Histoire d'Elias
La jeunesse est cécité mais une belle cécité. Pour un temps.
On ne distingue pas grand-chose à peine adulte. Ou encore ado. Ou alors on entrevoit quelques pépites et on croit tout comprendre. On peut être saisi par du grand sérieux, mais on ne sait pas que c’est de la souffrance qui avance. On peut être frappé par de l’élégance et ne pas comprendre qu’il y a derrière de la grande vacuité. On peut noter de la détermination et ne pas soupçonner de l’opportunisme. On peut être subjugué par une intelligence supérieure et ne pas imaginer une seule seconde la pathologie qu’il y a derrière. On peut penser que de la vérité est là sous nos yeux, alors qu’il s’agit d’une stratégie de vie. On peut aussi tomber sur de l’honnêteté et considérer cela comme de la faiblesse … les cas de figure sont pléthoriques.
Notre regard de jeune est rapide, neuf, innocent - ou pas - curieux, happeur, en besoin de signifiances. Notre regard est candide, stupide, malvoyant et naïf. Ou alors, il est ambitieux ou calculateur, frustré, en manque, en reste, en besoin de reconnaissance ou de matière ou d’échelons sociaux ... Selon notre situation de départ. Sauf incidence ou imprévu ou tout autre impact apte à changer notre perception des choses. Il n'y a pas à ce niveau d'équation solvable à tous les coups.
Une cécité qui peut nous faire croire que les portes du bien-être sont là. Mais le paradis est un leurre. Devrions-nous nous balader dans la vie avec les prismes psychologiques en poche ? Certainement pas et certainement pas à 15 ou 16 ans.
Mon histoire est lamentable, rapide, expéditive. J’ai 16 ans, je suis fougueux anatomiquement, je veux exploser et me voilà face à cette « silhouette » qui savait déjà la vie et dont j’allais tomber amoureux. Le corps d’un jeune homme, à cet âge-là, est trépignant, le sien était une offrande, nous coulâmes longtemps et je ne m’en relevai jamais. Ce fut amour, violence, désamour, trahisons, humiliations, ruptures, palliatifs extrêmes, déni et silence. Ses insuffisances et sa rage la portent encore, mon irresponsabilité extrême me contraignit depuis, longtemps, au désaveu et à l’inactivité.
Aujourd’hui, j’ai plus de 60 ans et je sais que depuis très longtemps, j’ai arrêté de vivre. Mais ai-je jamais vraiment vécu ?
- Consciemment ?
Non.
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