Il quitta la porte-fenêtre, se dirigea vers le globe à liqueurs, se servit une rasade de cognac, mit du Chopin, retourna vers la porte-fenêtre. Il n’avait pas touché à son verre et tous ses mouvements étaient irréfléchis.
Claire gardait le silence, elle estimait qu’elle n’avait pas à meubler et qu’il était entre lui et lui-même. Elle n’y pouvait rien là, et puis, il fallait qu’il se rende compte de ce qui se passait en lui. Elle faisait ses mots croisés et puisait difficilement au fond d’elle la concentration nécessaire, la pseudo concentration. Elle voulait faire montre de sa placidité afin qu’il se rende compte de son agitation.
- Bonne soirée Claire, dit-il, précipitamment, en quittant l’appartement.
Il pleuvait dehors, un crachin tenace. L’eau ruisselait de ses cheveux à son cou sans qu’il n’y prenne garde. Il se demandait s’il n’était pas très tôt pour aller à la Chambre, s’il n’allait pas se trouver dans l’étroit colimaçon avec un hôte.
« Mes hôtes », disait-elle. « Ma chambre de galanterie ». « Mon métier est de tous les temps. Nous nous entraidons ».
Enest n’avait rien à répondre à cela, strictement rien. Entendait-il seulement ?
Les odeurs moites de la Chambre l’écœuraient mais il y courrait, les inhibait ou s’y complaisait. Il y avait quelque chose là-dedans qui faisait d’Enest un homme de corps fébrile, avide d’étreintes jusqu’aux larmes et Claire, jusqu’au bout, n’entrevit pas cela. Pour elle, son homme, son enfant, celui-là même qu’elle battit de bout en bout n’avait pas eu sa part de sordide.
Il monta les marches quatre à quatre, trouva la porte entrebâillée, pénétra dans la Chambre chaude, glauque avec une Eva belle à mourir avec son rimmel un peu coulant, sa bouche charnue que tant d’hôtes baisèrent. Elle était totalement nue sous son déshabillé pourpre aérien, et on la voyait entière avec ses courbures vivantes, ses seins pointés, son nombril au parfait arrondi.
Une Diva de la chair. Eva était légèrement décoiffée et mettait de l’ordre dans sa chevelure. Enest la prit fougueusement dans ses bras sans un mot, l’embrassa goulûment, religieusement et l’aima passionnément comme un adolescent la première fois.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire