samedi 12 octobre 2024

Cet ami qui fut fourbe, IV

 





" Nous étions mômes, nos espaces mentaux prenaient tout sauf le rationalisme et les actes blessants marquaient fort. J’avais honte de mon père et je jurai en mon for intérieur de ne jamais lui ressembler et je devins une réplique de sa personne hautement dingue. En plus vigoureux. J’avais tout bu et mon capital génétique se déploya pleinement en l'absence de garde-fou.


 

Et tout naturellement, petit à petit, je tuai mes rares amis. Drus dura quelques années, parce qu’il venait s’excuser après coup, mais concluait ses excuses immanquablement par le même leitmotiv : « Avoue qu’il y a de la vraie dinguerie chez vous ! »


 

Et chez moi, c’était carnaval tous les jours, toute l’année et le rôle de ma mère consistait à calmer, faire taire, dompter ou même empoigner. Au début, elle n’avait qu’un borderline contradicteur vociférant, nous devînmes trois au bout de quelques années de démos paternelles. Mon père, mon frère et moi. Elle n’en démordit pas. Elle était petite, prompte, forte et bagarreuse.


 

-    Je vais vous montrer de quel bois je me chauffe, bande de Cinglés ! Vous, dans vos chambres. J’attaque la Pieuvre.


 

Très vite, notre maison devint in-visitable, notre famille infréquentable, mon père craint. Le bac en poche, je partis faire mes études à l'étranger. Je n’avais plus d’amis. Ou, plus justement, je mis fin à mes relations amicales avec deux ou trois camarades de lycée. Dont Drus. 


Ma réputation était déjà bien posée : j’étais colérique, susceptible, caractériel et rancunier. Et cela était de famille. Avec un tel pedigree, on avait des chances de mal avancer et je ratai presque tout. Les amis, ma nature profonde. 


J’étirai les études en longueur, mais je levai un diplôme impraticable dans mon pays. J’étais loin d’être un béta, attention ! Je voulais simplement tout ramener à ma conception des choses, des parcours et de l’académisme. L’école ne tint jamais compte des raretés comme moi.

 

Quand je revins dans mon pays après quinze ans d’études, Drus tenta de renouer avec moi à travers elle, mais je me dérobai. Il me rappelait une époque de ma vie que je portais honteusement et je pris soin de vivre parallèlement au monde des hommes pour éviter les situations d’éclosion de ma folie extraordinaire.



 

Elle, c’est Lily, ma seule amie. Et vous, le coach qu’elle me présenta et m’imposa. Lily avait la puissance de ma mère et la générosité des créateurs et des artistes. Elle me connaissait d’un bout à l’autre, savait communiquer avec moi et m’astreindre au silence au moment des poussées fiévreuses de ma psyché. 


Je me souviens du jour où pour tester mon rationalisme - j’en étais dépourvu - elle me provoqua pour mesurer son acuité. Je volai en éclat et appuyai sur le champignon pour m’imposer et dominer. Sur un ton d’un calme effrayant, elle me dit :

 

-       Je descends. 

 

Et elle ouvrit la portière de la voiture lancée à plus de 120km à l’heure. Je rétrogradai à 30 illico. Elle descendit de voiture et héla un taxi malgré mon air penaud et mes supplications.

 

-      La folie et moi, c’est non. Catégoriquement. Soigne-toi toi-même Grand dadais, me dit-elle sans se démonter d’un iota.



Je suivis le taxi en passant par 50 états de folie extraordinaire en sautant sur mon siège toutes les six minutes comme un singe en déroute aveuglé par une psyché fantasque. "

 

A suivre 













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