jeudi 23 janvier 2020

Carnets de psy, IV





« Elle me regarda et me dit : « Tes jambes sont trop blanches, elles sont moches. Ne mets plus de court. »

J’ai exactement les mêmes jambes qu’elle. 

Je n’ai jamais oublié que le jour de mon mariage, elle porta, elle, les bijoux que je reçus en cadeau de la part de mon mari. Je veux partir d’ici, loin, je ne veux pas avoir à m’occuper d’elle, le jour où elle tombera. Je ne pourrai pas.

Je ne sais pas dire non, je ne sais pas faire mal et je n’ai jamais eu confiance en moi. Jamais.

J’adore la psychanalyse et je lis beaucoup tout ce qui est en rapport. Je crois que je me lis en permanence et mon époux qui s’y connait m’aide beaucoup.

J’ai compris tout récemment que mon père ne gérait pas, ne gérait rien du tout. C’était elle. C’est elle.

Mais pourquoi ai-je été si mal aimée ? Pourquoi ? 
C’est vrai, l’aîné ou on le sur-réussit et il peut être castrateur pour ceux qui suivront. Ou on expérimente le faire éducatif sur lui et on brise quelques os de son âme.

( Elle pleurait doucement. Le nez bouché. Ses mains douces et expertes continuaient à travailler. Elle donnait de la souplesse, de l’hygiène, du bien-être et pleurait en douce. Elle avait 50 ans, en faisait 38. Elle pleurait à 50 ans une enfance malmenée. Elle comprenait mais ne comprenait pas en réalité. Une douleur saisissante. )

« Non, je ne peux pas lui dire tout ce que je pense d’elle. J’ai essayé mais ils le prennent mal. Peut-être le faut-il mais je ne pense pas avoir le cran nécessaire. Oui, vous avez sûrement raison, je prends trop sur moi, je ne peux exprimer mon mécontentement, ma peine, ma douleur. 

J’ai perdu mon père de substitution, je l’aimais tellement. Lui-même a été écrasant avec son fils mais il se rattrapait en m’aimant moi. C’était mon vrai parent. Je le pleure toujours.

Je crois que j’ai encore d’énormes carences affectives. Peut-être sont-ils devenus parents après moi ? Mais je suis celle qui ne déchire pas le voile sur ces innombrables petites peines que j’ai en moi. Pourquoi déjà ?

Je ne sais pas si je peux lui envoyer tout cela. Peut-être que je devrais. Mais les mots ne sortent pas. Et même que j’acquiesce quand je meurs d’envie de hurler.

Je veux partir très loin d’ici, je veux fuir avant l’heure de vérité, pour elle. Non, je ne pourrai pas donner ce que je n’ai pas reçu. Je veux avoir l’alibi pour mon absence de ce moment-là. » 

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