-- J'en suis littéralement fou et j’ai besoin de ton aide, dit-il à sa femme.
Il revenait vers elle, retrouvait ses marques de toujours mais s'empressait de courir aussitôt après à la sordide chambre de bonne aux odeurs moites. Il savait mais parlait du « travail d’Eva ». Inconsciemment, il trouvait son activité professionnelle parfaitement dans l’ordre des choses et cela n’interférait pas dans la fougue folle qu’il avait d’elle.
En réalité, il y avait un vrai confort à ne pas focaliser sur cela, cela ne le concernait pas, il avait fait sa connaissance dans la rue alors qu’elle était dans l’exercice de ses fonctions. C’était Eva, cette femme des hommes interdits, des hommes curieux, des hommes dans l’expectative, des hommes tenaillés, des mâles.
Que dire ? Il y a ceux qui ont besoin d’intelligence, celle de leur compagne. Vingt cinq ans après, ils regrettent la bécassine qu’ils auraient volontiers briefée.
Il y a ceux qui vont directement vers l’effacée pour se remémorer à cinquante berges, l’alerte jeune fille de l’époque estudiantine qu’ils admiraient secrètement, celle qui participait au barrage d’interdiction aux cours.
Il y a tous les autres pour qui Eva est incontournable à tout âge. Eva qui vous conduit à bon port, Eva qui vous dépucèle à 18 ans, Eva au parfum capiteux qui vous insupporte en dehors de ses moments de compétences et de dextérité, parfum capiteux qui ne vous quittera jamais, entre oubli, dégoût, rejet et de nouveau désir. L’histoire des hommes est en dents de scie selon l’avancement de soi, les moments de son existence. De l'égotisme pur.
Pour Claire, que son homme soit avec Eva est une double trahison. Il la trompe en tant que femme, il trompe leur vie et leurs choix. Peut-être plus les siens d’ailleurs. Ce n’était pas possible d’avoir plus d’une femme dans sa vie mais elle ne pouvait que suivre, patienter, écouter et espérer. Le jeune adolescent s’exprimait, il était en reste.
Dur, dur, pensa-t-elle.
Dur, dur, pensa-t-elle.
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