Je ne sais si cela dura quinze ou vingt minutes, mais cela suffit pour raconter une vie ou presque. Je ne m’étais pas trompée sur l’élégance naturelle du Monsieur - alors même que je ne savais pas encore qui il était. Et il se raconta spontanément. Parce qu’il savait qu’il était en terrain plutôt sûr. Et c’était vrai.
Les hommes sont bien plus fragiles que les femmes parce qu’ils cachent leur sensibilité et que la société exige d’eux une masculinité à toute épreuve.
Un écorché de la vie comme tant d’autres, ceux qui marchent droit mais qui ne savent pas se prémunir des prédateurs, qui ont la faiblesse de ne pas savoir quelles portes laisser fermées, définitivement. L’exigence est une qualité, le rationalisme aussi, mais certains jeunes gens emportés par la jeunesse, la fougue du corps se laissent entrainer, s’embourbent et s’y perdent.
Ils étaient deux à s’être englués dans les marécages de la médiocrité et des vociférations.
L’intelligence de l’autre est une protection pour soi, sa droiture, sa rigueur et sa morale. Voilà pourquoi il est utile et prudent d’être exigeant. L’intelligence vraie, simple, celle du cœur et de l’esprit parce que même là, il faut savoir reconnaitre le bon grain et ne pas s’arrêter au clinquant de surface.
Il se raconta à la sœur d’un ami qu’il connut enfant, probablement nostalgique de ce temps à la pureté inégalée, où deux protecteurs invincibles veillaient sur leurs enfants. Mais nous ne sommes pas destinés à demeurer des enfants toute notre vie et il faut savoir parer aux éventualités.
J’ai eu de la tristesse intérieure pour cet enfant inaccompli, mais rien ne parut et je dis vite fait la nécessité de continuer à vivre et de fabriquer du bonheur, des bonheurs, insistai-je.
J’avais de la tendresse fraternelle pour ce profil d’homme, mais très peu de compréhension, tant il était crucial à mes yeux de choisir où évoluer, comment évoluer et quelles opportunités de vie se donner.
Ma fille vint et je fus soulagée. Je n’avais pas d’aide à offrir à la candeur excessive et à l’absence d’aspérités et je n’aimais pas la gentillesse sans condition. Je le présentai à ma fille, quelques amabilités et nous nous saluâmes.
- Je ne manquerai pas de lui transmettre, lui dis-je, avec un sourire.
Ma fille me demanda si son oncle et cet ami se voyaient encore.
- Non. Deux vies suspendues par manque de fermeté, de savoir-faire et de défiance. Dans ces cas-là, la politesse est une mollesse. Parlons d’autre chose s’il te plaît.
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