« Occupe-toi de ta génitrice, lui dit-elle. De ton épouse aussi au regard perdu. Ta génitrice déploie un restant d’existence. Je le sens et vous le savez, tous. Les existences qui s’achèvent donnent un goût de douleurs abdominales, d’épuisement, de vague à l’âme et si les mots ne sortent pas, la tristesse siège et la plume, au moins, s’active.
J’ai de la peine pour la mère, pour toutes les Mères. Pour la pédagogue et la Dame à la poigne toujours renouvelée.
Personne ne remplace un géniteur. Trop forte implication et rapports différents. Nous sommes tous acculés à avancer, dans le flou, le brouillard, sous les précipitations. Avancer est le seul geste qui vaille. D’aucuns l’appellent techniquement résilience.
Occupe-toi de ta génitrice amaigrie mais si vive d’esprit. Une Dame ouvrière, édificatrice de son monde dans le sérieux, la droiture et la rigueur. Une pédagogue acquise à la valeur travail. J’aime ces nids de stabilité, d’études, de travail, de prise en charge de soi, de planification, de valeurs citoyennes, humaines aussi. Probablement, assurément.
Le travail et la rigueur grignotent l’espace pathos, voilà pourquoi le labeur est la seule souffrance qui bâillonne la souffrance.
Me vient à l’esprit la rhétorique aristotélicienne, pathos, ethos et logos. Je pense pouvoir avec vous focaliser sur le logos, à moins d’erreurs ou d’oubli de ma part. A moins que vous n’ayez du retard sur l’existence rêvée ou l’existence désirée ou qu’il y eût eu des compromis alors. Ou que vous eussiez joué le jeu, mais je ne le sais pas, je ne le crois pas.
Notre existence nous échappe souvent dans son chantier sur elle-même.
Nous fuit-elle ?
Sommes-nous les concepteurs et surtout les ouvriers de nos contreforts en contrebas ?
Avons-nous seulement le pouvoir de l’édifier ?
Sommes-nous mis en œuvre par notre latent psychologique, pelotes de laine emmêlées à l’impossible ?
De ce contenu profond psychologique, voyons-nous en temps réel ou même en différé, les fils meneurs ?
Où irait-on chercher les réponses ?
Oui, avancer est le seul acte concret.
Occupe-toi de ta génitrice, de ton épouse au regard égaré, occupe-toi de ceux qui regardent et qui attendent alentour. Les minutes sont assassines et l’élan d’alors est inscrit dans le grand livre de l’architecture gothique. Faisons quand même semblant, c’est aussi affaire de résilience.
Œdipe est Œdipe, Antigone est Antigone, Créon est Créon, Sisyphe est Sisyphe et Thèbes, lumineuse au loin, scintillante derrière, aura droit à quelques regards nostalgiques. Elle fut, en mille temps, secouée comme nous tous par des cataclysmes sans noms.
Alors résilience et sourires. »
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