Être un homme et mériter du genre humain est chose peu aisée. Sans liberté absolue, ajustable à sa guise et selon sa perception des choses, il n’y a pas d’humanité. Il y a accommodement, allégeance ou soumission.
L’accomodomment passe encore, c’est un compromis, un libre-arbitre.
" Une Mamma m’a mis au monde et je lui sais gré. De m’avoir porté, de ma naissance, de l’éducation qu’elle m’a donnée, des réprimandes que j’ai méritées … Et je ne sais si j’ai été un bon fils. On est tellement bête quand on est la progéniture de sa mère, oui tellement.
Je me rappelle qu’un jour, je lui dis de but en blanc que je voulais être une bonne personne avec elle et puis avec les autres. Et elle me répondit avec sa philosophie habituelle, qu’il fallait que je pèse tout dans mon attitude, surtout à l’égard de ceux avec qui je ne partage rien.
Elle avait un vécu empli de déceptions, de mensonges et de versions multiples … Mais pour ne pas trop se regarder comme une cruche, elle n’en garda que le meilleur.
- Attention, pas de confiance aveugle. Pas de blanc-seeing ! Sois rationnel. Je t’ai tout appris. Pour ma part, j’ai eu des moments-pépites.
Oui, tu m’as tout appris, sauf à te placer au-dessus de tout et de moi-même en particulier. Ma petite personne. Parce que c’est une question de temps, les concepteurs.
Le père, évidemment. Mais la mère est d’un calibre différent. Affaire de cordon, bien que coupé.
Je ne sais pas, je ne sais plus … J’entame une nouvelle décade et il m’arrive souvent - quand je n’y prends pas garde - de ne plus trop savoir les choses, le passé, ce qu’il en avait été, le présent … Il y a de la confusion, j’avoue, des allées-venues, bien des remords et quelques regrets … Chaque décennie a ses obsessions, mais ne t’inquiète pas, je ne m’y complais pas. Je les chasse et tous tes enseignements sont bien là encore, mes conclusions aussi personnelles et puis cette dynamique heureuse qui consiste à tout retourner, à dépoussiérer, à redémarrer …
- Tu as bien raison, on passe sa vie à se corriger quand on est un être sensé.
Mamma, je te porterai dans ma tête jusqu’à la fin de mes jours.
Dans toutes les villes où je suis passé, j’ai vu de vieilles maisons devenues austères par la puissance du temps qui passe. Elles gardent, cependant, quelque chose de noble. Jusque dans leurs silences. Il y eut du rire, des tronçons de vie et puis le silence et la pierre reste debout, seule, mais debout. Comme pour narguer les flots, pour résister, garder les souvenirs et attendre qu’un passant imaginatif raconte son histoire, qu’il ignore, mais qu’il sent fortement.
Je me souviens de cette grande maison du sud, de son immense jardin et de ses araucarias. Deux rangées qui bordent une allée de voiture et des ramifications à n’en plus finir. Et puis, des cyprès, deux rangées également, de part et d’autre des extrémités de la demeure. Sur fond de pelouses identiques, de part et d’autre.
Au vu du vert éclatant, de la régularité de l’herbe, on devinait l’entretien. Mais pas une âme qui vive. Toutes les fenêtres de la devanture, imposante par ailleurs, étaient fermées. A toute heure. La demeure restait dans son jus, mais sans les siens, sans les bruits, sans les rires. Le temps s’était chargé de faire table rase de toute une histoire familiale.
Et pourquoi donc, cela m’interpelle-t-il ? Est-ce parce que je quitte une décade vers une autre ? Pourquoi le spectacle du vide laisse-t-il des sillons de tristesse en moi ? Dis Mamma ! Est-ce parce que j’ai vu le vide des bouches, des êtres, des demeures … ?
Non, je ne suis en manque des jupons de ma Mamma, ni en manque de jupons tout court. Je crois que je suis un homme abouti. Plutôt. Mais mes insuffisances me rattrapent, la bêtise de mes vingt-trente ans, mon inconscience et mes exigences impossibles.
L’insupportable de l’existence, c’est qu’on ne sent pas toujours les choses en temps et en heure et par conséquent, on est peu réactif. La maturité a ce prix-là, inestimable.
Aujourd’hui, je me suis parlé à moi-même, je n’ai pas été chez le coach. J’avais noté la fois dernière qu’elle réprimait des bâillements. Ce n’est pas bien grave, je sais. Même si je lui livre ma vie et mes pensées, mon intelligence … Il y a des jours où je trouve que la simplicité d’esprit offre quelques avantages. Mais ce n’était pas possible, mes parents n’auraient pas aimé et moi non plus …"
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