I.
L’histoire de ce Monsieur était fort singulière.
C’était un asocial, un solitaire, un tourmenté …
S’il a raté son parcours d’homme comme le pensent la plupart, c’est qu’il ne pouvait fonctionner avec le préétabli, les schémas sociaux prêts à l’emploi. Il lui fallait son bras, son architecture. Entreprise complexe et exigeante. Pour les autres, c’était un fou. Pour l’analyste, un homme de trouble, d’intelligence et de pensées, un hyperinterprétatif …
Les configurations normatives n’étaient pas pour lui. C’était un inventeur au delirium spécifique et rare. Le prix fort de la rareté.
II.
« Le désamour creuse et continue de creuser. Nous venons seuls au monde et nous y mourons seuls.
Qu’avons-nous fait de nos vingt-ans ?
Beaucoup et si peu de choses. On le comprend toujours après. Vingt ans, l’âge des hormones, des sens et de la fulgurance. Le rationalisme a peu de poids, il est rachitique et largué. Pauvre de lui, mais il se vengera fort plus tard, bien plus tard, quand il reviendra en force.
Les mots si puissants, n’ont pas assez d’élasticité pour signifier un vécu court et intense. Les mots, cette si noble entreprise, honnête et vraie. Les mots pour dire, pour témoigner, les mots pour rêver et pour transfigurer, mais les mots surtout pour être exact et précis, pour rendre compte de ce qui est, afin qu’on sache la vérité.
Ces mots puissants peinent à exprimer les vingt-ans, ce temps lointain, intense et éclaté où vivre prend toute sa démesure. Vivre à tout prix et contre tout, tout contre. Qu’avons-nous fait de nos vingt-ans ?
Beaucoup et si peu de choses.
Beaucoup et si peu de choses. »
III.
Non, cette région rocailleuse et glacée m’est inconnue. De même que cette vieille dame dans son alcôve sombre sentant les repas inachevés.
Je n’ai pas connu Mike et Marie, ce récit en abyme, dans le récit central, je les ai fabriqués de toutes pièces. Cette rue en pente m’est étrangère et je n’ai jamais foulé son sol.
Ce délicieux pain à l’oignon, recette chinoise probablement, je ne l’ai jamais goûté.
De même, je n’ai jamais connu cette dame placée par son époux à Dar Jwed, la prison pour femme de la 1ère moitié du XXème siècle …
Écrire est un exercice complexe et vertigineux qui consiste à fabriquer des récits à partir de son imaginaire, peu sain ce dernier, certes. Puisque nourri de lectures, de fictions multiples et variées, d’histoires et de ouï-dire, de combinaisons inhabituelles, de trompe-l’œil et de juxtapositions … Peu d’écrivains ne se racontent pas, très peu, c’est une réalité, mais il y a l’art de faire et de jongler avec les mots.
Retenez que raconter ne signifie pas se raconter et que se raconter ne revient pas à narrer son histoire personnelle. Nous avons à l’esprit une infinité d’histoires, nos histoires personnelles sont nombreuses aussi et raconter ou se raconter se fait de diverses manières.
J’avoue abhorrer l’impudeur de l’autobiographie et apprécier l’élégance des fragments. Les fragments glissés, subrepticement.
Non, Les Y du T, Sobel, ne sont pas du tout autobiographiques. Ce sont d’innombrables histoires imbriquées les unes dans les autres, une toile de fond historique et réaliste du vieux Tunis de la fin XIXème siècle à nos jours.
Je suis en guerre impitoyable ces derniers temps avec une nouvelle fiction, compliquée, humaniste et fort intéressante. Difficile aussi.
Un accouchement probablement au forceps en janvier 25.
A suivre
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