C’était un vieil hôtel particulier, laissé dans son jus extérieurement et rénové intérieurement. Ce que je trouve sublime dans certaines vieilles demeures parisiennes, c’est l’intimité du lieu une fois la porte cochère dépassée. Nous sommes dans les alentours du Pont Neuf, c’est très animé, mais il est difficile d’imaginer le calme quasi monacal de la demeure devenue galerie par les soins de M. et de son acolyte de vie, Paul.
De grandes pièces fortement éclairées par des fenêtres de toit et des verrières, c’était ce qui frappait le plus : la lumière. Des pièces immenses, labyrinthiques, la lumière y était versée et comme reflétée par des miroirs invisibles. Paris, c’est gris, et là nous étions dans un mai éternel. M. me montra par la suite de discrets réflecteurs espaciels argentés, placés çà et là, qui dirigeaient la lumière et la focalisaient sur le centre ou sur l’œuvre exposée.
Trois étages d’espaces lumineux dédiés à l’art. Du contemporain, du trompe-l’œil récupéré, des sculptures de bois, d’acier, des peintures murales gigantesques, des sculptures végétales …
L’art me fascinait sous toutes ses coutures, mais j’avais des réserves sur l’hyperréalisme que je n’appréciais pas particulièrement. En réalité, il me dérangeait. Je ne m’attardai pas longtemps devant les corps nus couchés sur des bières …
- Voyez-vous me dit M., l’hyperréalisme est américain de base. C’est une traduction du visible tel qu’il se présente. Quelque part, il reproduit le réel avec le souci de donner à voir sa laideur. Il a de beaux jours devant lui. On peut l’apprécier ou le rejeter, me dit-elle, en souriant.
- J’avoue ne pas en être une véritable adepte …, dis-je, avec honnêteté.
- Je crois que vous ne passerez pas la nuit avec le corps nu de tout à l’heure.
- Non, dis-je, en riant. Certainement pas.
- Le marché de l’art regarde tout, pèse et soupèse tout. Sous-estimer un travail artistique peut vous coûter cher. Rappelez-vous Van Gogh, personne ne le prenait au sérieux de son vivant.
Nous poursuivîmes notre visite et je découvris dans les sous-sols des trésors cachés qui ont tourné dans le monde. J’en avais le souffle coupé. J’étais dans Le Temple de l’art. Du Beau, du dérangeant, de la dynamique gestionnaire, de la curiosité de dénicheurs, des objets qui voyagent, un monde sans discrimination où toute expression artistique est à regarder en profondeur.
( De retour dans ma résidence, j’appelai ma fille une immense artiste qui, pour l’heure, privilégie la vie.
- Je t’ai pris rendez-vous avec Paul, azizty*.
- Oui, oui Mum, on verra, on verra …
Ce qui revient à dire en traduction littérale : Je m’en fiche comme de l’an 3000 !
Discours générationnel. )
Avec M., nous décidâmes de prolonger la matinée avec Paul en commandant des plats Thaï, des fruits et des desserts italiens. Nous nous étions découvert M. et moi des goûts gastronomiques en commun et tout spécialement les gâteaux de fromage léger et de fruits rouges.
Paul se lança dans un discours précis sur l’art contemporain avec force détails et je me trouvai un peu perdue au vu des innombrables courants et noms d’artistes marquants. Il s’attarda longuement sur le Pop art et la mouvance Graffiti, leur influence à New York et ensuite en Europe.
Keith Haring, notamment, célèbre dessinateur dont les dessins donnèrent naissance à tout un mouvement. Des dessins simples pour les enfants, mais compliqués pour les adultes où le tout consistait à dénoncer le racisme, l’apartheid, la discrimination, le nucléaire, l’homophobie … sur des supports sans cesse renouvelés : métal, murs, objets trouvés, corps …
Keith Haring qui dessina dans le monde entier dans les rues, les stations de métro, sur les murs d’entrepôts, de stade, notamment pour alerter contre les ravages de la drogue, véritable épidémie new-yorkaise dans les années 80.
Je rentrai vers 16 heures me reposer d’une foule d’informations artistiques de taille après avoir fixé avec M., un rendez-vous pour un café tôt le matin, afin de voir Paris au réveil, surtout que mon séjour touchait à sa fin. Un café dans mon quartier de prédilection, à 6 heures du matin.
Paris, Paris, Paris de toi …, pensai-je, sous l’eau laveuse de toutes les fatigues. J’avais la tête qui bouillonnait d’art et de bonheurs légers.
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