mardi 27 février 2024

Elle et lui, 4

 





















 

-       J’ai eu un élan récemment.

 

-       Pour qui ? 

 

-       Une jeune femme que j’ai toujours vu posée et élégante.

 

-       Et alors ?

 

-       C’est une apparence soignée, c’est tout.

 

-       C’est déjà cela d’acquis.

 

-       Je hais le mensonge. 

 

-       Vous aussi ! Je vous comprends. Mais que cherchez-vous ?

 

-   Rien de particulier. Peut-être de l’amitié. Sinon, je me suffis à moi-même.

 

-       Vous êtes encore jeune.

 

-       C’est un principe de vie.

 

-       Dans ce cas-là, je vous comprends. Il faut juste que votre vie intérieure soit riche. C’est le soufflet à la solitude problématique. Peut-être ne vous aiderais-je pas … Je suis une totale adepte de la solitude, cinq jours sur sept. Les deux jours restants sont réservés à l’amitié vraie et à la famille, entre légèreté, banalité et non moins affection réelle. Monsieur tout le monde n’a pas les cases mentales adéquates pour saisir … 

    Est-ce votre ami, votre partenaire … ? Comme si nous étions des offrandes en promo.  Quelle facilité et quel automatisme stupide !

 

-       Vous alors ! L’intransigeance.

 

-       Non, les principes. Vous le disiez, il y a un instant.

 

-       C’est vrai. Mais je suis quand même légèrement plus souple.

 

-       Tant mieux pour vous. Je vous le répète, vous êtes encore jeune.

 

-       Ce sont les déceptions affectives, en réalité.

 

-   Prenez votre temps. L’amitié vraie, l’amitié inintéressée est extrêmement rare. Quant à l’amour, Olievenstein n’a pas eu tort : c’est l’amour de soi. Mais il vaut mieux l’ignorer à 20 ans.

 

-       J’ai plus du double.

 

-       Vous êtes donc deux fois moins crédule.

 

-       Et ça rompt le charme, cet hyperconscience.

 

-       Peut-être, mais c’est protecteur. 

 

-       C’est pour cela que vous êtes fermée au monde ?

 

-      Je ne le suis pas. Le moins du monde. J’ai une décennie de plus que vous. J’ai fixé mes priorités très tôt. J’ai mes essentiels ô combien délicieux, mon travail et ma forge. Mes amis vrais, souvent très spéciaux par ailleurs ( rire ). Et le second cercle proche. C’est rempli à ras bord. Je m’en délecte. Vous, vous êtes jeune, vous êtes un homme seul, vous avez été déçu et vous êtes en besoin de construction, quoi que vous en disiez.



 

( Silence. Il semblait réfléchir. )




 

-       Oui, ce n’est pas facile. Je reconnais.

 

-       Décrivez-moi votre semaine.

 

-     Je travaille beaucoup, je prospère. Je lis un peu. Je me confie à vous de temps en temps. Et je passe ma vie en revue, tous les soirs.

 

-      Que c’est triste ! Bousculez tout cela. Ne touchez pas au travail. Lisez plus, voyagez fréquemment, dînons une fois par semaine. Ne ressassez plus ce qui fut, aucune utilité. Donnez de votre temps aux vôtres proches. Donner procure une grande satisfaction, votre mère, votre sœur, les méritants ... Nouer des relations sans projets spécifiques. Dites-le dès le départ. Les autres seront moins dans le paraître, moins dans le complotisme, les châteaux en Espagne, le mensonge, l'intérêt personnel … Balayez rapidement et d'un bras ferme les opportunistes. Là-dessus, vous gagnez du temps et laissez votre valeur intrinsèque intacte. Et suez dans votre salle d’entraînement. 

 

-       Vendredi 13h, pourrait-on aller déjeuner devant la Méditerranée ?

 

-       Avec plaisir. La mer, cette source intarissable d’équilibre. J’aime. 


-   Olé, olé !


-   Déjà !


( Sourires )














samedi 24 février 2024

Le Chant de la Vie, par Sélima Triaa

 









Au-delà de ce que tu vois, l’exposition de Sélima Triaa*, à Fahrenheit 451

 

Carthage, 24 février 2024, 17h30












 

Un hiver doux, un ciel tout en nuages. Une longue file d’attente devant Mad’Art, la salle de cinéma. Et puis l’espace Fahrenreit 451, dédié aux livres et à l’art.

Ni dystopie ni autodafé, mais une exposition, Au-delà de ce que tu vois, de Sélima Triaa


 

La culture semble bien se porter aujourd’hui alors que je me plaignais hier de la vacuité de l’espace culturel ou plutôt de son absence de teneur intellectuelle et artistique.

 

Happée par les couleurs, le dessin fin, la figure de la femme, la figure animale, les poissons, les chats, le bleu de la Méditerranée … j’avais du mal à tout saisir. Je pris des photos pour décrypter, plus tard chez moi, dans l’intimité de mon bureau de scribe, le discours artistique silencieux mais ô combien en mouvements et en teintes. 

 

Du monde. 

Sélima Triaa à l’accueil. Gentiment et simplement. 

Elle avait l’air sereine, pourtant elle arriva aux portes de l’enfer et cette exposition semblait être une résurrection ontologique. La sienne, et celle de son travail artistique. 

 

L’art catharsis, l’art résurrection et vie. Re-vie. 

 

D’avoir approché la Faucheuse et d’être revenue au manuel, au pinceau, au feutre d’encrage ( ? ) ou à la plume, à la photo, à l’illustration, à la peinture … est un regain de vie et d’énergie, une célébration de l’existence et du triomphe, un partage heureux et riche d’enseignements de ce qu’est la Vie, le mal, la Force, la détermination et la Résilience, l’Œuvre. 

 

J’aime. 

 

Par l’Œuvre, le travail, la réflexion, l’acharnement … nous existons et, je crois bien, méritons du genre humain.


 

Le travail de ST est très animé : figures et figurines, animations et BD, enfants et fillettes, femmes et bêtes … Il y a aussi comme une architecture industrielle, un bruitage touffu entre tous les personnages - un grouillement de vie ? 


Il y a la mer, bleue et large, purifiante et mère nourricière, foyer premier et giron maternel. 


 

Beaucoup d’enfants, aussi bien sur les œuvres que dans la galerie. C’est que Sélima Triaa anime des ateliers de dessin et de peinture et que les enfants sont des composantes quotidiennes de sa vie de plasticienne. 


Thanatos attendra et l’heure est au travail, à l’art et aux réalisations artistiques, au don de soi aux enfants, prémices de vie et de continuité. Commencement ou plutôt recommencement. 

 

Peintures, illustrations, personnages de BD, Méditerranée, tout ce foisonnement maîtrise la langue du renouveau, de la renaissance, d’Ontos. Sélima Triaa s’exprime, écrit la vie avec des couleurs, du dessin, des formes et des figures et ça chante ! Réellement !

 

Et c’est résolument moderne. Riche d’une modernité polyphonique, d’un pêle-mêle d’une large variété où tout vous incite à saisir des signifiances, à prêter l’oreille à une confession, à comprendre une peur avortée - fort heureusement - et à y voir un courage fort, en interrogeant formes et couleurs. 

 

L’exposition de Sélima Triaa est un chant de Vocables et de Vie. 

 

Parce que seule la Vie compte. Parce que cette richesse-là n’a pas de prix. Et que l’art en découle. 

 

 

 

Sélima Triaa : Artiste peintre, dessinatrice, photographe.













Elle et lui, 3

 





-       Les êtres humains sont fous. 


-       Évidemment.


-    Comment ça évidemment ? Vous êtes énervants, vous les séniors, avec vos hautes phrases déclaratives ?


-    Je ne me savais pas sénior, mais soit, ce n’est pas le sujet. Avez-vous étudié à l’école, l’histoire de l’humanité ? 


-       Et donc ?


-   L’esclavage, les cités antiques et leur barbarie souvent éludée par ailleurs, les guerres, l’apartheid, l’holocauste et les persécutions, les pogroms, les goulags, Gaza aujourd’hui … La folie meurtrière des hommes.


-        Mais comment a-t-on laissé faire ? Et les décideurs alors ?


-     Les politiques sont les premiers pourvoyeurs du crime organisé. Ce ne sont pas les peuples.


-       Quelle horreur cette humanité !


-   Oui. Mais il y a aussi les grandes réalisations, le génie humain, la science, la médecine …


-       Ils sont tout autant responsables !


-    Faux. C’est l'utilisation des résultats des grandes recherches qui est sujette à caution.


-     Ah oui ? Mais alors pourquoi réaliser des choses qui peuvent porter préjudice à l’homme lui-même ?


-   La recherche est soumise à une éthique, une déontologie dans l’absolu, même si de base, il y a nécessairement une liberté, garante d’avancées. C’est un processus que la recherche et puis d’un coup, au détour d’expériences multiples, d’une quête fiévreuse, une curiosité rare, on aboutit à l’inattendu. Et c’est historique ! Dès l’instant où les décideurs, comme vous disiez s’en mêlent, cela peut partir en vrille, en effet. Mais au départ, l’objectif n’est pas le même. Evidemment, chez les plus moraux et les plus dignes.


-       Quand je sais que des vautours attendent …


-   Non, ce n’est pas ainsi que les choses se font. La liberté est une exigence indépassable. Ceci dit, beaucoup de grands chercheurs se sont suicidés …


-       De la vermine que les politiques !


-    Souvent. A l’exception de quelques éclairés, de quelques grands esprits libérateurs et bâtisseurs.



 

 

 

-       Mais alors cette haine de l’autre !


-    Tout est là. La haine. Incommensurable. Et puis, ils l’étoffent quand les moyens s’y prêtent.Tout est dans la jalousie et la haine. Ceux qui ne savent pas calmer leur dimension meurtrière déméritent du genre humain. 


-       Des sauvages !


-       Des fous. Vous l'aviez dit d’emblée.


-       L’humanité est folle.


-     Oui. Sans l’usage du rationalisme, elle l’est totalement. Et alimentent cette folie, tous les dogmes inventés, des systèmes d’anti-vie. Allez leur expliquer cela, ils dégainent à la vitesse de leurs pulsions. 


-     Jalousie, haine, folie, inventions d’Objets dont l’homme devient l’objet et l’exécutant le cas échéant. Nous courons à notre auto-extinction.


-       Oui. Sans les voix rationnelles. 


-       Quel désastre !

-       Faisons des émules plutôt. C’est l’Espoir.