Épilogue
Ismahane est partie en mer comme elle le souhaitait. Elle manquera à Farid, à Étro et aux autres qui furent présents dans sa vie. Elle lui manquait à lui de son vivant, donc de ce côté-là, il n’y aura pas trop de changement. Il la raya de sa vie assez tôt. Néanmoins la porte des émotions qui creusent - qui était entrouverte au gré des jours - est largement ouverte depuis l’urne. Un vécu au couteau, un avenir au couteau, des tribulations psychiques …
Ismahane est partie à tout jamais et au bout de quelques jours, tout rentrera dans l’ordre et ce sera comme si elle n’avait jamais existé. Sauf pour lui. Elle aura eu pour elle le vécu qu’elle s’était choisie et c’est tant mieux. Elle fit de sa vie ce qu’elle voulut, sans amour, mais avec du plaisir. Elle l’avait dit elle-même.
Une vie de plaisirs, son choix. Ou peut-être parce que l’amour est autrement plus exigeant. L’amour est difficile, il a ses lois et l’incomparable honnêteté qui lui est inhérente. L’amour a aussi son temps, sa rigueur et ses impératifs. L’amour est douloureux et il peut être impitoyable. Elle n’avait pas eu la possibilité de choisir l’amour et elle a dû se rabattre sur son ersatz, sa version mercantile … Et elle perdit en route sa plus belle personne. C’est qu’Ismahane avait sa superbe et son orgueil, elle aussi et qu’elle refusa d’abdiquer.
- Je serai aimée et j’aimerai. Les corps.
Un pis-aller, mais elle y mit de l’ardeur et de l’esthétisme pour croire en elle. Ismahane, mon amour. Ainsi était-elle appelée par ses hommes, dans le désir et l’élégance. Parce que sa vie ne regardait qu’elle et que nul n’avait le droit d’objecter. C’était une Dame. Une Dame libre qui croyait au consentement et au consensus. Une adulte intelligente, fine et à la destinée tragique même si elle faisait montre de l’exact contraire.
Qui êtes-vous pour juger ?
Qui êtes-vous pour prononcer des sentences ?
Qui êtes-vous pour laisser tomber le couperet ?
De quelle morale, parlez-vous, au vu du déterminisme des existences, des vies et des enchaînements de situations et d’épreuves ?
C’est comme pour Sam, parti à la trentaine, alors qu’il voulait aimer et vivre. Sam qui connaissait par cœur le moindre de ses grains de beauté et qui en forçait la couleur. Sam, l’Italien, si beau et si rieur qui découvrit l’amour des hommes à quinze ans.
- Je suis bizarre, disait-il. Différent. C’est mal pour tous ou presque. Pourtant, c’est en moi. Je vais contrer pour être l’homme qu’ils veulent.
Et il partit, squelettique, du mal des orifices, comme ils disaient triomphalement et hideusement. Sam, l’irrésistible. Tu fus le meilleur.
Qui êtes-vous ?
De quel droit, fouillez-vous les orifices, quand il s’agit d’amour, de passion et de pureté ?
Des inquisiteurs et des lyncheurs, aux rictus inhumains, assoiffés de sang et de tueries.
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