jeudi 24 août 2023

Un dur désir de dire les choses, 2

 








L’intériorité humaine est une étendue vaste et complexe. Ses ramifications infimes, petites et grandes sont alambiquées au point où il est impossible de tout cerner et de tout saisir. 

 

Le plus doué des psys, après écoute et observations diverses, fera des recoupements et aura recours aux schémas généraux. Et cette machine d’éléments constitutifs, de vécu, de situations, de ressentis, de carences, de nœuds … cette machine de l’enfant que tout un chacun a été est fréquemment sous le joug dominateur de l’inconscient. 

 

Voilà pourquoi une oreille professionnelle - qui a su se préserver : nous sommes tous sur le même navire - installe d’emblée la parole et titille dans un second temps la conscience.

 

Et l’humain apparait dans son immense nudité et dans sa fragilité évidente. Les moins lésées sont probablement les personnes les plus debout d’entre nous. Parce que la praxis vraie engage tout notre être et laisse peu de place aux ruminations. 

 

Un corps tendu dans l’action comme la corde d’un arc, un objectif tracé, visé, entretenu, servi, sans relâche, nous maintiennent à peu près dans un état de santé psychique assez équilibré. Quand le tout se base sur la patience, la détermination et la rigueur. A peu près. 

 

« Ce fut fantasque, déstabilisant, déséquilibrant, en dents de scie et j’avais perdu la main sur moi-même. Dans ces cas-là, le questionnement revêt toutes les couleurs.

 

Que m’arrive-t-il ? 

Vais-je mourir ? 

En est-il fini de moi ?

Pourquoi suis-je devenu si peu indépendant ?

Où est passée ma force ?

Pourquoi ma force rationnelle me quitte-t-elle en présence de la chose ?

Qu’est-ce que cette certitude de danger extrême et de mort imminente ?

Qu’est-ce que cette noyade de dix minutes, de vingt ou de matinée comme vécue une fois ?

 

Tous les spécialistes du corps eurent à se prononcer. Une fièvre, comme une fièvre … Apprenez à l’anticiper. Mettez au point une stratégie de défense. Respirez et arrêtez la peur …

 

Mais justement je ne pouvais pas. Mon rationalisme faisait place nette et j’étais sous la domination de pulsions folles et indomptables. 

Il a fallu du temps, un rythme saccadé, un rythme nouveau et enfin mon rythme d’avant, mais surveillé de près. 


Le rythme saccadé était géré par la peur diffuse et collante, quand elle survenait. 

Le rythme nouveau était le résultat d’une conscience en alerte qui fit le choix de bannir des lieux et des situations, d’en promouvoir d’autres et de focaliser sur le sport. D’abord léger parce que les bras me tombaient, ensuite régulier, enfin rapide. 


Ma force revint peu à peu. J’aidai avec des produits naturels, du millepertuis, du gingembre, des noix, du citron, du miel et du magnésium. Une potion magique concoctée par les soins de mon épouse qui ne dit qu’un seul mot sur une année entière : 

 

-       Mon chéri a une fatigue passagère.



Quand je réussis à, pleinement, saisir le phénomène trouble panique, burnout, je sus anticiper et dérouter. Souvent. Restait à questionner un mal être profond que j’enfouissais au fond de moi-même et que je refusais d’admettre.

 

-    Tout m’a réussi et c’est juste une fatigue passagère, disais-je, aux miens très proches, ma femme et mes parents, inquiets en silence.

 

Ma femme fut formidable de douceur et d’amour. Elle fit preuve d’une retenue dans les mots fort diplomatique, pourtant c’était une personne pragmatique, mais elle comprit qu’il fallait me laisser naviguer seul. L’amour physique m’aida beaucoup et elle fut prompte à m’aimer, à donner d’elle-même, à me câliner au fort de la période sombre et après aussi.


 

-      Tes mains sont aussi douces que celles d’une mère, enfin je crois, lui dis-je, un jour qu’elle me massait la tête, le cou et les épaules. 

 

 

Et ce fut l’ouverture d’une porte secrète et fort lointaine de l’inconscient.

 

L’étude minutieuse de l’album de famille, des échanges fréquents avec mes parents, dans la tendresse et la douceur, me décrispèrent. 

 

Et, bien après, des visites régulières chez mon oncle et ma tante. 

 

Bien après, certes, mais elles eurent lieu et dans les mots. Les mots libérateurs, les mots réparateurs, les mots correcteurs et les mots de la vérité. »

 





 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire