dimanche 13 août 2023

Il faut aussi le dire, expressément ...

 





Aujourd’hui se tient le procès le plus retentissant et le plus spectaculaire du XXIème siècle.

 

Elle fut introduite dans la grande salle d’audience et un long murmure monta de l’assistance. Le maintien fier, l’œil farouche et insolent, elle faisait personnage mythologique. De la race des dieux, une Antigone. Cela promettait. 

 

Nous étions en 2020, il y avait dans l’air une ambiance électrisante, quelque chose d’antan. A-t-on idée, en ce début XXIème siècle, d’intenter un tel procès ?

Elle fut démenottée et elle se massa les poignets. L’assistance chuchotait et un rappel se fit entendre. C’était le début du procès. Je retins mon souffle. 

 

Le juge de la cour fit son entrée et tous se levèrent. 

 

Je l’observais et elle semblait indifférente à tout ce qui l’entourait. Aussitôt les préliminaires d’ouverture de procès terminés, le juge d’instruction prit la parole et ce fut des charges à n’en plus finir. Des chuchotements se faisaient entendre de temps en temps au milieu de la voix de ténor du juge. 

 

Et puis, ce fut à son tour de répondre aux questions.

 

-       Que pensez-vous de la mécréance ?

 

-       Je l’appelle liberté.

 

-       La liberté d’offenser Dieu ?

 

-       La liberté de son évolution propre, des péripéties de sa vie.

 

-       Ne croyez-vous pas que cela est dangereux pour notre société ?

 

-       Non. C’est un cheminement personnel.

 

-       Mais vous en parlez !

 

-     Je décris mes étapes de vie, l’impact des épreuves sur ma personne, le poids de la connaissance aussi.

 

-        Croyiez-vous en Dieu ?

 

-        Oui, comme tout le monde. C’était la becquée culturelle d’office. 

 

-       C’est ce que nous partageons tous.

 

-     C’est ce que j’ai partagé avec vous. Jusqu’au moi, d’abord balbutiant, ensuite laborieux.

 

- Laborieux pour tuer Dieu ? C’est un crime d’apostasie, fit-il, théâtralement à l’intention de l’assistance. Un crime d’apostasie, répéta-t-il, d’une voix tonitruante.

 

-      La liberté ne peut être un crime. C’est le lot des hommes. Tous. Que me demandez-vous ? Que je taise mon vécu ? Que j’efface tous les livres lus ? Que je gèle mon décryptage des choses ? Que je bloque mon intelligibilité du monde, des êtres, des situations, du processus de mon ouverture spirituelle ? Que je nie être un esprit exponentiel toujours en quête de saisissement ? Non, je ne le peux pas et je ne le veux pas. Vous appelez à l’uniformité et j’appelle à la liberté première, indépassable et ontologique.

 

-    M. le Juge, par ses mots, l’inculpée vient d’avouer d’elle-même. Son crime est puni de mort. J’appelle à son application. 

 

-      Vous appelez ainsi à l’abolition de l’esprit, dit-elle, d’une voix fort calme. Il faut aussi le dire expressément. Et l’écrire. 








 

 

 

 

 

 

 

   

 

 

 

 



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