dimanche 27 juillet 2025

Ismahane, mon amour 4

 
















Début du protocole. Des protocoles. Lourds. Les médecins, même quand il s’agit de proches, veulent inopinément, du jour au lendemain, exprimer leur méconnaissance. Préférentiellement, faire appel à un mélange d’irrationalisme et de superstitions. Ce n’était pas à l’ordre du jour. Le monde d’Ismahane était carré, elle en avait dessiné les contours, assez tôt. 

 

Ismahane, la guerrière des sens, l’aimée, l’amante, la passionnée, l’hédoniste.  

 

Le corps ne remplissait plus ses fonctions épicuriennes. Et le mordant prit un coup imparable sur la tête. Ismahane choisit d’alimenter la gourmandise, l’esprit de revanche. La lutte armée. Hélas, il y avait les humeurs, les flux … Elle leur trouva une solution de réparation et, toujours dans le silence, continua à contrer ;  à essayer de contrer, à vrai dire.

 

Il y a dans la solitude de l’ébranlé, de celui qui admit avec force sa précarité existentielle, une solitude double, profonde, peut-être même à étages, fantasque, capricieuse … Le chèque en blanc fait son revirement, l’heure de l’aléatoire, l’ascenseur peur-panique-indifférence-rage …

 

Faire l’amour tous les jours restait une option pour dire m… à la vie. Mais quand les odeurs pharmaceutiques s’exhalent ? Quand un sentiment de vide emplit l’espace intérieur ? Mais qu’est-ce que cette machine à liquides puants ? se disait-elle, rageusement.


 

-              Il n’y a que la chirurgie qui vaille, lui disait-elle.

 

-              Il faut déjà pouvoir la faire et aller sur le billard ! répondait-il. 



 

Quand le glas de l’incertitude sonna, s’installa un kaléidoscope d’impressions et de sentiments. Oscillation entre rationalisme et puérilisme. Le corps attendra. Peut-être.

 

Ismahane choisit d’arrêter une stratégie de survie. Celle du condamné à mort. Suivre les protocoles, discuter les dosages et surtout sourire au restant de ses jours, à défaut de sourire à la vie. Le doute s’étant infiltré, elle n’avait pas toujours la possibilité d’agir dessus. Alors ce sera les options rires, être belle et élégante, sortir, trinquer et surtout n’en rien dire. 

Selon l’énergie à disposition. Selon l’énergie fabriquée. Inflation ou pas. Le mal s’étant invité chez elle. 


Elle regarda longuement Farid* et lui dit dans une voix pleine de promesses de bonheurs à venir :


- Regarde la Bleue, Farid. N’est-elle pas somptueuse ? Sens ce fell* et regarde ses cloches renversées. Nous nous sommes tant aimés et nous créerons de nouveau des nuits étoilées d’amour et de fusion. Nous fabriquerons ce temps précieux, réfractaire à tout diktat et nous nous tiendrons la main après. C’est cela l’amour. Le décider, le filer, l’orner et l’étirer. Je crois bien que je continuerai à le faire.



      -  Et personne ne le dit ni ne le crée comme toi, Ismahane, mon amour.

 

 








 

Notes explicatives : 

Farid : Prénom égyptien signifiant rare.

Fell : Jasmin dit oriental ou d’Arabie, mais carthaginois en réalité.







 

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