6h. Il fait très froid. Mais je ne laisse pas les mirages du sommeil avoir le dessus sur moi.
J’enfile mon soutif de sport, mon cycliste et direct sur le tatami.
Des séries de 90 depuis quelques jours déjà. L’exercice le plus dur : les squats. Je déteste mais j’aime et je m’exécute. Je triche un peu aussi : je fais des mini squats.
Je commence par les bras. 90 dans tous les sens. Vers le haut, latéral, tendus, pliés, avec haltères.
Après cela, tous les exercices de repliement vers le bas. J’ai lu quelque part que pour vivre longtemps, il n’y rien de mieux que de pencher sa tête vers le bas. Depuis, je n’arrête plus.
Le bas, le bas, de nouveau le bas. D’ailleurs, câliner ma chienne étendue de tout son long sur le sol est d’une facilité absolue. Je reste accroupie tant que l’échange dure, lestement.
Au sol, je travaille mes jambes dans tous les sens, mon buste aussi, chassé-croisé également. Le plus dur, c’est de se trouver à mi-chemin de 90. Mais on continue. Je viens d’écrire à ma benja que notre corps est notre enveloppe, que c’est tout ce que nous possédons vraiment, que c’est notre pire ennemi-ami et qu’il ne faut pas le laisser prendre le pouvoir sur nous. Que nous DEVONS le gérer. Oui, en majuscules devoir. Elle m’écrit textuellement : « Mom et ses phrases vérités démontrables. »
Cette jeune fille a le sens de l’humour.
Quelquefois, je fais travailler le bas de mon corps sur le lit : de la triche mais je veille à la correction de chaque mouvement. Le mirage du lit. Et un peu le froid et, j’avoue, le dos.
C’est que 50 ans, c’est jeune. Pas vraiment vieux. Mais assez, quand même, pour prendre les choses totalement en main.
Ah oui, j’ai oublié de mentionner qu’entre chaque série, je fais du tapis de course. Après je souffle 10 secondes et je reprends. Ma benja vient de m’écrire : tu me rappelles la mère de Romain Gary, me dit-elle. Immense compliment, répondis-je.
Inutile de vous dire que 10 minutes après le commencement de l’échauffement, je contrôle mon pouls cardiaque : il s’accélère. La machine fonctionne. Et là, à chaque fois, il y a une angoisse existentielle qui pointe du nez mais que je maîtrise psychiquement avec mon rationalisme à toute épreuve.
Ah ! Le temps de l’inconscience où tout est acquis. Où ces choses-là fonctionnent sans l’intervention problématique du conscient curieux ou du curieux conscient. Qui à 20 ans prend conscience de son pouls comme à 50 ? A moins de tenants et d’aboutissants spécifiques, qui ?
Je laisse toujours les squats durs vers la fin. Entrecoupés de tapis. 90, c’est assez dur. Voyez.
A la fin de la séance matinale, je suis bien, je souris. Je prends mon Cappu, une part de mon gâteau diététique - un tiers de mon chocolat italien absolument délicieux, en cachette - et je me dirige vers mon bureau. La même séance de près d’une heure sera reconduite le soir. Et c’est ainsi un jour sur deux et, quelquefois, tous les jours.
Il y a une satisfaction - pas du tout crédule – des exercices bien accomplis. Je travaille sur moi, je continue, je gère. Et je fais taire les Voix persistantes.
Un médecin ami, père de famille et homme posé parle à peu près la même langue que moi. Il a pour lui l’avantage d’être, d’abord, le père de ses enfants sevrés du sein maternel et du geste doux caresseur des cheveux. Les silences sont riches et chargés d’émois. Pourtant, je déteste les silences. Mais il y a de ces silences sur lesquels les mots peuvent féconder des signifiances dignes.
Marchons, courons, exerçons-nous et faisons taire les voix lancinantes.
- … dix, onze, douze, treize, quatorze … vingt.
Deuxième doigt : un, deux, trois, quatre … vingt.
( 20 par doigt plus 10 avec l'auriculaire : 90. C'est fait. Well done. )
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