vendredi 11 octobre 2024

Cet ami qui fut fourbe, III

 





" Mon père était fou, nous étions d’accord là-dessus, mais personne n’avait le droit de le dire et encore moins de le crier à la cantonade. Excepté moi. Certes nous étions des mômes en ce temps-là, ou précisément, parce que nous l’étions, les mots heurtaient, percutaient, nous faisaient exploser l’intérieur en mille éclats. Plus tard, ce sera l’implosion, la rupture ou la reproduction. 


J’avais reproduit avec une acuité et une déflagration qui faisaient peur aux plus téméraires. Je continue, mais l’énergie est en perte de vitesse à mon grand soulagement. Ces voix exponentielles intérieures n’ont plus leur espace de déploiement et ils ne leur restent qu’à tourner les talons dans de profonds soupirs.


 

Si Drus était un ami d’enfance et de collège, qu’il le restât ne fut pas de tout repos pour moi. C’était un fourbe et un irrespectueux. Je me souviens d’une fois où nous avions convenu d’un rendez-vous loin de chez moi, pour éviter qu’il ne vît mon père qui était, comme vous l’avez compris, totalement imprévisible. Je le trouvai devant ma porte avec deux amis qui semblaient avoir été briefés par lui pour le grand spectacle. 


 Devant chez nous.

 

J’avais saisi ses mobiles, mais je me tus. Il avait préparé ce qui fut pour moi la pire des humiliations. Et naturellement mon père fut au rendez-vous. Il se déploya dans une crise sans précédent à la vue de ces trois jeunes gens qui avaient l’ambition d’intégrer son domicile, d’y rire et d’y manger. Je n’étais pas encore revenu sur mes pas qu’il les vit de sa fenêtre d’observation. 


Leurs airs amusés, leurs cheveux portés long, leurs jeans, leurs espadrilles, leurs cartables par terre firent bouillir son sang et quand il me vit avec eux, il ne jura plus de rien et sortit s’adonner à un des esclandres les plus rares de son imaginaire pathologique, un scandale qui fit les gorges chaudes du quartier.


 

Ce jour-là, je désavouai Drus. Je compris sa nature profonde et ses mobiles. Il me fit haïr l’amitié et je sus que nous n’avions rien en commun, qu’il était hypocrite et indigne du respect que j’avais pour lui. C’était un Fourbe. Il manigançait dans le silence et elle avait raison. ( Elle ? Je vous en parlerai plus tard. )


 

Et nous continuâmes à nous fréquenter jusqu’au jour où je lui collai sa face contre le mur tout rêche, en lui jurant, que j’étais prêt à lui rendre fous père et mère et qu’il vit de hautes flammes briller intensément au fond de mes prunelles. Il sut se taire à point pour ne pas me dire que j’étais un vrai fou.


 

Ce fut mon premier esclandre en digne fils de mon père. Une foire avec tout le nécessaire pour être dans le ridicule complet, les colifichets de circonstances dans le regard, les gestes outranciers, les mots criants … ( Plus tard, je lui dit à elle, que c'était juste du folklore, espérant qu'elle ne me croyait pas fou. Mais elle comprit mes deux plus grands traits moraux, psychique et caractériel. )


 

-     Encore plus fou que son dingue de daron, hurla-t-il, en prenant ses jambes à son cou. Espèce de fou de son père ! Je prendrai ma revanche gros cinglé ! "



A suivre 

 

 































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