« Je suis la mère nourricière et je déploie mes ailes pour vous couvrir. Je suis la terre porteuse, les flancs protecteurs d’hier, d’aujourd’hui et des jours à venir. Je suis Didon de Carthage, puissante, tenace, combative et frêle. Ma force me vient de mes désirs, de la mer, de mon courage et de ma profonde détermination à vivre et à durer.
Je vous ai portés et je vous porte. Je vous ai conduits et je vous dirige aujourd’hui. C’est la vie de nous tous contre la mort, c’est la vie contre l’oubli. Et on durera et on s’élèvera haut dans le firmament étoilé malgré Pygmalion, malgré ses sombres tractations et sa folie du pouvoir.
Cette terre est désormais à nous et la peau du bœuf a su finement se déployer et nous contenir. Nous en ferons une grande cité, une cité grandiose et heureuse.
Parole d’Élyssa, de Didon, d’Élysha ! »
De jeunes hommes vigoureux la portaient haut sur leurs épaules, debout. D’autres constituaient des demi-cercles autour d’elle. Pas moins d’une cinquantaine, torses nus et luisants, portant des espèces de pagnes blancs noués autour de la taille.
Vêtue d’une longue robe blanche diaphane, les épaules dénudées, les cheveux longs épars, portant coiffe au sommet de sa tête, d’or et de pierres, elle était saisissante. La scène était magnifique, la nuit étoilée, le silence impressionnant.
L’amphithéâtre vibrait sourdement dans une sorte d’apothéose exceptionnelle rendue à sa reine. Certains spectateurs étaient debout comme pour communier avec le personnage principal sur lequel versait le faisceau lumineux du plus gros projecteur. Comme au temps de la Grèce antique, exactement.
L’interprétation était divine et rendait fort la force et la détermination de la fondatrice de la cité. Et bien que l’amphithéâtre fût archicomble, le silence était tel qu’un souffle commun à tous était perceptible et porteur.
Et puis, fusèrent les applaudissements, à l’extinction des feux, une ovation puissante aux interprètes qui dura cinq bonnes minutes voire plus et qui n’était que justice tant la pièce, le jeu, le texte, la synergie entre interprètes et spectateurs furent puissants.
Pétra, Agar, Inès décidèrent de quitter les lieux après tout le monde, pour éviter la cohue et comme pour rester encore imprégnées de la pièce et de la grandeur de leur cité, traduite par le jeu exceptionnel des comédiens. Le moindre comparse avait eu un rendu de qualité et la production avait misé haut sur tout. Certes le décor était assez minimaliste, ce qui chargeait davantage les comédiens, mais la musique était divine et elle dut faire son effet sur eux.
Grandiose spectacle et engouement complet des spectateurs. Pourtant le théâtre n’était pas dans les goûts premiers de la jeunesse comme un peu partout par ailleurs. Sauf que c’était un quinze juillet, une nuit parfaite, une voûte étoilée, une jeunesse fougueuse en attente de rêves, de grandeur, d’art et d’amour. Et que c'était Didon.
- Regardez qui est là, dit Agar. Les vieux de la politique.
Ils avaient 27-28 ans, ils parlaient politique, distribution des richesses, égalité des chances, engagement, existentialisme … Ils étaient sérieux, responsables et impliqués. Un discours différent, nouveau et porteur.
A suivre
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