mardi 22 juillet 2025

Ismahane, mon amour 3












 

 

 

Elle s’était gavée d’amour physique comme si elle avait peur de perdre le réconfort et la plénitude que cela lui procurait. Mais cette fois-là, c’était très spécial et elle le savait. Néanmoins, elle manquait de mots, de mots justes et précis, pour fixer les choses avec elle-même, tant ses pensées étaient confuses. Quand le positif l’emplissait, quand le déni triomphait, une vague géante de négatif venait tout anéantir et elle passa, après le départ de l’amant, une affreuse nuit d’ascenseur émotionnel.


Le matin, elle prit les choses en main presqu’avec violence, se doucha à l’eau froide pour rééquilibrer son esprit, s’habilla élégamment et retourna chez son médecin. C’était un ami de longue date et ils eurent un quart d’heure de franche séduction quelques années plus tôt sans aller jusqu’à l’échange corporel. C’était sa décision à elle, dans un geste de lucidité toute spéciale.



-  Reste mon médecin, lui disait-elle. Ou restez mon médecin. Ne mélangeons pas les genres, on ne sait jamais. Peut-être gagnerais-je à ne pas mettre en péril votre objectivité de scientifique ?

 

Arrivée au cabinet, elle fut vite introduite par la secrétaire, prit place et se tut un long moment, avant de pouvoir balayer la facilité du déni et de laisser libre cours à une objectivité douloureuse.

 

-      Je voudrais quand même refaire tous mes bilans, lui dit-elle, dans un effort perceptible. Tous.

 

Et ils convinrent d’un protocole de reconduction de bilans sanguins et de multiples imageries. Il savait qu’elle voulait mener les choses et il l’admit de concert avec elle. Après tout, elle apportait de la force et de la volonté et ce, même, dans la rage.

 

Le quatrième jour fut chargé. Elle choisit, pour sa batterie d’examens, de passer la matinée dans une clinique de son choix qui donnait sur la mer. Elle demanda à deux de ses amis-amants les plus solides en amitié de rester en contact téléphonique avec elle sans qu’elle ne leur dît quoi que ce soit sur sa situation.

 

-       J’ai une matinée de stress intense et j’ai besoin de te savoir au bout de mon bras. Nous nous sommes tant aimés, leur dit-elle, à chacun, dans une voix suave de rappel de leurs jeux amoureux imaginatifs. 

 

Elle gardait certains de ses amours dans le champ de l’amitié et de la présence amicale par légère crainte du lendemain. Ou par désir de meubler quelque chose de profondément vide. Ou parce que couper n’avait aucun intérêt dans l’équation vie-temps-mort. Elle les appelait « Mes hommes » en son fort intérieur et savait pouvoir compter sur eux, ne serait-ce que symboliquement. Il y avait eu du corps, des sentiments, quelque chose de profondément humain et surtout une conscience philosophique de la vanité de la vie. Assez tôt chez elle et ensuite chez eux, parce qu’elle en materna pas mal quand le désir s’émoussait et qu’il fallait créer du neuf. 


Ismahane, un personnage de corps, évidemment. Et de conscience philosophique. Mais surtout de volonté réfléchie qui fit du plaisir des sens une ligne de vie fondamentale. 


À suivre






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