde, je me trouvai penaud devant cette femme.
- Merci, j’ai déjà pris un café et j’attends mes amies pour en reprendre un autre. Je vous en offrirai volontiers un, si vous voulez.
- Avec plaisir, répondis-je. Je m’attable, j’attends notre ami commun.
Elle résolut de m’en offrir elle un. Par pure politesse, je le sentais. Elle sécurisait son terrain. Clairement.
Qui était cette dame ?
Pourquoi cette grande réserve voire cette raideur ? J’étais un familier. Un bon moment que l’on se croisait désormais, elle aurait pu être plus en confiance. Nous étions à deux mètres l’un de l’autre.
- Je viens tôt pour travailler un peu en attendant que mes amies me rejoignent, dit-elle poliment, en souriant légèrement.
- Vous travaillez en ligne, je vois.
- Oui, dit-elle. Je reprends officiellement dans un mois. Je me remets dans le bain, un petit peu.
- Vous avez raison, lui dis-je.
J’avais envie d’engager la conversation, de lui demander dans quel domaine elle était, mais sa réserve, ses doigts sur le clavier rendaient la démarche difficile et j’avais perdu l’assurance de la jeunesse. Je déployai mon journal et m’y plongeai.
- Je suis architecte, dit-elle, lisant dans mes pensées.
- Un beau métier d’édification, dis-je.
- Ce n’est pas faux, dit-elle, dans un sourire de politesse.
Et ce fut tout. Et les amis arrivèrent. Et nous nous saluâmes tous avec plaisir. Elle éteingnit son portable et je fermai mon journal et nous échangeâmes tous sur la pluie, le beau temps, l’âge, l’amitié, les petits plaisirs de la vie des personnes matures et de bon sens …
C’était une Dame, bien debout et bien assise, calme et perspicace, dans son monde de conceptrice, d’entrepreneuse et de consolidatrice. Une Dame avec probablement des fêlures qu’elle colmatait elle-même, dans la discrétion et l’efficacité, la liberté personnelle.
Nos vécus nous déterminent. Je la sentais complète et je me savais comme sur un palier aux portes fermées. Quelquefois, les hommes apparaissent dans leur nudité complète surtout en comparaison avec ces femmes fortes et résolues. J’avais besoin de vie authentique et j’étais un projet en soi. J’avais besoin d’un bras édificateur et équilibrant et je m’étais trouvé devant une personne en autogestion et en autosuffisance. Je pouvais tout au plus aspirer à une amitié. Je l’avais saisi. Et nous devînmes amis.
( À suivre )
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