dimanche 27 octobre 2019

Eva XXVII





Lettre de Claire à Drus

« L’appartement est silencieux. Enest est là-bas. Pas de musique, pas de tintements de glaçons, pas de piano. Je suis seule, je n’ai pas trop le choix. 
La fac est loin derrière, ce temps d’idées, de grandes idées, de fougue et de liberté. Belle insouciance. Le temps de la Parole du Corps. 

J’ouvre le tiroir de mon bureau et je tombe sur de petits feuillets, une écriture serrée. E et L. Elle et Lui. Nos échanges d’alors.

« Les mots disent beaucoup de choses sous couvert de pudeur et de retenue ».
Je te lis difficilement. Qu’étions-nous en train de nous dire ?

Notre histoire fut intense et courte. Je me la remémore en ce moment. Je suis seule, je te l’ai déjà dit. J’ai beaucoup de vacance. Je vis au rythme de mon égaré.

Je me souviens de ce premier soir au Danemark lors de cette drôle d’expédition. Je n’aurais jamais pensé pouvoir en faire partie. Je l’avais faite guidée par le désir d’aller vers quelque chose qui me paraissait être de l’ordre de la construction. Erreur.

Les feuillets ont été noircis d’une écriture longue, masculine, souvent illisible et le papier a bien jauni il faut dire, depuis le temps. 

" Seul Ontos autorise l’élan vrai. Il est toujours du côté de ceux qui se regardent profondément."

Enest était resté sur le campus, il avait ses oraux à préparer. Je lui avais bien signifié que je n’allais pas l’aider cette fois-là. Je me souviens de notre arrivée, des odeurs de Copenhague, des lumières, du port. Du taxi qui avait failli m’écraser. Je savais en partant que quelque chose allait se passer, je ne le voulais pas sciemment. Inconsciemment, oui. Chez moi, il y a toujours une guerre entre le conscient et l’inconscient et seul ontos arrive à intervenir quand j’oublie de baisser la garde. Et ce qui ne devait pas arriver arriva.

Pourquoi reviens-tu déjà ? Suis-je une réminiscence du passé ? J’ai une histoire moi, une vraie avec toutes les complexités que supposent les histoires exceptionnelles. Je ne suis pas joueuse mais bâtisseuse. 
Regarde où j’en suis aujourd’hui avec l’égaré.

C’est très compliqué de dire les choses, très. La solitude est difficile, mon édifice est là mais sans âme en ce moment. Je ne peux me permettre de regarder dans ta direction et je ne joue pas à cache-cache, tu me connais.

La plus belle chose dans l’existence est de regarder ensemble l’océan et d’admirer son dynamisme, c’est la définition même d’Etre. Je l’ai vécu longtemps jusqu’aux intempéries, après c’est tard. J’ai bien peur qu’il ne soit déjà bien tard. L’égaré, toi et tous les autres. C’est touffu, je sais. C’est que moi-même, je ne me retrouve plus. Voilà pourquoi j’ai chargé mon conscient de gérer la barque. Celui-là, il n’a aucune pitié et certainement pas d’Ontos. »

Claire, l’amie de toujours.

P.-S : Dans cette existence belle sans nulle autre pareille, il y a des priorités pour moi : la Beauté, l’Etre vrai et l’indétrônable Ontos, une dynamique fougueuse et on ne peut vivifiante. Un ontos bridé et c’est beaucoup de silence. Le Temps est impitoyable, tous, nous le savons.















samedi 26 octobre 2019

KS, Discours d'investiture, essai d'analyse






J’essaie de me rappeler de quelle façon je regardais Kais Saied avant le résultat du premier tour, bien avant. 

Je ne m’en souviens plus très bien. C’était celui qui avait les réponses les plus justes juridiquement et constitutionnellement, un professeur. Il m’inspirait confiance mais je n’avais jamais pensé qu’il ferait de la politique. Trop raide.

Je ne me rappelais de KS que quand je le rencontrais sur le net, sans plus.

Après le premier tour, je me penchai sur lui, il m’intriguait. C’est que j’ai un côté KS moi-même c’est-à-dire beaucoup de droiture et ce n’est pas facile au quotidien. Ne le prenez donc pas comme la marque d’un amour de soi.

Me voyant un peu perdue dans les considérations politiques, presque en fatigue avant le 1er tour des élections, entre un NK sujet à caution et un KS taxé d’islamisme et de conservatisme, ne faisant confiance ni à l’un et ne comprenant d’aucune façon l’autre, ma tante me dit avec sa sagesse de Dame intelligente et intuitive, au fait de la chose politique : il faut un homme sévère pour le pays, ma fille.

Je dirai un homme à l’allure sévère, faisant du 90° en se tournant vers son voisin. Mais un homme bon, profondément, mais aussi rigoureux. Je vous ferai part de mon analyse psychologique plus tard afin de ne pas être « gratifiée » d’angélisme.

Je souhaiterais tout d’abord me prononcer sur l’arabe littéraire que je n’ai pas la chance de maîtriser mais j’y arriverai. Voilà une langue très métaphorique, aux circonvolutions nombreuses, une langue encore très emphatique et M. KS la manie avec dextérité et amour. Ce n’est pas le cas d’autres langues. C’est très différent du français par exemple qui paraît quant à lui pompeux en comparaison de l’anglais. Ma langue d’expression et de réflexion est le français et je crois que je peux m’autoriser quelques remarques comparatives.

KS parlera, par exemple, en évoquant les responsabilités du pouvoir, du passage « de la rive de la déprime à la rive de la construction ».

De même, il dira que le plus grand danger des nations vient des « rongements intérieurs du ver à l’intérieur du fruit qui finit par pourrir et tomber. » Une métaphore filée presque. 

La langue en politique peut s’autoriser l’utilisation d’images, l’humour et bien d’autres moyens, rarement à outrance. Or, l’arabe littéraire de KS est truffé de figures imagées.

« Ceux qui rêvent de retourner au passé courent derrière les chimères et vont à l’encontre de l’Histoire », dira-t-il encore métaphoriquement et significativement.

Certains passages du discours sont tout simplement magnifiques de significations latentes. C’est un intellectuel qui écrit, c’est évident.

Rappelons qu’il s’agit d’un discours d’investiture, un premier vrai discours mais un discours de serment et non de programme. En ce moment, beaucoup mettent en avant son plébiscite mais ce Monsieur est un constitutionnaliste et un rigoureux, il n’ira pas grignoter là où on souhaiterait le voir grignoter et il connait ses prérogatives. Difficile de le manier. Je le crois.

J’ai apprécié certains passages francs même si je ne suis pas sûre de leur adresse, j’ai pourtant quelques intuitions mais je peux me tromper. 

« Certains messages subliminaux, qui n’avaient pas lieu d’être, ont été envoyés de diverses tribunes, ils ont été bien reçus sauf de ceux qui n’ont pas voulu les recevoir et qui ont voulu en déformer le sens mais sachez que rien ne se fera en dehors de la loi. Et que chacun sache que la liberté qui s’inscrit dans la légalité ne sera jamais ôtée aux Tunisiens. » 
Nous sommes là face à un passage ambigu, des sous-entendus et KS fait prévaloir la primauté de la loi et l’inattaquable liberté payée au prix cher.

Dans ce discours de prestation de serment, KS a écarté la croyance religieuse pour parler de neutralité, de liberté de chacun. Il a parlé du monde arabe et non du monde arabo-musulman. Quelques inquiétudes ont été notées sur les visages de certaines femmes d’obédience clairement islamiste, campées dans la certitude d’êtres les maîtres des lieux. 

Le début du discours est fait de salutations, à tous, et les représentants des trois religions ont été salués vers la fin. La neutralité est verbalement revendiquée, une manière, selon ma lecture personnelle du moins, de ramener le service public et la politique à sa vraie dimension : citoyenne loin des calculs politiciens. Là aussi, j’ai des intuitions. Le discours de KS, dans ces moments précis, s’adresse à ceux qui ont un projet tendancieux, qui ont des objectifs idéologiques et qui entendent user de tours et de détours pour y arriver.

Ces accents justes sont rassurants. 

Par ailleurs, KS a, au début de son discours, tonné le concept de légalité, de révolution vraie avec précisément les outils de la légalité. Et quand il parle de révolution culturelle, il précise qu’il ne s’agit ni de « livres publiés, ni de slogans dispatchés mais d’une conscience nouvelle qui jaillit après un silence contenu et une longue attente. »

Passage significatif d’autant que bon nombre de journalistes lui ont, par la suite, demandé de quelle révolution culturelle, parlait-il.

Je crois qu’il entend par là une révolution culturelle dans la décision du choix et du choix libre. Il ne s’agit donc pas de révolution culturelle classique – comme c’était le cas en France par exemple, en 1789, où tout a été pensé avant la Révolution, avec les philosophes des Lumières, tous, par ailleurs, morts au moment de la Révolution. Quoi qu’aujourd’hui, là aussi, l’historiographie se revoit et se réécrit, remaniée.

Le mot martelé au début du discours est le mot : devoir ou responsabilité, selon la traduction qui vous convient. " De nombreux devoirs même s’il est peu aisé , dira-t-il, d’être exhaustif."
Le mot légalité est aussi répété à plusieurs reprises ; peu étonnant dans la bouche d’un constitutionnaliste et de surcroît, très à cheval sur le principe – et les principes.

J’ai relevé aussi une précision sous la plume de M. KS – auteur de son discours et, seul, selon une rigoureuse information – les mécanismes politiques d’usage, des décennies durant, devront être revus avec l’exemple tunisien.

La primauté de l’Etat fut scandée inversement aux gouvernants éphémères, eux. Il a évoqué l’Etat de droit mais aussi la société de droit. L’égalité de tous, Tunisiens et Tunisiennes – visiblement en arabe littéraire, il n’y a pas l’habitude de citer les femmes en premier*. L’urgence de mettre fin à la corruption, aux réseaux mafieux – le moindre denier public – de combattre âprement le terrorisme, le sang des martyrs pour la dignité, ceux-là qui ont préféré la mort à la vie.

Les droits des femmes et vous noterez l’engouement de A.Mourou et d’autres, la relation de confiance entre gouvernants et gouvernés, la nécessité de faire évoluer les accords en fonction des intérêts des Tunisiens.
La cause palestinienne parce que la Palestine n’est pas inscrite au cadastre des propriétés privées. Le distinguo entre juif et sionisme ( colonisation et racisme pour ce dernier ).

La transcendance de la dimension humaniste.

Le discours de KS est celui d’un intellectuel, d’un Juste. Le Monsieur sera intransigeant à mon avis et ceux qui envisagent de se le mettre dans la poche n’ont pas saisi la psychologie du personnage.

J’ai vu, en profondeur, sur le plan psychologique, un homme d’une sensibilité exacerbée, contenue, comme tout le reste. Je me pose des questions sur les dégâts possibles du pouvoir sur l’équilibre psychique du président KS. Droit et extrêmement rigoureux mais fortement sensible et dans la presque totale fermeture des canaux d’expression et de délestage.

A l’entrée du palais de Carthage, sa famille. Il tend la main, son épouse l’attire et le salue en l’embrassant. Un tout petit tressaillement, quasi imperceptible, en embrassant sa benjamine, en raison de son jeune âge probablement. KS a 61 ans, son fils, l’aîné des enfants, a, me semble-t-il, à peine 20 ans ou moins. La dernière née 10 ans ? L’homme s’est marié sur le tard. 

Une vie entière de rigueur et de retenue, de droiture, de justesse et de justice, je crois bien qu’il va donner du fil à retordre aux calculateurs. 

A suivre. Non sans intérêt pour moi.


*Remarque non discriminatoire 
 P.-S : Traduction personnelle avec toutes les limites que cela suppose.








dimanche 20 octobre 2019

Randou, l'artiste aux semelles d'air






J'ai connu Randa sur les réseaux sociaux. Pourtant j’y vais très peu et je ne réagis pas. Mais là c’était autre chose, c’était le cancer. Le cancer qui a fait partir ma génitrice à la cinquantaine ou un peu plus. J’ai encore dans les yeux, son visage d’une beauté paisible le temps d’un somme. C’était à la clinique Saint-Augustin. Je savais qu’elle allait partir mais de scruter son beau visage apaisé par le sommeil, de suivre l’arrondi d’un sourcil sublime de naturel, de suivre sa respiration me faisait croire que cette vie que je voyais ne pouvait s’éteindre. Les rationnels deviennent fous devant l’inexpliqué. Je ne devins pas folle mais le manque fut douloureux. On ne s’en sort pas tout à fait de ses géniteurs parce que c’est soi-même mais on se lève pour les autres et pour la Vie.

Randa écrivait sa colère de ceux qui fuyaient les cancéreux, de leur méchanceté mais aussi de leur bêtise. Elle avait un ton juste, des accents vrais, de la rage. Non, le cancer n’est pas contagieux, c’est une maladie que l’on combat, qui exige de nous de lutter, alors n’en rajoutez pas avec vos « la pauvre, elle est malade », avec votre bêtise révoltante de « n’en approchez pas ». Respectez ceux qui luttent.

Sa photo de profil me laissait voir une toute jeune de fille de vingt ans et je pensai qu’elle passait par l’épreuve d’une maman souffrante.

« Randa, les gens sont accrochés à la vie comme à la prunelle de leurs yeux, c’est bien quand ils savent être respectueux et humains. La vie dans l’absolu est un cancer et nous en sommes tous atteints. Nous venons au monde pour y souffrir et y mourir mais le tout est de paraître ou même d’être enjoué, d’être debout, d’y être prêt à combattre. Et tu es de toute évidence combative. Les petites gens dont tu parles ne sont pas assez au fait des choses, ne sont pas assez généreux pour sentir la détresse de ceux qui souffrent, veulent avancer dans la vie pour y mordre le plus possible, ils ont une telle faim et c’est laid. Parce que le mal rôde et que nul n’est à l’abri. Passe ta route Randa, il n’y a rien à voir. Être sélectif ou du moins zapper la bêtise et l’ineptie. 
Ce geste que tu vis, superstitieux et tout en ignorance, que de mordre son vêtement pour espérer ne pas être atteint. Le plus grave c’est d’être atteint de cette nullité-là. »

C’est ce que j’ai dû écrire et après ce fut des échanges réguliers sur Messenger. La porte ouverte de nos mondes intimes sur Instagram. De la complicité et beaucoup de rires. Ce n’était pas du coaching psychologique ou plutôt ce n’était plus cela mais une belle amitié et beaucoup de sensibilité artistique.
Lors de ton exposition à La Maison de La Marsa, la rencontre fut très tendre et naturelle. 

Je fis la connaissance de deux très belles jeunes filles, fines et élégantes et, en priorité, instruites et fort riches, de cette richesse qui découle des géniteurs, de l’éducation reçue, des apprentissages et de la touche personnelle : valeur ajoutée qui porte sa propre griffe de vie. 
Randa universitaire, est, aussi, l’architecte esthétique d’une collection de bijoux très épurés, une légèreté des lignes, celle d’une créatrice « aux semelles d’air » partie promptement hier, 19 octobre, dans ce beau printemps de l’automne que je trouve lourd cette année moi qui adore le mois des rouges grenadiers.

J’appris hier le départ de Randa. Je savais via Nounou sa jumelle qu’elle était particulièrement fatiguée, sans voix depuis quelques jours. Je savais qu’elle partait et je pensais à elle au quotidien. Cela vous gèle, l’envol de ceux que vous avez connus de près, il y a un froid qui veut s’installer. On le met dehors parce que NOUS décidons mais c’est un froid qui laisse un froid derrière lui. 

Ma tante perdit son fils il y a plus de vingt ans, il avait moins de trente ans et elle en fut meurtrie. Quelques mois plus tard ou plus, je ne me souviens plus, elle commença discrètement à dire lors de conversations familiales, qu’il était toujours à l’étranger et qu’il travaillait et que Dieu lui soit en aide !
Tous pensèrent à une dure dépression. Je m’approchai d’elle, sur la pointe des pieds : nous partirons tous un jour, c’est la loi de la vie et ça n’épargne personne. Et elle m’avoua à demi mots que c’était pour elle un mensonge consenti pour souffrir moins et qu’elle le savait éteint. 

Randou comme j’aime à l’appeler, parce qu’animée d’un très bel esthétisme, est sûrement à la recherche d’inspiration. Ses lignes n’attendront pas longtemps, elles reprendront vie dans quelque temps parce que la griffe Randa Driss est inscrite au firmament du Beau.

Ce fut une belle rencontre, pleine d’humanisme et de vérité parce que se préparer à partir est le lot de tous, qu’il n’y a aucune honte à avoir eu un timing avant l’heure. Même si, aujourdhui, la douleur de l’absence concerne les autres, les parents de Randou, Nounou la sœur jumelle et les amis vrais.

Au revoir Randou même si je ne crois pas à la métempsychose convenue, au revoir à travers tes lignes qui renaitront, au revoir je ne sais où, au revoir simplement comme un espoir, celui d’une amitié vraie et durable.






vendredi 18 octobre 2019

Cette soeur traîtresse ....


Parce que les mots sont libérateurs.

Paris.
Cabinet de psychologue. 
Une pancarte : Coaching, PNL, spécialiste des troubles de l’adolescence et des problèmes de couple.

-       « Au départ, c’était au décès de mon géniteur, elle avait trouvé irrévérencieux que le livre soit jeté, le Livre. Comme si de voir partir, en une fraction de seconde, un être aussi crucial était facile. On servait des rafraichissements, j’avais trouvé cela odieux.


Après, ça a été durant les années folles de mer et d’amour : « Tes formes sont visibles, tu t’épiles, cela se voit. »

Cela a été aussi, l’accueil froid, les soirs de lune, en bord de mer. J’arrivais avec des douceurs et je ne comprenais pas.

Qu’est-ce qui expliquait la froideur de ma sœur ?

Un jour de délire de mômes, un parc d’attractions, deux fillettes, je riais aux éclats. J’adorais communiquer avec les enfants, j’adore toujours. La petite choisit la grosse tasse tournante, elle virevoltait et riait. Entretemps, l’autre choisit le dauphin sautillant. 


-       - Viens, me dit-elle.
-       - J’attends Titi, répondis-je.
-       - Laisse-la, elle nous rejoindra.

Elles avaient quatre ans toutes les deux. Partir les trois et laisser une petite seule, pour ne pas patienter deux minutes ? 

Ebahie, impolitesse, bêtise, égoïsme ? 
Ces parents laids de ne pas savoir traiter tous les mômes pareillement.


Après cela, ça a été des silences inexpliqués, une marche rapide en solitaire et nous tous derrière à essayer de comprendre : que lui arrive-t-il ?
Elle n’avait pas d’indépendance financière et ne supportait pas les femmes libres.

La générosité est un humanisme, la générosité de comprendre, d’écouter, d’excuser, de compatir. Et de l’autre côté, moi, et moi et encore moi.
C’est d’une extrême laideur.


Et puis un jour, un jour difficile où ta vie tangue. Et tu te retournes vers ta sœur, celle que tu ne connaissais pas encore, que tu devinais un tout petit peu mais il y a aussi l’oubli. Et puis c’était tellement sérieux. Ta sœur médiatrice de tes peines. Et la voilà qui lève les yeux sur ce qui t’appartient. 
Ce qui est à toi exclusivement parce que chez nous, on ne mélange pas, parce que c’est indécent, parce qu’une sœur est une sœur. 


Certaines passions aveuglent mais il faut être sans conscience. Certains sentiments humains gagnent à être maîtrisés, il faut savoir pour cela, il faut réfléchir pour cela et surtout ne pas déroger au principe de loyauté.

-       C’est une pathologie, une vraie, me dit-elle.
-       Non, ce n’est pas excusable. »



Fin de la séance.
















jeudi 17 octobre 2019

Ma journée sourires




En sortant de chez moi ce matin, je décidai que ça allait être une journée sourires. J’en avais envie ou peut-être besoin. Au rond-point, un Monsieur d’un certain âge vendait du papier mouchoir, il me montra le paquet mais j’étais pressée par les voitures derrière, je fis le tour. J’ai toujours un respect immédiat pour le gain d’argent digne. Il me remercia, je lui souris, lui passai une bouffée d’ondes positives. Je suis sûre qu’il le sentit. Merci. Merci.

Je passe chez l’apothicaire, je pris des larmes artificielles et dire que je suis une pleureuse. J’ai les yeux secs depuis quelques jours, ça doit être le changement de saison. Je ne rigole pas avec la santé. J’ai un demi siècle mais comme je me sens jeune, belle, que je ne cesse de m’entretenir intellectuellement mais aussi, également, physiquement, avec tout ce que je trouve dans la nature et le dieu citron en premier chef, parce que donc je me trouve toujours jeune, j’inventai Kepler II. Pour ceux qui me connaissent, qui me lisent, parce qu’on me connait surtout via mes écrits – dans la vie, je parle peu depuis quelque temps mais je souris beaucoup – Kepler II me donne 38 ans et ça me va. Alors qu’à 38 ans, je tremblais de peur de vieillir. Bon. Avec un peu de chance, j’atteindrai les 70, en tout cas, je vais mettre de mon côté tous les moyens pour y arriver. Ou mieux, 80 ans. Ou idéalement 96. Ce serait bien ! Vraiment ! Pourvu que je ne trébuche pas sur les mots comme maintenant, de temps en temps. Oui, c’est très bizarre ce qui m’arrive depuis quelque temps. Un mot et je suis interdite, c’est son autre sens ? 
Et, heureusement, très vite je reviens à l’évidence. Et merci la barre Google ! Un début d’Alzheimer ?

Je n’espère pas, parce qu’écrire est ma vraie respiration. Ceci dit, la mamie de Mama qui approcha les cent ans, mordillée par un chien, cria : « Un mouton m’a mordue ! » C’est une partie de mon capital génétique, je l’assume. Paix Mamie. Il faudra que j’en parle un jour, elle appelait son fils Monsieur et lui la nommait Madame, ils avaient quinze ans de différence d’âge et étaient intimidés l’un par l’autre.

Je parle trois langues, je vis beaucoup dans les idées et dans les livres et j’écris, j’écris. Par besoin et quand je le décide, par travail. Mais les écrits par besoin, comme celui-ci, me libèrent, m’allègent. Les autres aussi mais ils sont conventionnels. Et je n’ai toujours pas publié. Est-ce grave Docteur ? J’ai besoin de publier parce que j’ai beaucoup de choses à dire, je dois élaguer et j’ai un sacré retard puisque j’écris depuis mes huit ans si mes souvenirs sont bons, depuis le journal que j’eus en cadeau, mon intervention sur les amygdales et plus tard, Mlle Joubert. Paix Mlle.

C’est peut-être pour ça que je trébuche sur les mots aujourd’hui. Le français reste ma seule langue, ici et maintenant, d’écriture et de réflexion. Pourtant pour beaucoup, ce n’est pas ma « vraie langue » et j’ai beau tonné que c’était la mienne en priorité, rien n’y fit. Des classiques et des statiques. Ma langue est celle que je maîtrise le mieux, que je manie le mieux et dans laquelle je suis le plus au confort et au réconfort des mots. Allez expliquer cela à ceux qui n’ont pas une pensée dynamique. Non, je ne vais pas me fatiguer à expliquer, pas aujourd’hui ni demain d’ailleurs. Et de toute façon, ils ne font pas la queue pour recevoir mes saintes explications. 


Ma benjamine m’appelle et me dit : Mom, j’ai rencontré quelqu’un vendredi dernier et depuis on se voit tous les jours. Figure-toi c’est un blond moi qui aime les bruns !
-       Ah bon chérie, répondis-je le plus hypocritement du monde.
-       Oui Mum, il est trop, trop drôle !
-       Vrai ? Hhhh …
-       Oui, il fait un truc entre les langues et l’économie.
-       Il y a ça dans ta fac ?
-       Oui Mom. Attends, je t’envoie ses photos.

L’avantage sur Messenger, c’est que personne ne peut vraiment détecter les expressions de ton visage. 
-     Waw, il est beau chérie.

La connexion étant mauvaise, nous ne pûmes continuer à disserter sur le physique du nouvel ami. J’ai fini par lui laisser un message. C’est que je suis monacale moi et outre les études, d’abord, ensuite et enfin, je ne comprenais rien. J’avais quand même donné le change.

« Chérie, ne perds pas de vue la raison pour laquelle tu es là-bas. Des amis, oui, plus non, c’est une perte de temps. NOUS n’avons pas la tête à ça. » 



Mon aînée m’appelle de la salle de sport : 
- « Mamsou, je m’entraîne ! 
- Je vois, comme tous les jours ! »

C’est une accro au sport, je préfère cela à autre chose, bien évidemment. Un jour, qu’elle eut un malaise vagal, elle fut persuadée qu’elle avait une maladie incurable. Nous allâmes donc voir tous les spécialistes, elle avait à peine 26 ans. Nous fîmes toutes les analyses, bien entendu, elle n’avait strictement rien, il fallait juste que je le lui démontre au prix fort. Chez la biologiste, alors que n’y étions allées pour récupérer le bilan, elle tremblait. 

La dame : 

- Vous vous préparez aux Jeux Olympiques ? 

Vrai. J’ai pris quinze jours pour la remettre sur pied. D’abord en acquiesçant à tout, en payant tous ces spécialistes de renommée, en voici en voilà et après en faisant barrage du haut de mon 1m 68 à sa peur de la peur. 
Ce fut épuisant pour moi mais Divine est une créature de sensibilité et de beauté et à la perte de son géniteur, elle eut le cœur broyé, deux fois.

-       On se voit ce soir ? Je t’aime Mamsou. 

Cette très belle personne vit dans mon cœur, dans ma tête et mes yeux. Et je comprends qu’elle veuille prendre ses distances quelquefois, l’amour exclusif est un piège.


Mon fils est là, mon Parisien avec lequel j’ai des relations houleuses. Un Homme, un vrai. Seulement, j’aimerais tant qu’il mette des mots sur les choses, les êtres et les situations. Qu’il sache que nous n’avons pas toujours notre être dans le creux de notre main comme je le leur ai souvent dit les jours de force et de domination. 

J’ai posé une question à mes amis sur le réseau social le plus utilisé par ici : Qu’est-ce que le silence, dans l’absolu ? Et les réponses fusent encore. Pour moi, et c’est une définition parmi tellement d’autres, le silence est une maladie, celle de ne pas pouvoir dire les choses, de trouver peu aisé de le faire, d’être dans l’incapacité de le faire. Une pathologie réelle dans ce cas de figure. Parler, c’est s’alléger, voilà pourquoi certains payent pour le faire. Moi, j’écris, c’est gratuit, je me déleste et j’aide les autres, je leur fais plaisir, je leur ouvre l’œil et leur donne à réfléchir. Je m’y consacre désormais et je me mets un peu à nu. Coco a été séparé agressivement de sa mère à quatre mois. Une semaine, à ne pas la sentir, la téter. Cette réponse d’alors aux angoisses existentielles s’était trouvée face à la mort subite mais il ne pouvait le comprendre.

Mon fils d’amour, je resterai dans ton environnement à chaque fois que ce sera possible afin que les mots viennent et que tu dises, à ton tour, ta colère de l’inattendu. L’inattendu, l’autre face de l’existence, celle qui fait tarir les mots.