dimanche 20 octobre 2019

Randou, l'artiste aux semelles d'air






J'ai connu Randa sur les réseaux sociaux. Pourtant j’y vais très peu et je ne réagis pas. Mais là c’était autre chose, c’était le cancer. Le cancer qui a fait partir ma génitrice à la cinquantaine ou un peu plus. J’ai encore dans les yeux, son visage d’une beauté paisible le temps d’un somme. C’était à la clinique Saint-Augustin. Je savais qu’elle allait partir mais de scruter son beau visage apaisé par le sommeil, de suivre l’arrondi d’un sourcil sublime de naturel, de suivre sa respiration me faisait croire que cette vie que je voyais ne pouvait s’éteindre. Les rationnels deviennent fous devant l’inexpliqué. Je ne devins pas folle mais le manque fut douloureux. On ne s’en sort pas tout à fait de ses géniteurs parce que c’est soi-même mais on se lève pour les autres et pour la Vie.

Randa écrivait sa colère de ceux qui fuyaient les cancéreux, de leur méchanceté mais aussi de leur bêtise. Elle avait un ton juste, des accents vrais, de la rage. Non, le cancer n’est pas contagieux, c’est une maladie que l’on combat, qui exige de nous de lutter, alors n’en rajoutez pas avec vos « la pauvre, elle est malade », avec votre bêtise révoltante de « n’en approchez pas ». Respectez ceux qui luttent.

Sa photo de profil me laissait voir une toute jeune de fille de vingt ans et je pensai qu’elle passait par l’épreuve d’une maman souffrante.

« Randa, les gens sont accrochés à la vie comme à la prunelle de leurs yeux, c’est bien quand ils savent être respectueux et humains. La vie dans l’absolu est un cancer et nous en sommes tous atteints. Nous venons au monde pour y souffrir et y mourir mais le tout est de paraître ou même d’être enjoué, d’être debout, d’y être prêt à combattre. Et tu es de toute évidence combative. Les petites gens dont tu parles ne sont pas assez au fait des choses, ne sont pas assez généreux pour sentir la détresse de ceux qui souffrent, veulent avancer dans la vie pour y mordre le plus possible, ils ont une telle faim et c’est laid. Parce que le mal rôde et que nul n’est à l’abri. Passe ta route Randa, il n’y a rien à voir. Être sélectif ou du moins zapper la bêtise et l’ineptie. 
Ce geste que tu vis, superstitieux et tout en ignorance, que de mordre son vêtement pour espérer ne pas être atteint. Le plus grave c’est d’être atteint de cette nullité-là. »

C’est ce que j’ai dû écrire et après ce fut des échanges réguliers sur Messenger. La porte ouverte de nos mondes intimes sur Instagram. De la complicité et beaucoup de rires. Ce n’était pas du coaching psychologique ou plutôt ce n’était plus cela mais une belle amitié et beaucoup de sensibilité artistique.
Lors de ton exposition à La Maison de La Marsa, la rencontre fut très tendre et naturelle. 

Je fis la connaissance de deux très belles jeunes filles, fines et élégantes et, en priorité, instruites et fort riches, de cette richesse qui découle des géniteurs, de l’éducation reçue, des apprentissages et de la touche personnelle : valeur ajoutée qui porte sa propre griffe de vie. 
Randa universitaire, est, aussi, l’architecte esthétique d’une collection de bijoux très épurés, une légèreté des lignes, celle d’une créatrice « aux semelles d’air » partie promptement hier, 19 octobre, dans ce beau printemps de l’automne que je trouve lourd cette année moi qui adore le mois des rouges grenadiers.

J’appris hier le départ de Randa. Je savais via Nounou sa jumelle qu’elle était particulièrement fatiguée, sans voix depuis quelques jours. Je savais qu’elle partait et je pensais à elle au quotidien. Cela vous gèle, l’envol de ceux que vous avez connus de près, il y a un froid qui veut s’installer. On le met dehors parce que NOUS décidons mais c’est un froid qui laisse un froid derrière lui. 

Ma tante perdit son fils il y a plus de vingt ans, il avait moins de trente ans et elle en fut meurtrie. Quelques mois plus tard ou plus, je ne me souviens plus, elle commença discrètement à dire lors de conversations familiales, qu’il était toujours à l’étranger et qu’il travaillait et que Dieu lui soit en aide !
Tous pensèrent à une dure dépression. Je m’approchai d’elle, sur la pointe des pieds : nous partirons tous un jour, c’est la loi de la vie et ça n’épargne personne. Et elle m’avoua à demi mots que c’était pour elle un mensonge consenti pour souffrir moins et qu’elle le savait éteint. 

Randou comme j’aime à l’appeler, parce qu’animée d’un très bel esthétisme, est sûrement à la recherche d’inspiration. Ses lignes n’attendront pas longtemps, elles reprendront vie dans quelque temps parce que la griffe Randa Driss est inscrite au firmament du Beau.

Ce fut une belle rencontre, pleine d’humanisme et de vérité parce que se préparer à partir est le lot de tous, qu’il n’y a aucune honte à avoir eu un timing avant l’heure. Même si, aujourdhui, la douleur de l’absence concerne les autres, les parents de Randou, Nounou la sœur jumelle et les amis vrais.

Au revoir Randou même si je ne crois pas à la métempsychose convenue, au revoir à travers tes lignes qui renaitront, au revoir je ne sais où, au revoir simplement comme un espoir, celui d’une amitié vraie et durable.






2 commentaires:

  1. très émouvant, Qu'elle repose en paix. Je suis sûr que là où elle se trouve en ce moment, elle doit être sereine. Que le bon Dieu lui accorde le Paradis éternel.

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