mardi 8 octobre 2024

Cet ami qui fut fourbe, I

 






 Octobre 2024



 

 

Il faisait une chaleur à faire rougir les grenades et même les coings. L’eau était limpide, claire, sereine. Elle venait s’échouer doucement à ses baskets. Il longeait la mer et tentait de mettre de l’ordre dans ses pensées qui s’entrechoquaient.


 

Il avait toujours un trop-plein d’idées en tête, des connexions multiples et un rythme rapide pour ordonnancer ce hourvari insonore, mais insidieux et tenace. Des idées qu’il dilatait dans tous les sens, qu’il associait les unes aux autres dans un réseau complexe dont il maîtrisait la cohérence.


 

Après, il fallait savoir les transmettre et il s’emmêlait les pinceaux, mais elle avait pris l’habitude de s’y frayer un chemin. Plus d’une décennie d’échanges abscons, complexes, lumineux et accoucheurs.


 

La veille, il avait pris la décision de se rendre chez elle parce qu’il avait commencé à sentir la charge des non-dits et qu’il avait un fort besoin de déblayer.

 

 

« Je crois bien qu’adolescent, il m’était fréquemment arrivé de souhaiter secrètement sa mort. Il était violent. Avec tous. Avec ma mère, ils s’empoignaient, mais elle lui tenait tête et à chaque fois, il reculait, étonné. Elle comprit très vite sa psychologie et n’en démordit pas. 


 

-       Tu veux la bagarre espèce de grand fou et bien tu l’auras !


 

Il prit peur et ne comprit jamais de quelle pâte était faite cette gamine.


 

-       C’est moi l’homme. Ton jeune âge m’indiffère et je te dompterai.


 

Il le disait à reculons, battant en retraite vers sa chambre pour se donner une contenance. Le soir, il en sortait pour le souper, seul, en cuisine avec l’aide qui le servait. Parce qu’au début de leur vie, quand il ramena les provisions, elle mit un violent coup de pied dans le couffin, envoyant les victuailles valser dans tous les sens. 


 

-       L’argent, les vivres !

 

-       Et bien ramasse-les !


 

Et une bonne partie de leur existence se passa ainsi : il tentait de la maîtriser et elle se débattait comme un fauve. Il se cachait, ressortait tremblant intérieurement, affichant des allures de maître. 


 

-       Que chacun se mette à son bureau ! On travaille ici !


 

Ce qu’il ne pouvait déverser sur elle, nous revenait tout naturellement. Tout était diktat. Il nous astreignait au travail, devoirs ou pas. De retour à la maison, nous devions expédier un goûter et nous mettre à nos bureaux respectifs. Il fallait que les dictionnaires soient à proximité même si nous révisions les mathématiques. Il lui arrivait de surgir dans l’une des chambres pour demander la récitation de la table de 9 que je détestais tout particulièrement. Quand il le comprit, il fit une fixation dessus.


 

-       La table de neuf Grand cancre ! hurlait-il.


Et je calai. Je la haïssais et je lui souhaitais de pousser son dernier soupir. »



A suivre 








 


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