jeudi 14 janvier 2021

Le petit prince et la mer

 






 

I.

Peut-on s’évaporer dans l’air ou se dissoudre dans la terre sans avoir donné vie à son image mentale du bonheur ?

Peut-on disparaître au bout d’une poignée de décades sans avoir mis le pied à l’étrier du désir ?

Pourquoi le temps a-t-il manqué au Temps sans qu’il sache dessiner ses contours ?


 

 

II.

Dans la brume du matin, dans le sein vague d’une mer qui enlace, il dormait. Petit prince rieur devenu homme égaré, en manque de tendresse nourricière. 

 

La mer est à moi, disait-il. 

 

Aimé, chéri, nourri, dans l’excès. Balloté, expédié, ramené sans ombrage. Distancé, largué, oublié sans vergogne. Ardu.

 

Petit prince au volant d’une auto rouge. Adolescent en détestation de l’excès. Rêveur avorté. Pourtant un dessein simple et beau : un lieu de soleil et de crépuscule, la boîte magique et une Vénus généreuse. Simple, beau et affectueux.

 

Petit prince sacrifié. Rieur. Yeux pétillants. Peau immaculée. Cœur aimant. Sacrifié.

 

Il dort dans la brume. Bercé par ses ondes marines. Il l’aime comme il aurait aimé une femme. Follement. Ce fut son ultime demeure d’homme libre et léger.


 

 

III.

Quand le bonheur tarde, quand le bonheur manque, quand le bonheur s’éloigne, il faut l’inventer. Il l’inventa. Bonheur éphémère. Exigeant tous les jours. Glouton. Périlleux. 

Emporté par les mensonges éhontés d’une formule du désir trompeuse, fallacieuse, traquenard du corps, de la tête, de l’Existence.

Le petit prince se noie. Les hurlements trébuchèrent. Un jour cède à l’autre. L’oubli est une tare. Mais l’oubli existe.



 

 IV.

Le petit prince vint vers 17h, muni de poissons. Il tint à les vider. Les écailles volaient en éclat. Il riait. Fébrile de ses mots, de ses gestes. Fraîcheur marine. 

 

-      Je suis un pêcheur, un homme de mer, je vis dans ses bras. La mer est ma mère. J’y vivrai jusqu’au bout avec mon Capitaine. Mais le bout est loin. Parce que j’aurai mon espace de soleil et de crépuscule, ma Vénus et l’amour.

 

Le petit prince aima de tout son cœur une jolie jeune fille fraîche et humble. 


« Ses yeux sont bleus. Elle te ressemble. »

 

Mon frère, mon pendant de sang, pourquoi ne t’ai-je pas plus parlé ? Pourquoi ne t’ai-je pas plus donné du temps et du silence ? Pourquoi n’ai-je pas mis tes mots dans l’écrin qui leur sied ?

 

Il est arrivé ces dernières saisons qu’un petit prince devenu grand, détrôné de son auto rouge, dormant dans la brume tous les jours, empli d’un espace de soleil où Vénus lui sourit, un espace qui s’éloigne de plus en plus, il est arrivé qu’un petit prince sans prétention lettrée donna à son monde une leçon magistrale de patience et de sagesse, d’intelligence et d’émotion, d’oubli de la matière et d’humanisme.

 

Pourquoi le temps manque-t-il au Temps ? 

Pourquoi l’oubli a-t-il toujours le dernier mot ?

Pourquoi fait-on si peu cas du devenir des autres ?

Pourquoi le bonheur est-il si difficile ?

Pourquoi est-il plus facile d’embrasser la brume destructrice que la bouche pulpeuse d’une Sylphide ?

 

 


V.

Le petit prince est au volant de sa voiture rouge. Il sourit et en souriant, il relève ses joues. Un minois fait pour être heureux comme tout un chacun. Le petit prince sourit tandis que la mer se tait de ne plus l’avoir dans ses flancs.

Un champ de roses blanches, du soleil, une Vénus aux yeux bleus et du bonheur grandissant à la racine de l’édifice.


J’ose penser que tout est à refaire.




 

 

 


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