Était-ce le jour ? Était-ce encore la nuit ?
Je marchais seule ou presque dans mon quartier parisien que j’aime tant. Il faisait assez doux, un seize degrés peut-être. Nous avions convenu avec M. que nous serions dans notre café à 7 heures, à l’ouverture.
J’étais en avance et je voulais profiter du silence, je voulais exercer mes yeux, je voulais rêver, penser à mes amis surréalistes, ceux-là qui au lendemain de la Première Guerre mondiale avaient pris d’assaut tous les domaines artistiques afin de les déconstruire d’abord et de les rebâtir de nouveau, à la lumière du rêve, de l’inconscient psychique, du hasard et d’un Beau que les codes rigides insupportent.
Artistiquement, esthétiquement, intellectuellement, littérairement, j’étais une composition de baroque choisi, de classicisme dans les strates édificatrices, de l’esprit fortement rebelle de Dada, de surréalisme onirique et innovant, expérimental aussi.
Si les deux premiers s’adressent à mon académisme et à ma pondération, les deux derniers focalisent sur mon besoin incessant d’écriture renouvelée et de créa.
Tout en marchant, je me dis que M. et Paul auraient dû envisager un atelier vitré au milieu d’une des premières salles de leur galerie où l’artiste ferait une sorte de live painting ou de live sculpture sous les yeux des visiteurs à la manière des surréalistes vers le milieu du XXème siècle.
J’oubliai que Gaïa n’était plus dans la surexposition et qu’au vu de sa maturité, elle était surtout courue par les collectionneurs et les célébrités silencieuses.
Et puis, je me trompais d’époque ... Peut-être aussi de discipline, peut-être pensai-je à l’écriture automatique, à la libération de l’esprit de tout contrôle exercé par la raison. Sauf que le surréalisme touchait à tous les domaines de la créativité.
Mon esprit partait dans toutes les directions assez promptement, avançait, puis retournait à des points quelque peu pensés rapidement … Oui, l’intérêt du surréalisme réside précisément dans un faire sans code, dans un faire libre, qui se réinvente en permanence d’où la richesse des œuvres de Max Ernest, de Magritte, de Dali, de Man Ray … A l’identique dans l’écriture, la sculpture, la photographie …
- J’ai vraiment raté les années folles 20/60, me dis-je.
Était-ce Paris ? Le jour qui montait très doucement ? Mon quartier-phare, Gaïa, Paul et M. ? Mon café et son passé littéraire et philosophique ? Cette Dame que j’eus la chance de connaitre par le plus grand des hasards ?
Je rentrais bientôt à Carthage que j'adore aussi, dans l'absolu. Carthage de vous, Madame.
Je savais que les menus détails de mon séjour allaient se combiner avec mes connaissances de base, avec Karlitto et ses gros yeux, avec l’hyperréalisme dérangeant, avec les mots échangés, avec le passé d’une septuagénaire nourrie d’arts de pointe, de passé, de vécu et de trois hommes, différemment …
Une Dame belle et saisissante, aux doigts matures et joliment bagués.
Je savais que tout cela donnerait quelque chose. Je fis savoir à M. que je retournais à Paris en mai pour un peu plus d’un mois. Et nous convînmes de nous voir et de passer du temps ensemble.
- Mam’s, tu vis en dehors du monde réel, me dit, très souvent, mon aînée, une Déesse des temps modernes qui dessine, au quotidien, un univers mythologique au centre de la terre du nom d’Agartha.
- Et bien, je ne suis pas la seule Amore, dis-je, en moi-même, de retour vers mon lieu de résidence.
Paris, Paris de toi, tu me manques déjà …
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